Les dessins de la Commission d’Egypte (1798-1829)
Le 19 mai 1798, la flotte française quitte le port de Toulon ; à son bord, vogue vers l’Égypte une troupe hétéroclite où les redingotes vertes des savants qui composent la Commission des Sciences et des arts se mêlent aux uniformes de l’armée d’Orient. La campagne militaire arrêtée par le Directoire le 12 avril 1798 se double d’une expédition scientifique que Bonaparte, à la tête de l’aventure, souhaite inscrire dans la lignée de celles de Louis-Antoine Bougainville, de James Cook ou de Jean-François de la Pérouse.
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b105142154
À peine débarquée, la Commission des Sciences et des Arts se met à l’œuvre, entreprenant une étude minutieuse et exhaustive d’un pays que chacun croit alors connaître par les récits des voyageurs qui ont occupé leur longue traversée de la Méditerranée. Pourtant chaque jour ne laisse d’étonner les savants. Au fil des explorations, s’accumulent dessins et croquis, autant d’instantanés d’une Égypte qui se révèle peu à peu. L’Antiquité fascine. Les ingénieurs, les dessinateurs et les architectes de la Commission, s’ils ne parviennent à s’affranchir complètement d’une vision mythifiée comme en attestent les reconstitutions historiques fantaisistes, s’attachent à restituer fidèlement les monuments qu’ils rencontrent. Les plans et les élévations, les représentations des éléments architecturaux et ornementaux, tous d’une extrême précision, constituent une somme exceptionnelle documentant de façon inédite une Antiquité égyptienne jusque-là effleurée.
Avec une avidité que ne démentent pas les nombreux dessins qu’ils effectuent, les savants explorent un autre terrain d’investigation : l’Égypte moderne. Véritable pépinière d’ethnographes en herbe, ils portent un œil curieux – et graphique – à tous les aspects de la vie quotidienne, aux coutumes religieuses, aux santons et derviches, aux almées, aux instruments de musiques, aux vases et autres récipients ou encore aux aliments. Comme pour les monuments antiques, ils réalisent plans, élévations, profils et coupes des mosquées et des habitations qui émaillent leurs pérégrinations. S’attardant sur la perspective et les jeux d’ombres et de lumières, ils croquent les paysages, détaillant ici une felouque, là des pêcheurs.
La faune et la flore font l’objet d’une attention particulière de la part des naturalistes qui, comme Étienne Geoffroy-Saint-Hilaire, ont rejoint les rangs de l’expédition. Poissons, gerboises, palmiers, figuiers ou sébestiers sont scrupuleusement identifiés, dessinés, voire collectés. Roches et autres bois pétrifiés prennent forme sous le crayon des dessinateurs et donnent ainsi à voir leur diversité.
Les quatre années passées en Égypte permettent la récolte d’une formidable moisson faite d’herbiers, de papyrus, de minéraux, d’animaux naturalisés, de notes, de plans, de dessins ou de croquis. Les savants ne laissent dans l’ombre aucun pan de ce pays finalement en tout point nouveau. En 1802, les bords du Nil laissent place aux bords de Seine ; une nouvelle aventure commence, éditoriale cette fois-ci, celle de la Description de l’Égypte, dont la publication se poursuit jusqu'en 1829.
Julie Garel-Grislin, département Philosophie, Histoire, Sciences de l'homme
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