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La citadelle d'Amiens

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21 juin 2024

En 2029 ouvrira à Amiens le nouveau site de conservation de la BnF, à deux pas de l’ancienne citadelle qui accueille aujourd’hui l’Université de Picardie. Découvrez dans cet article l’histoire de ce site historique, futur voisin de la BnF, à travers des documents méconnus disponibles sur Gallica.

Plan de la ville d'Amiens, avec ses fortifications au XVIIe siècle, dessin anonyme.

Le 11 mars 1597, les troupes espagnoles s’emparent de la capitale picarde grâce à un subterfuge connu sous le nom de « surprise d’Amiens ». Déguisés en paysans, quelques soldats se présentent à la porte de la ville avec un chariot de foin, les bras chargés de sacs de pommes et de noix. Faisant tomber quelques fruits devant les sentinelles, ils profitent de leur inattention pour les attaquer. Le chariot, arrêté sous la herse, l’empêche de se refermer : des troupes dissimulées dans les taillis se ruent dans la ville. En deux heures, la cité est prise.

Il faut six mois à Henri IV pour reprendre la ville, le 25 septembre 1597. Le roi confie alors à son ingénieur des fortifications, Jean Errard de Bar-le-Duc, de la doter d’un système défensif efficace et moderne.
 

Le siège d’Amiens, dessin à la plume, c. 1597, BnF, Est.
 
Auteur d’un ouvrage d’ingénierie militaire, dans lequel il jette les bases de l’architecture militaire du XVIIe siècle dont s’inspirera Vauban, Errard a déjà fait ses preuves à Verdun, Laon et Sisteron. Pour Amiens, il conçoit une nouvelle citadelle au Nord de la ville, s’appuyant sur l’ancienne porte Montre-Écu, édifiée en 1390. Le roi autorise la destruction de 200 maisons, d’une église et d’une partie des anciens remparts de Philippe-Auguste pour permettre l’édification de ce nouveau complexe défensif. L’ancienne porte Montrescu arasée accueille le logis du gouverneur au-dessus de sa voûte.
 

Illustration extraite du Premier livre des instruments mathematiques mechaniques de J. Errard, Nancy, Jan-Janson, 1584.

Une seconde porte, dénommée « nouvelle porte Montrescu », avait été aménagée entre 1524 et 1531 sur ordre de François Ier. Intégrée à la citadelle, son nom lui vient d’une de ses sculptures : un ange pointant du doigt l’Ecu de France. On peut toujours admirer, sculptés en partie haute de ses murs, des salamandres et les initiales du roi. La qualité architecturale et artistique de la nouvelle porte « Montre-Ecu » conduit à son inscription sur la première liste des monuments historiques de 1840, tandis que le reste des fortifications ne le seront qu’en 1978.
 

 Plan de la ville et citadelle d’Amiens, par de Fer, 1716.

Le gros des travaux de Jean Errard a lieu entre 1598 et 1610 : Amiens est ainsi dotée d’une vaste citadelle en forme de pentagone avec cinq bastions, entourée de fossés et d’un chemin couvert. Construite en brique avec des chaînages de pierres saillantes, l’édifice s’inscrit dans les styles Henri IV et Louis XIII.
 

Citadelle d’Amiens, dessin anonyme, c. 1620.

Après la Paix des Pyrénées de 1659 qui déporte la frontière du royaume plus au Nord, Amiens perd son intérêt stratégique. De ce fait, Vauban n’intervient pas sur la citadelle d’Errard, jugée suffisamment fortifiée, mais qui conserve sa garnison.
 

Entrevue de Louis XIV et de Philippe IV Roi d'Espagne dans l'Isle de la conférence le 6 juin 1660 pour la signature du traité de paix, estampe c. 1660.

L’histoire militaire de la citadelle ne s’arrête pas là : en 1870, elle tente de résister aux Prussiens, avant de capituler le 1er décembre, suite à la mort du commandant Vogel. Les allemands entre brièvement dans Amiens en 1914, puis de nouveau le 20 mai 1940, après une vaine résistance. La citadelle devient pendant l’occupation un lieu de détention, de torture et d'exécution : 35 résistants sont fusillés dans ses fossés, où l’on peut encore voir un poteau conservé à titre mémoriel.
 

Stadtplan von Amiens, carte imprimée sous l’Occupation, 1940.

En 1962, la citadelle, vétuste mais toujours militarisée, accueille 800 harkis et leurs familles. Ce n’est qu’en 1979 que le 51e régiment d'infanterie motorisé quitte Amiens pour Compiègne. En 1993, l'armée abandonne le site, qui est racheté par la ville en 1999, laquelle engage la restauration des murailles. Dans les années 2010, un vaste chantier de rénovation et d’aménagement est confié à l’architecte Renzo Piano pour y implanter une partie de l'Université de Picardie Jules-Verne. En septembre 2018, 5000 étudiants de lettres, langues, et sciences humaines font leur rentrée dans la citadelle rénovée.
 

Écolier, Agence Rol, 1912.

Désormais lieu d’enseignement et de recherche, la citadelle d’Amiens est aussi un espace naturel protégé : 4 500 m² de ses souterrains sont classés Zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique en raison de la présence d’une colonie de 70 chauves-souris de l’espèce murins à oreilles échancrées, qui ont trouvé refuge dans les galeries creusées pour l'exploitation de la craie, et dans les caves de briques.
 

La Chauve-souris, dessin par Buvée issu des Figures pour l'histoire des quadrupèdes, par M. de Buffon, c. 1760.

L’histoire de la citadelle d’Amiens continue de s’écrire, non plus sur le plan militaire mais culturel. Étudiants et chiroptères se partagent aujourd’hui les lieux. Bientôt, ils auront comme voisins les œuvres patrimoniales qui rejoindront le nouveau site de conservation de la Bibliothèque nationale de France.

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