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Une exceptionnelle reliure pour la Sainte-Chapelle de Paris

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Les quatre évangéliaires subsistants du trésor de la Sainte-Chapelle de Paris, conservés au département des Manuscrits depuis la Révolution française, seront exceptionnellement présentés dans une même vitrine au Musée de Richelieu. Leurs remarquables reliures d'orfèvrerie ont été restaurées à cette occasion. 

Evangeliarium, dit Troisième Evangéliaire de la Sainte-Chapelle. Paris, XIIIe siècle (vers 1260-1270). Plat supérieur de la reliure. BnF, Manuscrits, Latin 17326

En 1239, le roi Louis IX (saint Louis) fit l’acquisition des reliques de la Sainte Couronne, réputée être celle que porta le Christ durant sa Passion. D’autres reliques précieuses suivirent, notamment un grand morceau de la Sainte Croix, des fragments de la Sainte Lance et de la Sainte Éponge, ainsi que des gouttes du Saint Sang. Le souverain décida d’élever au sein du palais de la Cité un grandiose bâtiment, digne de ces reliques parmi les plus précieuses de la Chrétienté : la Sainte-Chapelle. L’édifice fut consacré en 1248.

 

Nicolas Ransonnette, Sainte-Chapelle de Paris, dessin à la plume et à l’encre de Chine, fin du XVIIIe siècle. BnF, Estampes et photographie, RESERVE FOL-VE-53 (3)

 

Le trésor de l’édifice fut doté d’objets liturgiques dont la richesse et l’opulence devaient glorifier les reliques qui y étaient conservées. Parmi eux se trouvaient notamment le Grand Camée de France, serti dans une imposante monture byzantine, ou le spectaculaire Bâton cantoral de la Sainte-Chapelle.
 


 

Grand Camée de France, sardonyx à cinq couches, art romain, second quart du Ier siècle. BnF, Monnaies, médailles et antiques, Camée 264

 


 

Bâton cantoral de la Sainte-Chapelle, calcédoine, argent doré, art romain, entre 315 et 330 (camée) et Île-de-France, avant 1368 (monture). BnF, Monnaies, médailles et antiques, Camée 309
 

Le trésor fut en outre doté de manuscrits, notamment d’évangéliaires, nécessaires au culte. Ces livres contiennent en effet les passages des Évangiles lus ou chantés à l’office pour chaque jour de l’année liturgique. Ils furent revêtus de reliures de métal précieux (or ou argent doré), parfois rehaussées de pierres fines et précieuses et de perles.
Une grande part des objets et livres du trésor de la Sainte-Chapelle ont disparu, en particulier lors des fontes et aliénations opérés sous la Révolution. La mise de côté de plusieurs d’entre eux, sur ordre du roi Louis XVI en 1791, et leur transfert à la Bibliothèque royale, qui allait bientôt devenir nationale, leur permit d’échapper à la destruction. Ils se trouvent encore aujourd’hui conservés au département des Monnaies, médailles et antiques, pour les objets, et au département des Manuscrits, pour les livres.
Le département des Manuscrits conserve ainsi cinq manuscrits de la Sainte-Chapelle, dont quatre portent encore leur reliure précieuse. Elles ont fait l’objet ces dernières années d’opérations de restauration afin de pouvoir les mettre en ligne sur Gallica et de permettre leur présentation dans le nouveau musée du site Richelieu à partir du 17 septembre 2022. Trois de ces reliures ont été restaurées grâce au mécénat d’Elizabeth A.R et Ralph S. Brown, Jr., via la King Baudouin Foundation United States (KBFUS).
Le premier volume à rejoindre Gallica est le Troisième Evangéliaire de la Sainte-Chapelle (Latin 17326). Cette numérotation est arbitraire et ne donne qu’un ordre chronologique permettant aux historiens de l’identifier facilement. C’est en effet le plus récent (vers 1260-1270) des trois évangéliaires réalisés sous le règne de saint Louis pour la Sainte-Chapelle, et par ailleurs le plus illustré. Il mesure 310 sur 210 mm (corps d’ouvrage) et contient 183 feuillets. Les miniatures qui scandent le texte ont été réalisées par deux enlumineurs aux styles différenciés.
 


 

Entrée du Christ à Jérusalem. F. 1r

 

Une des particularités du volume tient au fait qu’il porte encore sa reliure originelle de plaques d’or repoussé, rehaussées de gemmes, perles et intailles, sur ais de bois. Le dos est toujours couvert de son tissu, un samit rouge uni brodé au point couché rentré (filé doré, argent – cuivre) et au point fendu (soie crème, rose et verte). Ces broderies dessinent des feuilles et des enroulements.

Dos du volume

Le plat supérieur est orné d’une Crucifixion entre la Vierge et saint Jean. Deux anges tiennent le soleil et la lune. Le Christ en ronde-bosse a disparu après 1740. Il n’est pas certain que la corolle centrale portant des perles et des émeraudes autour d’un rubis provienne de la reliure. Sous le Christ et au-dessus de la Vierge et de saint Jean se trouvaient autrefois de gros saphirs. De même, l’intaille antique représentant un aigle, sous le saint Jean, avait son équivalent sous la Vierge, avec une intaille représentant un daim. Sur le pourtour du plat, originellement orné d’une succession de saphirs, de rubis balais, d’émeraudes et de primes d’émeraude séparés chacun par deux perles, il ne reste rien à part deux chatons vides.

 

Plat supérieur

Le plat inférieur porte quant à lui un Christ en gloire présentant la Nouvelle Loi, entre le calice et les tables de la loi (Nouvelle et Ancienne Alliance), accompagné des symboles des évangélistes. On retrouvait originellement, sur le pourtour extérieur de ce plat, la même alternance de pierres et de perles qu’au plat supérieur. Elles ont tout autant disparu, sauf dans l’encadrement quadrilobé du Christ, ce qui permet d’avoir une idée, certes partielle, de l’effet de lumière, de brillance, d’éclat et de contraste que ces pierres pouvaient donner au spectateur.

 

Plat inférieur

L’extrême complexité de ce manuscrit explique la présence sur Gallica de deux numérisations différentes : l’une, comprenant l’ensemble du volume (reliure comprise), a été réalisée dans le cadre du marché de numérisation des collections précieuses du site Richelieu. L’autre ne concerne que la reliure et a été réalisée dans les ateliers du département Images et prestations numériques, par un photographe professionnel qui a adapté lumières et réglages aux prises de vues spécifiques que requièrent le métal et les pierres précieuses.
Les trois autres manuscrits à reliure précieuse de la Sainte-Chapelle, le Premier Évangéliaire (Latin 8892), le Deuxième Évangéliaire (Latin 9455) et les Évangiles de l’Apocalypse (Latin 8851), ont eux aussi été restaurés et numérisés. La numérisation de leurs reliures devrait apparaître dans Gallica dans les prochaines semaines.

Pour aller plus loin :
Jannic Durand et Marie-Pierre Laffitte (dir.), Le trésor de la Sainte-Chapelle, catalogue d'exposition, Paris, musée du Louvre, 31 mai-27 août 2001
 

 

 

 

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