Cet ensemble exceptionnel sera présenté dans le nouveau musée de la BnF qui ouvrira ses portes le 17 septembre 2022.

Camées de Julia Domna et de Minerve (BnF, MMA, inv.56.128)

La découverte

Le 15 février 1809 à Naix-aux-Forges (Meuse), Pierre Maulan trouva dans son champ, enfoui à peu de profondeur le long d'un mur de moellons calibrés, un coffret en bois garni de lames de cuivre. Il contenait une statue d'Esculape en pierre, huit colliers d'or et de pierres (il s'agit des objets BnF, MMA, inv.56.128, 56.117, 56.119, 56.121, 56.125, 56.126, 56.127 et 56.130), cinq bagues en or, six en argent, de petites bagues à intailles, un stylet d'ivoire, un lingot d'or de trois ou quatre onces, un rouleau d'or en fil de plus d'une demi-livre, des doigts creux en or et 1450 monnaies en parfait état. Deux tiers étaient des antoniniani à l'effigie d'empereurs du III^e siècle, de Julia Domna à Gallien, ce qui permet d'estimer l'enfouissement du trésor dans les années 260-268. Malheureusement, l'ensemble fut rapidement dispersé. Tout d’abord, un antiquaire de Metz acheta les monnaies, leur lieu actuel de conservation est aujourd'hui inconnu. Heureusement, par ordre du ministre de l'Intérieur, certains des bijoux furent acquis le 5 mai 1809 pour la somme de 1680 francs puis confié à la Bibliothèque impériale. 

A qui appartenait ce trésor ?

La commune meusienne a fait l’objet de nombreuses fouilles archéologiques jusqu’en 2021. Cette localité n'était pas inconnue des anciens. Ainsi les sources antiques que sont la table de Peutinger et la géographie de Ptolémée font connaître le nom de Nasium/Nasic. Cette agglomération antique a semble-t-il été la capitale du territoire leuque au début de la période romaine, ce qui explique la présence de nombreux temples, d’un forum et d’un grand nombre d’édifices publics précoces.

Peutingeriana tabula itineraria ex Bibliotheca caesarae Vindobonensi cura Franc. Christ. de Scheyb edita MDCCLIII  (BnF, CP, GE CC-1100).

Le fait que les bijoux, objets précieux, aient été entassés dans le même coffret avec une statue d'Esculape et un lot de monnaies peu usées a laissé penser qu'il pourrait s'agir d'un trésor de temple, enfoui durant la décennie troublée de 260-270 après J.-C. De plus, dans la deuxième moitié du XX^e siècle, les fouilles se sont succédées sur le plateau de Mazeroie à proximité du Rupt Lallemand où Pierre Maulan avait découvert le trésor, ce qui a permis de mettre au jour de nombreux temples semblant renforcer cette hypothèse. Néanmoins, en l'absence de dédicace, ce dépôt pourrait également provenir d’une riche famille qui aurait voulu conserver à l'abri ses biens les plus précieux accompagnés de l'image d'une divinité protectrice de la domus. En effet, les bijoux féminins tels que les colliers à chaînettes pourraient plutôt faire penser à la cassette d’une riche notable romaine. La présence du fil d’or roulé et le lingot d’argent semblent également liés à une thésaurisation de valeur. Les découvertes d’un lingot d’or en 1812, d’ambre brut non taillé et de plus de 200 intailles sur le site de Nasium pourraient être également liées à un possible atelier d’orfèvres ou de graveurs de pierre. À partir de ces données, l'hypothèse de commerçants en lien avec le sanctuaire est également envisageable.

Le collier aux camées

Sans détailler l’ensemble, tant chaque collier est intéressant, nous pouvons proposer d’analyser plus précisément le collier aux camées qui comprend deux splendides camées de Julia Domna et de Minerve ainsi que 5 aurei, monnaies d’or montées pour l’occasion en bijou. 

Trésor de Naix : collier aux camées (BnF, MMA, inv.56.128)

À l’exception de la chaînette ou du lien, en cuir ou en tissu, de suspension, l’ensemble des éléments du collier ont été conservés. Plus spécifiquement, les deux camées sont en onyx et montés dans un boîtier en or à bordure en arceaux. Nous pouvons y voir le buste drapé de Julia Domna à gauche et le buste casqué de Minerve à droite. L’ensemble des aurei ont en commun leur iconographie du revers qui reprend également des images de l’empereur et de sa famille. Nous retrouvons le buste de Marc Aurèle pour l’aureus d’Antonin, les bustes accolés de Trajan et de Plotine pour l’aureus d’Hadrien, le buste cuirassé de Caracalla pour l’aureus de Géta, le buste cuirassé de Géta pour l’aureus de Caracalla et enfin Caracalla et Géta sur l’aureus de Septime Sévère.

De gauche à droite : Marc Aurèle, Trajan et Poltine, Caracalla, Géta (BnF, MMA, inv.56.128)

La mode des monnaies montées en bijoux naît dans le monde romain au début de la période impériale, mais se développe véritablement au III^e siècle. Ce phénomène semble néanmoins se limiter au III^e siècle pour les Gaules et le trésor de Naix en est un des plus beaux exemples. Le choix des aurei semble donc directement lié à leur iconographie dédiée à la famille et à la filiation. Selon la proximité du propriétaire du collier avec le pouvoir en place, ce choix peut également être politique en exposant la légitimité de l’empereur par la filiation. La riche romaine qui portait ce luxueux collier, possible cadeau impérial, montrait potentiellement à la fois l’opulence de sa famille et son soutien à l’empereur.

Les autres colliers du trésor de Naix conservés à la BnF

Collier d’émeraudes et de noeuds d’Héraclès. Or et émeraude ; L. 40 cm, Poids 42 g (BnF, MMA, inv.56.130)

Collier à triple rang de chaîne. Or, perle, pâte de verre : L. 32 cm, Poids 27.7 g (BnF, MMA, inv.56.117) 

Collier à trois rangs. Or et grenat ; L. 35 cm, Poids 20.7 g (BnF, MMA, inv.56.121)

Collier de perles. Or, Perles, ivoire (?) ; L. 47 cm Poids : 5, 20 (BnF, MMA, inv.56.125)

Collier de perles bleues. Or, verre et grenat ; L. 40 cm, Poids 9.8 g  (BnF, MMA, inv.56.126)
 

Collier de perles polychromes. Or, perles, verre, ivoire ; L. 55 cm, Poids 17.2 g (BnF, MMA, inv.56.127)