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Les carnets de Gustave Flaubert

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21 octobre 2017

"Jamais je ne jette aucun papier. C’est de ma part une manie", écrit Flaubert à Louise Colet en 1853. Parmi les milliers de pages laissées par l’écrivain, ses carnets occupent une place de choix, dont la consultation intégrale en ligne ouvre de nouvelles perspectives aux chercheurs.

Plus encore que leurs brouillons, les notes des écrivains, qu’elles soient sur des feuillets épars ou sous forme de carnets, constituent un matériau aussi précieux pour l’étude et la compréhension de la genèse d’une œuvre et de la biographie d’un écrivain, que complexe à appréhender.
Les trente carnets de voyage et de travail de Flaubert, conservés à la Bibliothèque historique de la Ville de Paris, n’échappent pas à cette complexité, bien au contraire.

C’est sans doute en partie pour cette raison que leur entrée dans la collection publique à laquelle les destinait le legs de Caroline Franklin-Grout, nièce de Flaubert, en 1931, fut aussi chaotique. Après avoir longuement hésité, les édiles parisiens se décidèrent à accepter le legs qui leur était fait : ce ne fut donc qu’après un séjour de cinq ans au musée d’Antibes que les précieux carnets arrivèrent en 1936 au musée Carnavalet, et ce ne fut qu’en 1941 qu’ils rejoignirent, à la Bibliothèque historique, les deux manuscrits de L’Education sentimentale dont Caroline avait fait don à Paris en 1914.

Certes, ces carnets, de petite taille et d’apparence modeste, avaient de quoi dérouter à première vue, tant par leur contenu – ils n’étaient pas destinés à un autre lecteur que leur auteur - que par leur forme – souvent difficiles à déchiffrer, commencés par les deux extrémités, écrits au crayon puis repassés à l’encre. Et il fallut des décennies d’analyse et d’exégèse pour qu’ils soient peu à peu rattachés, soit à un intérêt particulier de Flaubert (notes de lecture), soit à un épisode de sa vie (notes de voyage), soit à son processus d’écriture (notes de travail), ces trois catégories se mêlant souvent inextricablement.
Cependant, Flaubert lui-même leur accordait un grand prix. On peut en donner comme preuve la durée d’usage de certains carnets, auxquels il pouvait revenir et ajouter d’autres notes des années plus tard.  Par exemple, le carnet de travail n° 2 a été utilisé sur une période de dix-huit ans, de 1859 à 1878. Pierre-Marc de Biasi, qui a étudié et édité exhaustivement les carnets de travail, a pu déduire de l’écriture et du format même de ces carnets l’usage qu’en faisait Flaubert, distinguant les carnets "sédentaires", outils de cabinet, de plus grand format, écrits à l’encre, des carnets "nomades", calepins de poche de plus petit format, souvent écrits au crayon.

La complexité de ces carnets n’a d’égal que leur richesse, faisant écho à pratiquement toutes les œuvres, tous les voyages, les projets ou les préoccupations de Flaubert, voisinant désormais sur Gallica avec un autre monument de la génétique littéraire, les carnets de Marcel Proust, bien au-delà des séductions d’apparence du simple fétichisme littéraire.

Emmanuelle Toulet,
directrice de la Bibliothèque historique de la Ville de Paris

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