A la recherche des inventions nautiques
Marcher, rouler ou pédaler sur l'eau... Gallica part à la recherche des inventions nautiques en combinant les outils classiques de la recherche documentaire et l'intelligence artificielle de GallicaPix et GallicaSnoop. Découvrez les prototypes de ces ingénieurs passionnés et bricoleurs.
Comment ça marche ?
Apprivoiser le théorème d’Archimède en inventant des outils capables de faire marcher l’homme sur l’eau, comme certains animaux, telle la mouche de Saint-Pierre, voilà un défi dont le dépassement est très précocement envisagé. Les Nouvelles de la république des lettres et des arts indiquent ainsi que vers 1617, « François Kesler, peintre à Wetzlar avait déjà trouvé le moyen de marcher sur l’eau ». En 1788, dans le salon destiné aux expériences dioptriques, c’est-à-dire aux jeux d’optique, on peut voir marcher sur l’eau une jeune femme « tou[s] les jours depuis 10 heures du matin jusqu'à 1 heure, et l'après-midi depuis 3 heures jusqu'à 8 h. du soir ». Elle semble ne tenir sur l’eau que par des patins mais le phénomène est une illusion d’optique : la science spectacle est alors à la mode.
Au 19ème siècle, en parallèle des expériences de physique amusante qui s’emparent également du sujet, indiquant comment faire flotter sur l’eau des aiguilles avec du suif, les essais de marche sur l’eau se poursuivent. Gaston Tissandier rapporte, en 1889, dans La science pratique : suite des Recettes et procédés utiles, l’histoire d’un Anglais ayant mis au point des patins composés de liège sans penser à la question du centre de gravité qui finalement fut la cause de l’échec de l’essai. L’auteur Guyot-Daubès nomme « hommes phénomènes » ces « marcheurs sur l’eau » qui tentent l’expérience à l’aide d’inventions étranges, comme des souliers de zinc assez larges et munis de plaques amovibles.
Les appareils des marcheurs sur l’eau n’ont donné jusqu’ici aucun résultat pratique et leur emploi n’a constitué qu’une sorte de gymnastique...
Mais en conclut l’auteur les « prétendus souliers » ne sont en réalité que des sortes d’embarcations fixées au pied. C’est avec cette sorte d’équipement, appelé par la presse de l’époque, podoscaphe, que l’Américain Flower traverse la Manche en 1883. Le principe de planches au pied est repris plus tard avec les skis sur l’eau.
L’ingénieur français Ernest Bazin invente dès 1880 un « paquebot rouleur » munis de quatre roues, invention relayée par le Petit Journal. Le bateau rouleur, perfectionné en 1895, peut atteindre les 65 km/h et se compose d’une plate-forme et de roues creuses faisant office de chaque côté de flotteurs. Trois moyens de propulsion sont utilisés pour le navire : une hélice, un gouvernail hydraulique et des « lentilles » fonctionnant sur le même principe que les roues d’une locomotive car le navire est à vapeur. Les essais sont couverts en 1897 par le Journal des transports et par la Science française. Les roues permettent de réduire le frottement et l’invention est comparée au chemin de fer glissant de Girard. Une variante de l’invention, le rouleur sphérique des ingénieurs Larssson et Ross, fait par la suite l’objet d’un article et de la couverture du numéro de janvier 1921 de la Science et la Vie.
Naturellement lorsque d’autres véhicules terrestres furent inventés, on songea à les détourner.
Les cycles connaissent ainsi des déclinaisons aquatiques, des « Pt’its vélos sur l’eau » dont se moque Henri de Graffigny, au tricycle aquatique transformable de l’ingénieur anglais Terry, qui effectue en 1883 la traversée de la Manche. D’autres inventeurs s’essayent au tricycle nautique parmi lesquels Rousseau ou Seguy, qui réalise également un bicycle dans les années 1890. Podoscaphes (dans sa version vélo), hydrocycles ou cycles nautiques se multiplient. Le Princes de Galles possède un podoscaphe avec deux cyclistes pouvant actionner un bateau muni de roues à aubes. Ces nouveaux cycles sont à l’origine de nouvelles distractions à Paris, comme le décrit en 1889, avec ironie, Albert de Saint-Albin dans Les sports à Paris :
« A part les trois grandes divisions (..), le monocycle, le bicycle et le tricycle, il y a encore le quadricycle, le canot-vélocipède à hélice, le facilitor anglais, l’homme à roue, le kangarvo, le cocotricycle, le pédocaèdre, le pionneer, le raymondo-vellaris, le standard marine, (…) le tricycle aquatique et le vélocipède à musique».
Le concours des cycles nautiques organisé par le journal L’Auto est un grand moment qui se tient sur le lac d’Enghien, lac déjà signalé par une chanson de 1869 comme un lieu d’exploration pour les vélos marins.
Le 14 juin 1914, le concours de cycles nautiques est ouvert et concerne les véhicules « mus par la seule force humaine et actionné mécaniquement par une seule personne, soit à l’aide des pieds, soit à l’aide des mains». Le vainqueur se nomme M. Louis et son hydrocycle glisse à près de 10 km/h.
L’évènement qui attire près de 20 000 personnes est largement relayé par la presse et se répète, notamment en 1920 quand les hydrocycles commencent à s’appeler « pédalos ».
Naviguer autrement dans les données de Gallica : comment ça marche ?
Lorsqu’une expertise documentaire ou scientifique fait défaut, mais que l’on souhaite malgré tout dénicher l’une de ces spectaculaires inventions dans l’immensité d’une collection numérique telle que celle de Gallica, il est possible de s’en remettre à la force brute de la machine. En particulier en convoquant son incarnation « analyse d’images par intelligence artificielle », à laquelle est alors confiée la tâche de parcourir toutes les illustrations numérisées et d’y détecter objets (vélo, bateau, etc.) et concepts (sport nautique, rivière et plan d’eau, etc.). Le prototype GallicaPix permet d’expérimenter cette approche, et la figure suivante montre le résultat d’une requête exprimée sur les concepts « pagaie » et « navigation de plaisance ».
GallicaPix
Une autre variante de la recherche dans les images consiste à indexer les illustrations grâce à une « signature numérique », qui résume le contenu visuel d’une image, puis à demander à la machine de fournir des images similaires à une image témoin, fournie par l’utilisateur. Le démonstrateur GallicaSnoop, qui s’appuie sur le moteur visuel Snoop codéveloppé par Inria et l’INA, propose une telle fonctionnalité. Partant d’une photo contemporaine d’un pédalo, il est ainsi possible de créer dans GallicaSnoop une requête fournissant des formes visuellement proches, après une série d’itérations impliquant l’utilisateur humain et sa faculté à juger si les images résultats sont pertinentes ou non. La figure suivante montre les hydrocycles du début du 20e siècle retrouvés à partir d’une de leur forme moderne.
Commentaires
Ces merveilleux fous navigant sur leurs drôles de machines
Le musée de la batellerie et des voies navigables a consacré son Cahier N°71 (72 pages) aux vélocipèdes nautiques et autres hydrocycles, Tous ces engins étant dans l'esprit de leurs inventeurs une heureuse alternative à la rame considérée comme archaïque et épuisante. La revue le Chasse Marée N°268 a publié un article sur le sujet intitulé "Pédaler sur l'Eau".. Une exposition toujours sur ce sujet est prévue (si les conditions que nous connaissons le permettent) au quatrième trimestre 2021 au Musée de la batellerie 78700 Conflans Ste Honorine. A votre disposition pour d'autres informations. .
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