Campagnes de prévention
A partir du milieu du XIXe siècle, l’Etat français initie une politique de santé publique volontariste et dans l’objectif d’imprimer durablement ses messages dans les esprits, va souvent utiliser panneaux didactiques et affiches.
En effet, les guerres napoléoniennes laissent derrière elles une France exsangue et le XIXe siècle voit une succession d’épidémies (choléra morbus en 1832, variole, fièvres typhoïdes) mais aussi de maladies endémiques telles que la tuberculose, la syphilis et l’alcoolisme. Des carences et retards de croissance dûs aux disettes sont également constatés chez les adolescents. Tout cela contribue à la prise de conscience des pouvoirs publics de la nécessité d’un engagement sanitaire de l’Etat face à une dégénérescence physique et/ou morale.
Les conditions de vie en milieu rural et surtout urbain - du fait d’une très forte concentration de la population dans des taudis humides et insalubres - sont dénoncées comme pathogènes. Dès 1825, le pharmacien Antoine Germain Labarraque (1777-1850) avertit des dangers causés par les émanations nocives des fosses d'aisance. Jusqu'au début du XIXe siècle, l'apparition des différentes maladies était attribuée soit à la génération spontanée - des êtres vivants surgissant du néant - soit au miasmes, i.e. un air nauséabond et empoisonné. A la faveur de la théorie microbienne développée par Louis Pasteur, les médecins hygiénistes détenteurs du savoir, tel Alexandre Parent-Duchâtelet (1790-1836), deviennent les conseillers scientifiques de la politique de santé publique mise en place à partir de 1850. La découverte que chaque maladie a pour étiologie un germe spécifique va modifier les mesures prophylactiques. Par exemple, la stérilisation - ou pasteurisation - du lait évite aux bébés une diarrhée souvent mortelle. L'individualisation des distributions domestiques, favorisée par la canalisation des réseaux d'adduction d'eau potable, permet d'éradiquer la fièvre typhoïde.
Il est impératif de protéger la population en bousculant des traditions séculaires. Car les croyances populaires ne manquent pas : le fumier est laissé à l'air libre ; les poux, censés purger le corps de ses mauvaises humeurs, sont signes de bonne santé ; le vin et l'alcool peuvent servir d'antidote contre les vers en les tuant et en conséquence, sont parfois rajoutés aux biberons. Face à la médecine curative, apparaît la médecine préventive avec le choix assumé d'un ton paternaliste perceptible dans les campagnes de prévention.
A partir de 1900, la médecine devient le Sujet. Le pédiatre et journaliste scientifique Emile Galtier-Boissière (1857-1919) imagine une série d’affiches didactiques éditées par Armand Colin. La volonté de vulgarisation scientifique y est évidente : la bonne et la mauvaise conduite font l’objet d’illustrations placées en regard et accompagnées de notions élémentaires d’hygiène. Il s’agit en effet d’inculquer à l’école ou à la caserne les rudiments hygiéniques aux classes laborieuses souvent illettrées, pointées comme le maillon faible de la société. De la sorte, on espère sensibiliser dans un premier temps la jeunesse et indirectement toute la famille. Dans les écoles primaires et écoles normales, on enseigne cette nouvelle matière dans le cadre des sciences naturelles ou bien de la morale. Le contenu pédagogique porte sur trois domaines distincts : hygiène des locaux, santé physique de la personne, mais surtout morale car la discipline apparaît ici comme essentielle. Des expositions dédiées à l''hygiène sont organisées : les découvertes médicales y sont présentées sous la forme d'attractions.
Les médecins ne tarissent pas d'éloges sur les bienfaits de l'air pur. C'est pourquoi L'Assistance publique ouvre des établissements à la mer ou la montagne. Les cures d'air, colonies de vacances et préventoriums sont destinés à accueillir des enfants issus de milieux défavorisés et prédisposés à la tuberculose. Ainsi, afin de promouvoir sa politique de santé publique, la Sécurité Sociale choisit un autre mode de diffusion en faisant appel à l'illustrateur André Pécoud (1880-1951) dont le style si particulier est bien connu des enfants des années 30 et 40.
La publicité s'empare également de l'hygiène comme d'un thème vendeur. Ici le parti pris est d'attirer l'oeil au moyen d'une esthétique très soignée. A cette fin, le peintre Henri Gervex (1852-1929), auteur du célèbre Rolla ou le peintre et affichiste roumain Pal (1855-1942) sont tous deux sollicités.
La diffusion des préconisations hygiénistes peut ainsi atteindre sa cible de façon plus détournée mais aussi plus performante lorsqu'elle passe par le vecteur de la publicité et de son univers idéalisé. Cette politique d'éducation sanitaire des citoyens, oeuvre de longue haleine, finit par porter ses fruits avec l'évolution des mentalités, l'arrêt - momentané - des grandes épidémies et une espérance de vie bien supérieure.
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