Les agendas de Pierre Bonnard en accès libre
Le département des Estampes et de la photographie de la Bibliothèque nationale de France possède un ensemble remarquable de vingt agendas de Pierre Bonnard, couvrant les années 1927 à 1946. Ils ont été acquis en 1993 auprès de ses petits-neveux.
Bonnard remplissait ses agendas comme des carnets de notes et de croquis, les ayant toujours à portée de main pour saisir un motif sur le vif, poursuivre une recherche graphique ou écrire une pensée, à côté des annotations triviales de son quotidien. Les agendas de Bonnard permettent d’entrer dans l’intimité de l’artiste et de saisir, jour après jour, sa perpétuelle quête plastique.
Les écrits de Bonnard présents dans les agendas sont de nature diverse. L’artiste y consignait des éléments prosaïques, comme la liste des courses, ses rendez-vous, des numéros de téléphone. L’artiste inscrivait également quotidiennement dans son agenda le lieu où il se trouvait, lorsqu’il voyageait, et le temps qu’il faisait, élément important pour un peintre attentif aux effets de lumière et à leur incidence sur la perception des couleurs. On trouve également quelques notations artistiques à proprement parler, qu’Antoine Terrasse a scrupuleusement relevées[1]. Ces courtes phrases témoignent de la recherche perpétuelle par l’artiste de moyens plastiques aptes à traduire l’émotion. Ces remarques sont bien plus des intuitions nées de son expérience de peintre que l’énoncé de théories artistiques.
Les agendas de Bonnard renferment surtout de multiples croquis qui permettent d’appréhender sa recherche constante autour des motifs auxquels il travaillait dans ces années. Les sujets empruntés à son quotidien sont très présents : portraits de ses proches, notamment des enfants, souvent difficiles à identifier, animaux domestiques, lieux familiers ou paysages découverts lors de ses pérégrinations. Le dessin semble destiné à aider l’artiste à fixer un lieu dans sa mémoire, à la manière de notes rapides. Il pouvait également lui permettre de mettre en place une composition complexe. Les autoportraits scandent l’œuvre de Bonnard. A la manière de Rembrandt, l’artiste nous livre une vision sans artifices de son visage au fil des ans. On trouve plusieurs autoportraits dans les agendas (14 décembre 1928, 27 et 30 novembre 1931, 17 et 18 Janvier 1932).
Le thème du nu à la toilette revient à maintes reprises dans de nombreux croquis qui témoignent des recherches incessantes de Bonnard concernant le cadrage et la composition de ces scènes intimes, indépendamment de toute préoccupation quant au rendu des couleurs et de la lumière. Le thème du nu dans la baignoire succède à la série des nus au tub au milieu des années 1920 : sa femme et modèle, Marthe, avait en effet coutume de prendre un bain quotidiennement dans la villa du Bosquet du Cannet, où une salle de bain avait été aménagée. Elle est le seul modèle des nombreux nus dans la baignoire : elle est représentée tantôt allongée dans son bain, tantôt adoptant diverses postures, entrant et sortant du bain, s’essuyant ou se frottant d’un gant de crin. Bonnard adopte des cadrages audacieux qui contribuent à donner l’impression que l’artiste saisit un moment fugace du quotidien, vu par l’embrasure d’une porte, ou par le truchement d’un miroir. Dans ces dessins, Bonnard attache plus d’importance à la composition qu’à la représentation exacte du corps de Marthe qu’il connait si bien qu’il le représente de mémoire, figé dans une éternelle jeunesse.
Une édition des agendas de Bonnard a été faite par les éditions de l’Atelier contemporain, le musée Bonnard du Cannet et les éditions de la BnF, en 2019. Elle comprend notamment un texte introductif de Céline Chicha-Castex, un essai de Claude Lévêque, et une analyse de chaque agenda par Véronique Serrano.
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