Etienne Destot, le pionnier de la radiographie
Il y a 100 ans mourait le médecin Etienne Destot. Son nom n'est pas connu du grand public. Pourtant, ses centres d’intérêt et ses recherches semblent anticiper de façon étrangement prémonitoire les besoins cliniques et thérapeutiques engendrés par la Grande Guerre.
Photographie d' Etienne Destot. Lyon chirurgical janvier 1919
Né à Dijon en 1864, il y fait ses études puis rejoint la faculté de médecine de Lyon. En 1892, ce brillant étudiant en médecine désormais interne des hôpitaux soutient une thèse très remarquée : Etude sur la mortalité dans les services de chirurgie des hôpitaux de Lyon. Il y développe la nécessité de l’antisepsie afin d’éviter les infections nosocomiales. Le fait de choisir un sujet de thèse aussi audacieux témoigne de l’honnêteté d’esprit et de l’anticonformisme de son auteur. Les méthodes antiseptiques continueront à lui tenir à cœur, comme le prouve cet article dans lequel il vante les bienfaits de la teinture d’iode.
Le médecin s’intéresse à la physique et plus particulièrement à l’électricité dans ses applications thérapeutiques. Dès 1894, il rédige un ouvrage :
Il est surtout connu comme le pionnier de la radiologie en France. Visionnaire, il saisit tout l’intérêt de la découverte du physicien allemand Wilhem Röntgen en 1896 : les rayons X. Il est le premier à la mettre en application dans le secteur médical et contribue grandement à ses progrès. Il devient tout naturellement chef du laboratoire de radiographie des hôpitaux de Lyon.
Grâce à ce nouveau procédé, l’anatomie pathologique et la physiologie des lésions traumatiques osseuses des membres n’ont plus de secrets pour le chirurgien. Là aussi, son habileté manuelle fait merveille pour concevoir et fabriquer des appareils et instruments permettant d’immobiliser les différentes fractures ou de les opérer. L’Académie de médecine attribue un prix à son livre paru en 1905 : Le Poignet et les accidents du travail : étude radiographique et clinique. Ses travaux sur les fractures de l’astragale et du carpe ont fait date dans la profession. Même son échec à l’agrégation en 1898 n’altère pas l’enthousiasme du personnage. Voici comment une de ses nécrologies nous le présente :
En réalité, Destot fut un esprit extrêmement méthodique… Il adopta une règle de travail pleine de logique. Il la définissait en quelques mots : « La pathologie marche en éclaireur, elle éveille l’idée ; l’anatomie et la physiologie viennent ensuite donner l’explication rationnelle des faits et guider le traitement. »
Esprit artiste particulièrement doué de ses mains, à ses moments perdus, il s’adonne à la sculpture avec par exemple cette statue qui rend un hommage posthume à son ancien directeur de thèse, le professeur Ollier. Il ne dédaigne pas non plus de dessiner des caricatures. Mais Destot va payer son engouement pour les rayons X. Mutilé aux doigts par une grave radiodermite, il se voit contraint de démissionner en 1913. Il part à Paris où, médecin hospitalier, il est également expert en radiographie auprès des tribunaux. Ses mutilations ne l’empêchent pas de participer à la Grande Guerre en démarrant à 50 ans une carrière médicale dans l’armée au grade d’aide-major de 2e classe. Pendant toute la durée de la guerre, il conçoit toutes sortes de procédés afin d’améliorer l’organisation des services médicaux sur le front. Comme lorsqu’il imagine la brouette cycliste pour les brancardiers…
Médecin humaniste et altruiste, il est très populaire auprès de ses patients comme de ses confrères.
Son dévouement était sans borne et il le montra bien pendant la guerre… Pendant les premiers jours d’août 1914, encore civil, il se rendit à Nancy menacé. Il se proposait d’y rester avec les blessés dont il s’était chargé quand les Allemands arrivèrent près de la ville. Il avait pour ses grands malades des trésors de tendresse que sa rudesse apparente ne laissait pas prévoir. Une de ses infirmières qui avait été frappée de ce contraste, me rappelait combien elle avait été touchée de le voir s’occuper paternellement des plus déshérités…
Salle d’hydrothérapie. Le Grand Palais pendant la guerre / Coppin
En 1918, il est affecté au Grand Palais en tant que médecin militaire. Dès le début du conflit, le bâtiment a été réquisitionné par le Service de santé pour servir d’annexe à l’Hôpital militaire du Val-de-Grâce. Désormais, les immenses salles abritent des services de physiothérapie. De 1914 à 1919, environ 80000 blessés de guerre sont pris en charge dans les centres d’électrothérapie, mécanothérapie, hydrothérapie, thermo- et photothérapie, massage et kinésithérapie.
Quelques mois après, une angine de poitrine l’emporte à l’âge de 54 ans.
Pour aller plus loin :
1914-1918, l'Hôpital militaire du Grand Palais in exposition BnF Guerre de 14
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