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La Pêche Mistral d’Auguste Escoffier

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L’une des recettes les plus citées du grand Chef de cuisine Auguste Escoffier (1846-1935) est la Pêche Melba, créée pour la célèbre cantatrice australienne Nellie Melba. Le Musée Escoffier de l’Art Culinaire offre une dégustation de ce dessert pendant tout l’été à chacun de ses visiteurs. Mais connaissez-vous la Pêche Mistral ?

Pêche Bonouvrier, Meilleurs Fruits, 1929, Paris et Frédéric Mistral, 1er avril 1909, photographie de presse, Agence Rol

Il est vrai qu’Auguste Escoffier a créé de nombreuses recettes en hommage aux grandes dames de son époque, cantatrice, comédienne, princesse… mais pas uniquement. Il a, au cours de sa longue carrière, côtoyé les plus grands de son temps en travaillant dans des hôtels prestigieux tels que le Savoy et le Carlton à Londres. Il créera notamment des recettes en l’honneur du Roi d’Angleterre : "la Selle d’agneau de lait Edouard VII" et la "Poularde Edouard VII".

Il n’a cependant jamais oublié ses origines modestes du Sud-Est de la France.

Plusieurs de ses recettes portent notamment le nom de Mistral, célèbre poète et défenseur de la tradition provençale dont est issu Escoffier.

Frédéric Mistral est né à Maillane en 1830, au cœur des Alpilles. Poète, lexicographe, prix Nobel de littérature, il était surtout le défenseur d’une culture et d’une langue : le provençal.

Frédéric Mistral, 1er avril 1909, photographie de presse, Agence Rol

C’est probablement leur amour de leur territoire qui ont réuni les deux hommes. Auguste Escoffier n’a cessé au cours de sa vie de valoriser la richesse et la qualité du terroir français, à travers sa cuisine, en important de France les produits dont il avait besoin, et par l’écriture de nombreux articles qu’il publia dans Le Carnet d’Épicure. Cette revue française, publiée à Londres de 1911 à 1914, avait comme objectif la promotion du tourisme français auprès des anglais.

C’est dans le cadre de ses travaux de rédaction à travers la France, qu’Auguste Escoffier rencontre Frédéric Mistral en 1913 dans sa ville natale des Bouches-du-Rhône.

Maison de Frédéric Mistral à Maillane, photographie de presse, Agence Rol, 1909

Il décrit le repas qu’ils ont partagé dans un article qu’il consacre aux auberges de France, dans Le Carnet d’Épicure n°27 (diffusé en octobre 1913), afin de souligner la qualité de la cuisine servie dans ces établissements :

Hors d’œuvre : (Olives noires, Sardines, Saucisson, Radis, beurre)
Aubergines farcies
Omelette aux fines herbes
Blanquette d’Agneau à la Provençale
Alouettes à la Paysanne
Salade
Dessert : Fromage, Raisins, Confitures, Biscuits, Vin du Pays.

Bien entendu, nous parlâmes de la cuisine provençale, et le Maître prit plaisir à me raconter certaines ribotes du temps de sa jeunesse, quelques-unes assez piquantes."
Auguste Escoffier

Il livre en détail un des souvenirs gastronomiques du poète dans La Revue culinaire de mai 1928 dans son article intitulé "Une visite à Mistral" :

La Revue culinaire : revue universelle d'alimentation hôtelière et de la table : organe officiel et propriété mutuelle de la Société des cuisiniers de Paris, Mai 1928, page 135

On note dans l’ensemble de ses écrits toute l’admiration qu’Auguste Escoffier portait à ce grand écrivain.

Le Chef lui dédiera plusieurs de ses créations, notamment la Pêche Mistral dont il livre la recette pour la première fois dans le n°25 du Carnet d’Épicure (publié en septembre 1913) dans une rubrique dédiée aux "Recettes des Meilleures Maisons" :

Carlton Hôtel de Londres : Pêche Mistral
Choisir de belles pêches bien mûres dont la chair n’adhère pas au noyau ; les dépouiller de leur manteau, les mettre dans une timbale et les saupoudrer légèrement de sucre en poudre. Les recouvrir d’une purée de fraises écrasées, passées au tamis fin et légèrement sucrées (les excellentes fraises de Vaucluse sont tout indiquées). Disposer sur les pêches des amandes fraîches décortiquées.
Au moment de servir, recouvrir les pêches de crème fraîche, dite, "fleurette", fouettée et parfumée à la vanille.
Servir en même temps des biscuits à la cuiller."
Londres, 5 août 1913. A. ESCOFFIER 

Auguste Escoffier avait pris soin de sélectionner des produits issus de la Provence :

Tous les produits qui entrent dans la composition de ce nouvel entremets : la pêche, les fraises, les amandes et la crème se trouvent au pays de notre grand Mistral".

Cette recette sera ensuite intégrée dans la dernière édition (1921) de son incontournable ouvrage : Le Guide Culinaire, toujours considéré comme la bible des cuisiniers du monde entier.

Le Guide culinaire : aide-mémoire de cuisine pratique, Escoffier, Flammarion (Paris), 1921

Justine Escudero et Michel Escoffier,
Musée Escoffier de l'Art Culinaire de Villeneuve-Loubet

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