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Les femmes pilotes aux 24 Heures du Mans (5 / 6)

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23 juin 2023

Les défis des compétitions automobiles, aux limites humaines et techniques, ont été dignement relevés dès le début du XXe siècle par des femmes pilotes, passionnées et persévérantes. Aguerries et aiguisées dans un milieu essentiellement masculin, elles ont laissé leur marque dans l’histoire des courses automobiles. Le billet d’aujourd’hui vous invite faire un tour d’horizon des 24 Heures du Mans au féminin.
 

Les 24 Heures du Mans, Programme officiel 1953, Bibliothèque municipale du Mans

Du permis de conduire au circuit

Anne de Mortemart, duchesse d’Uzès, s’illustre comme la première femme à obtenir le permis de conduire au printemps 1898, au volant de son break Delahaye. La nouvelle paraît le 15 mai 1898 dans La Vie au Grand Air, journal sportif illustré de l’époque et provoque un grand étonnement :

La duchesse d'Uzès brevetée ! Mon Dieu oui, et conducteur d'automobile encore ! Voilà une nouvelle très véridique, du reste, qui étonnera bien des gens"

La duchesse d'Uzès à La Celle-lès-Bordes, Agence Rol, 1926 

Femme pilote engagée et militante, mère de quatre enfants, sculptrice, célèbre pour ses chasses à courre, la Duchesse d’Uzès fonde en 1926 l’Automobile Club féminin de France (ACFF), pendant du très masculin ACF (Automobile Club de France), qui n'accepte pas de femmes parmi ses membres. Elle fonde et préside également la Revue officielle de l’Automobile Club féminin, publication qui marie élégance, passion de l’automobile et informations sur les compétitions passés et à venir. Elle lance à partir de 1927 un rallye exclusivement dédié aux femmes pilotes à l’autodrome de Montlhéry, qui est couronné d’une « Journée Féminine de l’autodrome ».

Loge fleurie de l'ACFF , au centre la duchesse d'Uzès lors de la journée féminine de l'autodrome de Montlhéry, le 12 juin 1927, Agence Rol

Une autre grande figure du sport automobile féminin est Camille du Gast, première française à devenir pilote professionnel de course automobile. Elle participe à plusieurs rallyes internationaux, comme le Paris-Berlin en 1901, où elle termine 33ème sur 122 participants à bord de sa Panhard, ou le Paris-Vienne en 1902. En 1903, elle participe également au rallye Paris-Madrid, terminant à la 77ème place sur 207 concurrents. Lépreuve est secouée d’accidents, dont celui de Louis Renault (le fondateur de la marque Renault) qui décèdera suite à une sortie de route, à la hauteur de Poitiers. Lors d’un autre accident, Camille s’arrête en pleine course et porte secours à Phil Stead (sur de Dietrich), ce qui lui coute un meilleur résultat dans le classement final. Aujourd’hui, la rue Crespin du Gast, dans le quartier de Ménilmontant à Paris, lui rend hommage.

Camille du Gast, Alphonse Tellier et Georges Prade, en 1905, Agence Rol

Sur la grille de départ des 24 heures du Mans

La pionnière des 24 Heures du Mans est Odette Coville, dite « Siko », qui participe à quatre éditions de la course, de 1930 à 1933.

Mme Siko sur une voiture de course, Bugatti sport 3000 cmc, le 8 mars 1931, Agence Rol

Lors de l’édition de juin 1930, elle forme avec Marguerite Mareuse le premier équipage entièrement féminin à participer aux 24 Heures du Mans. Sur une Bugatti de 1497 cm3, elles parcourent 2 164 km et 700 mètres et établissent ainsi le record féminin des 24 heures. Sur les 17 équipes engagées, seulement 9 finissent la course. Le duo Siko-Mareuse obtient une honorable 7ème place. La presse de l’époque fleurit d’éloges et d’admiration. A la stupéfaction générale :

Mesdames Mareuse et Siko tiennent toujours et bouclent le circuit régulièrement. Ces deux femmes sont très applaudies par le public à chacun de leurs passages"

Le Petit Journal, 23 juin 1930

Si en 1931, l’équipage Siko-Mareuse finit la course mais se retrouve disqualifié à cause d’une entorse au règlement, en 1932 Odette Siko obtient la meilleure place jamais obtenue par une femme pilote aux 24 Heures du Mans : la 4ème place au classement général, au volant de sa propre voiture, une Alfa Romeo 6C. Cette fois-ci, l’équipage est formé avec le pilote Louis Charavel, dit « Sabipa ».

Mme Siko et son équipier Sabipo aux 24 heures du Mans, édition 1932, Médiathèque Michel-Crépeau, La Rochelle

Le duo Siko-Sabipa renouvelle l’édition de 1933 qui sera la dernière participation d’Odette Siko aux 24 Heures du Mans. Après 120 tours, elle abandonne la course suite à un accident dans lequel sa voiture se retourne et prend feu. Légèrement blessée, elle surprend les commissaires de course en leur « demandant poliment le chemin pour retourner au Mans à pied ».

Siko et Mareuse aux 24 Heures du Mans en 1932, Ville de Paris, Bibliothèque du tourisme et des voyages

A la même époque, une autre femme pilote, Anne Itier, marque l’histoire des 24 Heures du Mans par sa participation à cinq éditions entre 1930 et 1939. Sa dévise est:

Esprit de liberté et d’indépendance »

Mme Anne-Rose Itier sur Hotchkiss, concours de tourisme automobile Paris-Pau, 1928, Agence Rol

Anne Itier franchit la ligne d’arrivée de l’édition 1934, en équipe avec Charles Duruy, puis en 1935, avec Robert Jacob et en 1938 avec Claude Bonneau. Elle participera par la suite à de nombreux Grand Prix et Rallyes.

En 1937, sur le circuit sarthois, elle pilote une berline allemande Adler Trumpf, pour le compte de l’écurie officielle Adler, en duo avec le séducteur baron Huschke von Hanstein. Ils abandonnent malheureusement après 40 tours. Le Rallye de Maroc, toujours en 1937, leur réserve plein de surprises et enflamme la rumeur d’une liaison entre la belle Anne Itier et le Baron qui, hélas, sera arrêté par le régime nazi, quelques années plus tard.

Plus proche de nous, Marie-Claude Beaumont et Anny-Charlotte Verney, dans les années 1970 et 1980, poursuivent le chemin ouvert par leurs prédécesseurs en affirmant librement leur passion pour la course automobile.

Avec l’équitation, la course automobiles est le seul sport mixte où les femmes concurrent à égalité avec les hommes et peuvent s’imposer en tête de classement.

Lors de l’édition du centenaire, en Juin 2023, cinq femmes pilotes étaient présentes sur la grille de départ : Doriane Pin, Lilou Wadoux, Sarah Bovy, Rahel Frey et Michelle Gatting. Les trois dernières, formant un équipage 100% féminin, ont réussi l’exploit de se classer quatrième de la catégorie LM GTE  (Le Mans Grand Tourisme Endurance), à seulement 5 secondes de la troisième place.


Olympiade Culturelle est une programmation artistique et culturelle pluridisciplinaire qui se déploie de la fin de l’édition des Jeux précédents jusqu’à la fin des Jeux Paralympiques. La série « Les 100 ans des 24 Heures du Mans » de Gallica s'inscrit dans la programmation officielle de Paris 2024.
 

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