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de la BnF et de ses partenaires

Dilili dans Gallica. Interview de Michel Ocelot

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22 novembre 2018

Dans son dernier film, Dilili à Paris, Michel Ocelot situe les aventures de son héroïne dans le Paris de la Belle Epoque. Truffé de références à l’histoire, à l’art, à la culture française des années 1900, le film regorge également de documents numérisés dans Gallica. Entretien avec son créateur.

Dilili fait la une... du Petit Journal ! (© Nord-Ouest Films - Studio O)
 

Bonjour, Michel Ocelot. Dans le dossier pédagogique de Dilili à Paris, vous écrivez : "Je jubile en me documentant, je jubile en semant à tout vent". Une définition qui pourrait être celle du Gallicanaute. Quelle est votre utilisation de la bibliothèque numérique de la BnF et de ses partenaires ?

Je ne suis pas encore un utilisateur intensif. J’ai mis du temps à réaliser que j’avais accès à cette bibliothèque extraordinaire, et dans les premiers temps, je pataugeais un petit peu techniquement. Puis je l’ai utilisée de plus en plus souvent. Par exemple, c’est à travers Gallica que j’ai lu les mémoires de Louise Michel, des écrits d’Ernest Renan, que j’ai trouvé des documents graphiques de la Belle Epoque, et surtout les plans d’Eiffel pour sa tour. Cela nous a permis de reconstituer facilement un modèle 3D de la tour Eiffel dans nos ordinateurs et d’arriver exactement aux points de vue que je voulais (une séquence aurait demandé une prise de vue par hélicoptère, ce fut plus simple avec Gallica !).


La Tour de trois cents mètres, planches, Gustave Eiffel, 1900 et sa reconstitution en 3D dans le film (© Nord-Ouest Films - Studio O).
 
Lorsque vous faites des recherches dans Gallica, venez-vous surtout consulter, retrouver des documents que vous connaissez déjà ? Ou préférez-vous vous perdre, faire de nouvelles découvertes, un document conduisant à un autre ?
 

Pour l’instant, je fais des recherches précises. Je ne suis pas encore assez à l’aise pour me promener au hasard. Mais vous me donnez des idées…


La Tour de trois cents mètres, planches, Gustave Eiffel, 1900 et sa reconstitution en 3D dans le film (© Nord-Ouest Films - Studio O).
 

Au cours du film, on entend des crieurs de journaux vendre Le Petit Journal, L’Humanité, L’Intransigeant, Le Matin, L’Aurore, L’Assiette au beurre, Le Petit Parisien, Le Figaro… Cela permet de beaux effets graphiques : les unes d’époque sont revisitées pour retracer les aventures de Dilili. Est-ce aussi une forme d’ode à la liberté de la presse, à la liberté d’expression qui naît dans le sillage des lois de 1881 ?

Oui, je pense que la liberté de la presse est un événement majeur. Quand je me suis penché sur l’état de Paris à la Belle Epoque, j’ai été étonné de l’importance mondiale de la vie intellectuelle à Paris, où l’on venait de toute part. On découvre des personnages exceptionnels dans toutes les directions, à tous les étages. C’est, à priori, incompréhensible. La Révolution française a interrompu un moment l’existence de la France et a coupé toutes les têtes qui dépassaient, laissant à la Grande-Bretagne la voie libre pour la conquête du monde sans gêneur. La Révolution a été suivie par quelques rois éphémères, un empereur qui, après Waterloo, n’a laissé qu’un cadavre réduit du pays, haï par tous ; son neveu plus tard a déclaré absurdement la guerre à la puissante Prusse, qui a facilement bafoué la France, tandis que sous leurs yeux les Parisiens se tuaient les uns les autres et détruisaient les grands monuments de la capitale. Et la Prusse victorieuse a imposé à cette France vaincue le paiement d’un tribut énorme. Après tout cela, il eût été logique que la France exsangue ne fît plus parler d’elle. Mais non, elle a brillé de mille feux et a été la capitale intellectuelle incontestée de l’Occident.


Les aventures de Dilili font la une du Petit Journal dans le film de Michel Ocelot (© Nord-Ouest Films - Studio O).
 

Vous avez utilisé des photographies du Paris d’aujourd’hui pour créer vos décors. Avez-vous aussi utilisé des photographies d’époque, comme ici celles de l’Opéra Garnier ou du Moulin-Rouge, en guise de documentation ou de source d’inspiration ?

Pour l’Opéra Garnier, nous avons franchement utilisé les photos que j’ai prises pour ce long métrage, car ce palais n’a pas bougé. Pour le Moulin Rouge, nous avons franchement fait des reconstitutions à partir des photos de l’époque.


Le Moulin rouge, photographe de presse, Agence Roll, 1914. Utilisation dans le film (© Nord-Ouest Films - Studio O) de l'affiche du Moulin rouge, Bal La Goulue, affiche, Toulouse-Lautrec, 1891.
 

Les décors regorgent de détails issus du patrimoine, dont beaucoup sont numérisés dans Gallica : colonnes Morris et murs tapissés de placards d’époque, de publicité pour l’absinthe Terminus, de la célèbre affiche du Chat Noir par Steinlen, de la danseuse Jane Avril au cabaret "Le Jardin parisien", ou encore de celle de Mucha représentant Sarah Bernhardt. Ailleurs, un clin d’œil au Cinématographe Lumière… Comment avez-vous procédé ? S’agit-il d’un collage dans l’animation, ou revisitez-vous, redessinez-vous ces documents ?

Vous avez bien observé le film ! Quand il s’agit d’œuvres graphiques, il n’est pas question que je fasse la moindre modification. Je me réjouis de montrer le vrai document. Pour l’inclusion dans les décors, il n’y a aucun problème, on les pose où on veut. Dans le cas de certains monuments (la maison de la comtesse de l’avenue Rapp), j’ai procédé à des découpages et collages pour établir une structure qui me permette la mise en scène que je voulais.



Sarah Bernhardt, affiche, A. Mucha, 1896. Les affiches de Gallica ornent le Paris de Dilili (© Nord-Ouest Films - Studio O). Cinématographe Lumière, affiche, M. Auzolle, 1896.
 

Gérard Noiriel a expliqué comment il avait trouvé dans Gallica les sources pour son livre sur le clown Chocolat (que l’on voit danser sur du Erik Satie dans votre film). Avez-vous fait des découvertes surprenantes ou inédites au cours de vos recherches ?

Je suis un utilisateur assez récent de Gallica (mais enthousiaste !). Ma démarche habituelle c’est : mes beaux livres, les bibliothèques publiques et un moteur de recherche sur Internet. Bien sûr, je fais toujours des découvertes (quand on est un ignorant, c’est facile). La principale découverte, c’est la quantité de talents réunis à Paris à cette époque, qui a modifié la teneur de mon film.

 

Un décor de Dilili à Paris (© Nord-Ouest Films - Studio O). Prochainement Tournée du Chat Noir de Rodolphe Salis, affiche, Steinlen, 1896.
 

Gallica peut être une véritable machine à remonter le temps ! On y trouve même les enregistrements sonores de la cantatrice Emma Calvé… Mais dans Dilili à Paris, c’est Nathalie Dessay qui chante. Comment a-t-elle travaillé ?
 
Natalie Dessay connaissait bien son histoire de l’opéra : quand on lui a proposé le rôle d’Emma Calvé, elle s’est écriée "Je ne chanterai pas Carmen ! ", mais finalement elle a bien chanté Carmen, elle a aussi rechanté Pelléas et Mélisande, qu’elle connaissait bien, et elle a interprété magnifiquement la cantate que Gabriel Yared a écrite pour elle.



Un décor de Dilili à Paris (© Nord-Ouest Films - Studio O). Jane Avril, affiche, Toulouse-Lautrec, 1893.
 

La mode joue un rôle prépondérant dans le film. On croise d’ailleurs Paul Poiret, qui réalise un vêtement de Dilili. Comment avez-vous utilisé les documents d’époque au cours du travail sur les costumes ?
 

Je me  suis concentré sur la mode de 1900. Je ne fais que citer Paul Poiret au passage, sans utiliser ses meilleures créations qui sont nettement plus tardives. J’avais déjà sur mes étagères de nombreux documents sur cette mode 1900.

Dilili à Paris est une enquête policière, au cours de laquelle l’enfant est amené à croiser quantité de grands personnages (autant d’énigmes), sur lesquels il pourra ensuite continuer à se documenter, notamment dans Gallica, accessible gratuitement et par tout un chacun, de chez soi. Cette volonté de transmettre et de faire vivre le patrimoine, de créer de nouvelles générations de curieux et de chercheurs, c’est aussi un peu la nôtre… Merci, Michel Ocelot !
 
Pour aller plus loin…

Dilili à Paris, un film de Michel Ocelot, actuellement au cinéma.
 

Commentaires

Soumis par maltête le 22/11/2018

... Chaque jour davantage je succombe à l'addiction Gallica, je cherche, je m'y plonge, j'y erre, un auteur me conduit à un autre, un siècle croise un autre siècle, je trompe Netflix pour Gallica, un tonneau des Danaïdes, une réserve nationale non seulement préservée mais infinie ... une entrée libre en continu dans un lieu de divertissements inépuisables

Soumis par Jean-Marie DELA... le 01/12/2018

Je comprends que de tous les usagers de Gallica, peu de gens prennent le temps de remercier ceux qui jour après jour œuvrent à son édification. IL s'agit pourtant d'un monument en ce sens qu'il restera à disposition des générations futures qui reliront les pensées de leurs ancêtres pour mieux projeter leur avenir. Je suis le premier à critiquer l'usage parfois inconséquent de l'argent public mais je pense sincèrement Gallica est incontestablement notre meilleur placement. À tous ceux qui se consacrent à Gallica j'envoie mes plus vifs encouragements. Signé: un petit provincial accroc depuis 10 ans à votre site . Jean-Marie Deladerière

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