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Quand une Gallicanaute lève le voile sur la direction de conscience : portrait de Caroline Muller

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Aujourd’hui, Caroline Muller, professeure agrégée et chercheuse en histoire contemporaine, nous présente sa thèse doctorale au sujet méconnu : la direction de conscience. Mêlant histoires privées et publiques, rapports sociaux et morale religieuse, ses recherches l’entraînent dans les entrailles de Gallica.

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Le blog de Caroline Muller.

Ouvrons cette interview par un extrait d'une lettre de la comtesse de Menthon à son directeur de conscience, que Caroline Muller a choisi de mettre en valeur sur son blog :

Il me passe souvent par la tête une détestable pensée j'ai peine à ne pas m'y arrêter, elle revient avec opiniâtreté je pense que de vous l'écrire me soulagera. La religion et ses pratiques me semblent une école propre à réformer les âmes et à les dominer. Les grands maîtres dans cet art me paraissent être des génies habiles qui dominent à force de science, d'entraves, de craintes et d'espérances, de sévérité et de douceurs ! Et mon Père la chose la plus affreuse à mon cœur, il me vient à l'esprit que c'est parce que vous êtes de ces maîtres habiles que vous vous êtes emparé de mon âme et que je subis tout le joug. Je ne sais rien répondre à cette mauvaise pensée, sinon que je veux le joug et que quand même il excite mes doutes il est au moins prudent de le subir, outre qu'il est très doux de ne pas être laissée à soi-même ce qui me mettrait en danger de devenir folle.    
La comtesse de Menthon à son directeur, 1853.

 

Monseigneur Dupanloup, directeur de conscience de la comtesse de Menthon,
Personnalités françaises et étrangères sous le Second Empire, 1860-1870.

Bonjour Caroline, pouvez-vous nous parler de votre thèse ?

Mon travail porte sur la direction de conscience au XIXe siècle, plus précisément entre les années 1840 et la veille de la Première Guerre mondiale. La direction de conscience est une relation privilégiée entre deux personnes catholiques : un directeur (prêtre, moine) et une autre personne. L'objectif de cette relation est d'aider la personne dirigée à progresser sur les plans spirituel et moral, à mieux discerner ce qui est souhaitable dans ses choix de vie. C'est une pratique spirituelle qui concerne les hommes et les femmes. On y parle de spiritualité mais, bien plus encore, de son quotidien : choix familiaux, (més)ententes conjugales, projets charitables et intellectuels…
Pour ma part, je m'intéresse à la manière dont cette relation de conseil, plus ou moins directive, dont le cadre est – en principe – spirituel, influence la construction des identités de genre (masculinités et  féminités) des personnes concernées. En retour, cette question du genre façonne le lien entre directeur et personne dirigée. C'est donc un travail qui s'inscrit d’abord dans une double perspective : histoire du genre et histoire du fait religieux. Une troisième est venue s'ajouter ensuite, due au caractère élitiste de la pratique : l'histoire des élites. Mes recherches ont donc concerné l'histoire et la généalogie des familles nobles, très représentées chez les personnes dirigées.

Comment utilisez-vous Gallica dans le cadre de vos recherches ?

Je mobilise beaucoup Gallica. Un très grand volume d'ouvrages datant du XIXe siècle y est disponible. La littérature catholique, qui a connu un développement rapide et un vif succès sur la période que j'étudie, est aujourd'hui rarement disponible dans les bibliothèques classiques ; Gallica permet de consulter aussi bien les modestes brochures éditées par les paroisses et associations religieuses que les best-sellers de cette littérature. Il n'y a plus que sur Gallica que l’on trouve, entre autre, les Lettres du Père Didon à Thérèse Vianzone.

Le père Didon, 1891.

Par ailleurs, je me sers aussi de Gallica pour compléter mes recherches biographiques ponctuelles – pour chercher les traces de certaines personnes notamment. Pour cela, je mobilise les archives de presse et aussi, très précieuse pour l'histoire des élites, la numérisation des annuaires mondains et des bulletins des cercles prestigieux. Par exemple, j’ai voulu comprendre le changement de statut social d’Antoine Manilève, qui semblait être issu d’une famille bourgeoise mais qui a été boursier au collège. Dans Gallica, j’ai trouvé des articles de journaux détaillant le scandale qui a entrainé la ruine paternelle, un véritable feuilleton comprenant maitresse, dettes de jeu et addiction à la morphine.
Gallica est aussi très efficace pour retrouver des micro-événements d'histoire locale, grâce à la mise en ligne des rapports de délibération des conseils généraux – je pense aux rapports du Cantal, par exemple, qui m'ont permis de reconstituer l'ancrage local d'une des familles que j'étudie.

Rencontrez-vous dans Gallica des difficultés propres à votre sujet de recherche ?

Il y a parfois trop d'informations concernant les personnalités connues. Certaines recherches totalisent jusqu’à 5000 résultats. Il faut alors entreprendre un travail important de précision de la recherche, pour trouver ce qui m'intéresse sans passer à côté de certaines données.

Qui est susceptible de vous aider à découvrir de nouvelles sources ?

Tous ceux qui ont une connaissance des archives privées et des trésors qu'elles recèlent (journaux personnels, correspondances).

Utilisez-vous Gallica en dehors de vos travaux de recherche ? Si oui, pour quel(s) contenu(s) ?

J'utilise aussi Gallica dans mes pratiques pédagogiques. C'est un passage obligé du cours de cultures numériques que je donne en licence, pour faire comprendre la richesse et l'utilisation possible des corpus numérisés. J’ai par exemple proposé ce projet,  "un jour ordinaire sur Gallica", à mes étudiants : ils tentent de construire un récit d'une journée ordinaire (choisie au hasard) à partir des sources numérisées disponibles. Je mobilise aussi souvent le fonds iconographique. Gallica fait un travail formidable pour la vulgarisation et l'accès aux documents précieux.

Vous souhaitez en savoir plus sur les activités de Caroline Muller ? Retrouvez la sur son site : http://consciences.hypotheses.org/

Vous aussi vous utilisez Gallica pour un projet qui vous tient à cœur et vous souhaiteriez en parler sur le blog Gallica ? N’hésitez pas à nous contacter à gallica@bnf.fr en mentionnant "Billet Gallicanautes" dans l’objet de votre message.

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