Amusements pour garçons et filles

Le Livre des écoliers, p.4 et Le Livre des jeunes filles, p.112

Comment faire pour que les enfants utilisent avec profit les temps de loisir que leur laissent leurs études, que celles-ci se déroulent dans une institution ou à la maison ?

L’abbé Laurence de Savigny propose sa méthode aux parents ainsi qu’aux instituteurs et institutrices dans deux petits ouvrages publiés autour de 1840 chez l’éditeur Gustave Havard à Paris ; Le Livre des écoliers paraît le premier, puis quelque temps plus tard Le Livre des jeunes filles. Si les deux termes "écoliers" et "jeunes filles" ne sont pas parfaitement synonymes, les sous-titres rapprochent fortement les deux ouvrages : "Jeux. Récréations. Exercices. Arts utiles et d’agrément". Seul le dernier terme d’"Amusements" diffère : ceux pour garçons sont dits "scientifiques", alors que rien n’est précisé pour les jeunes filles.

Des jeux très illustrés

Ces deux livres qui se répondent et réfèrent l’un à l’autre sont abondamment ornés de jolies vignettes parsemant le texte et illustrant les jeux dont il est question. Bien que publiées chez le même éditeur, ces vignettes diffèrent d’un livre à l’autre, tant dans les sujets choisis que dans leur qualité.

Le Livre des écoliers, p.53 et Le Livre des jeunes filles, p.35

Jeux de garcons…

Le Livre des écoliers est bien plus long et détaillé que Le Livre des jeunes filles. On y trouve sans surprise des jeux simples, mais aussi des jeux d’adresse, des conseils pour la pêche, de longs développements sur la chasse aux oiseaux, l’équitation, la natation, la gymnastique, des amusements physiques, scientifiques, optiques relativement complexes à réaliser ou à comprendre. Y sont décrites également des expériences de magie.

Le Livre des écoliers, p.207 et 266

… Jeux de filles

Pour les jeunes filles, sans grande surprise, tous ces amusements scientifiques ont totalement disparu. Même lorsque les jeux semblent identiques, l’orientation pour elles est tout à fait autre : si le garçon peut apprendre à chasser les oiseaux, la jeune fille en revanche doit plutôt les observer ou apprendre à les nourrir en cage. De la même façon, les jeux physiques comprennent des descriptifs beaucoup plus courts dans le livre des filles : natation, gymnastique sont très rapidement évoquées. L’escrime ou le patin à glace n’y figurent même pas du tout. La danse en revanche leur est conseillée mais n’existe pas dans le livre destiné aux garçons, de même que la confection d’un herbier ou la peinture orientale.

Le Livre des jeunes filles, p.100

Enfants en mouvement

Si le jeu implique le mouvement, il n’est pas inintéressant de regarder attentivement les vignettes sur les pages de titre des deux ouvrages : Le Livre des écoliers montre cinq garçons jouant aux billes, dans des postures diverses assez relâchées ; l’un est semi-couché sur le sol, un autre est à genoux par terre, un autre encore est bien campé au sol, les jambes écartées.

Le Livre des écoliers et Le Livre des jeunes filles

Le Livre des jeunes filles s’ouvre sur une fillette solitaire, sagement assise dans un fauteuil en train de broder, son nécessaire posé à côté d’elle sur un guéridon. L’implicite est clair : aux petites filles le loisir studieux, utile, en intérieur et solitaire ; aux petits garçons l’extérieur, la sociabilité, le jeu agité, la compétition.

Le Livre des jeunes filles, p.35

L’abbé Laurence de Savigny et ses illustrateurs dévoilent dans ces ouvrages un monde riche en jeux de toutes sortes – dont certains ont eu une longue postérité comme le diable (devenu diabolo) – et des enfants pleins d’une énergie que les adultes cherchent (vainement ?) à règlementer, orienter et canaliser, dans un but éducatif et sanitaire.