En remontant la rue Saint-Jacques
S’étendant sur plus de 1500 mètres, traversant une bonne partie du Ve arrondissement de Paris avec sur son chemin rien de moins que la Sorbonne, la Maison des Océans ou l’Église du Val-de-Grâce, la rue Saint-Jacques est l’une des plus anciennes de la capitale - voire la plus ancienne.
Une rue qui, lorsque Paris s’appelait encore Lutèce, était l'artère romaine principale ouvrant la voie vers le sud du territoire. Aujourd'hui, elle est l’emblème d’un quartier (latin) à la réputation « arts et lettres » intacte qui a su conserver ses plus fameux édifices patrimoniaux. Petite balade historique et architecturale à travers une sélection de documents Gallica.
Un peu d’histoire
On le sait, la capitale est née là où se situe l’actuel quartier latin. À l’origine, le site était occupé par les Parisii, une peuplade gauloise battue par les Romains en 52 avant J.-C. C’est à partir du sommet de l’ancienne montagne Sainte-Geneviève qui constitue une bonne partie du Ve arrondissement que les romains ont bâti les fondations de la Lutèce gallo-romaine dont ne restent aujourd’hui que peu d’importantes traces, mises à part les arènes de Lutèce.
Si la rue Saint-Jacques (baptisée alors Via Superior, elle ne prendra son nom qu’à partir de 1806) n’abrite donc pas de vestiges de cette période, elle n’en demeure pas moins un témoignage clé de la naissance de la capitale : son alignement inaugural constitue le tracé fondateur de la ville, que l’on appelle le cardo maximus, soit l’axe nord-sud principal qui traversait toutes les cités romaines. Un axe qui ouvrait la voie vers Orléans, emprunté notamment par un nombre considérable de pèlerins en route pour Saint-Jacques-de-Compostelle.
Plus de vingt siècles après, malgré son élargissement à plusieurs endroits, la destruction de nombre de ses bâtisses au profit de nouveaux bâtiments - dont certains prestigieux dédiés au savoir - et l’apparition de l’immense boulevard Saint Michel qui lui fait parfois de l’ombre, son tracé n’a au final jamais changé.
Parcourons la rue Saint-Jacques
Première étape de notre balade : la Sorbonne qui s’étend notamment le long d’une partie de la rue Saint-Jacques (numéros 131-133) en face du lycée Louis le-Grand et de locaux du Collège de France, autres hauts lieux de culture et de savoir emblématiques du quartier latin. Elle doit son nom à Robert de Sorbon, Chapelain et confesseur du Roi de France Saint-Louis (Louis IX) qui avait ouvert au XIIIe siècle un collège pour les étudiants en théologie défavorisés. Le lieu est alors un ensemble de bâtiments disparates installés sur la montagne Sainte-Geneviève. Au fil des siècles, la Sorbonne ne cessera de prendre de l’importance et de changer de visage, épousant l’histoire mouvementée de France.
Le bâtiment que l’on peut voir aujourd’hui date de la fin du XIXe siècle, période à laquelle Jules Ferry ouvre un concours afin de désigner un architecte pour un vaste projet de reconstruction. Ça sera Henri-Paul Nénot, un élève de Charles Garnier, qui jusqu’à l’orée des années 1900 transforme le lieu en y ajoutant notamment un palais académique, une cour d’honneur et de nouveaux espaces d’enseignement et de recherche pour les facultés des sciences et des lettres.
Architecturalement, les inspirations sont éclectiques, tantôt néo-renaissance, tantôt antique, tantôt classique, mais l’ensemble reste harmonieux, homogène. Une visite du lieu permet de découvrir la bibliothèque, les amphithéâtres classés, l’escalier d’honneur, les salons et galeries où sont conservées peintures, sculptures et arts décoratifs du XVIIe et XIXe siècles mais aussi la chapelle qui abrite le tombeau du cardinal de Richelieu. Plus méconnu, le lieu accueille également une Tour d’astronomie, difficilement ratable de la rue Saint-Jacques - sa coupole culmine à 39 mètres de hauteur. On peut principalement y admirer une impressionnante lunette datant de 1935 et une vision du ciel à 360° - avec forcément à la clé un panorama privilégié sur les toits de Paris.
À quelques encablures, une fois dépassé la rue Soufflot et sa vue imprenable sur le Panthéon puis l’Institut de géographie, un établissement rattaché administrativement à la Sorbonne inauguré en 1926, financé par la marquise Arconati-Visconti et dessiné par Henri-Paul Nénot dont nous vous parlions plus haut, se dresse au numéro 195 la Maison des Océans, un lieu un peu mystérieux dont moult parisiens se sont demandé ce qu'il renfermait en passant devant sa façade ornée…d’un poulpe, visiblement pas là par hasard - c'est le premier animal marin de la création selon Homère.
Fondé en 1911 par le Prince Albert 1er de Monaco et également édifié par H.P Nénot, la Maison des Océans (autrefois appelé l'Institut océanographique) a des allures de palais florentin. Et c'est encore plus prégnant à l'intérieur. Du Grand amphithéâtre et ses imposantes fresques de scènes nautiques à la Salle du Conseil et sa cheminée sculptée de motifs de coquilles et d'algues en passant par la Bibliothèque et ses collections qui invitent au voyage, l'endroit semble avoir conserver son charme d’antan.
Commentaires
Rue St Jacques
Mes ancêtres Scévolla Dumonceaux et sa femme Gertrude Coenen ont habité au 67 rue St Jacques entre 1853 et 1858.
A ce numéro; la façade est décorée d'un balcon photographié par Atget. Ce balcon existe toujours.
Un de mes cousins disait aussi: "Tu prends la rue St Jacques et si tu continues tout droit, tu arrives à St Jacques de Compostelle" et en lisant votre texte, je vois que c'était vrai.
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