A la recherche des manuscrits de Flaubert…
L’héritière de Flaubert, Caroline Franklin Grout, a fait don de tous ses manuscrits à différentes bibliothèques françaises, notamment la BnF, la BHVP et la Bibliothèque municipale de Rouen. Aujourd’hui, grâce à la coopération numérique, la quasi-totalité d’entre eux est rassemblée sur Gallica.
Flaubert a évité l’"héritier abusif", terreur posthume des conservateurs, des éditeurs et des chercheurs. C’est sa nièce, Caroline Commanville (puis Franklin Grout), qui a géré l’héritage. Elle a fait l’objet de nombreuses critiques de la part des flaubertiens, en raison des censures qu’elle a opérées dans les manuscrits. Reproches faciles adressés à une femme de son époque. À sa place, subissant les contraintes de son temps, nous aurions pareillement supprimé les obscénités du Grand Homme. Au moins Caroline Franklin Grout a-t-elle un grand mérite : elle a donné de son vivant, en 1914, les dossiers manuscrits des œuvres majeures à trois institutions : la Bibliothèque Nationale, la Bibliothèque municipale de Rouen et le Musée Carnavalet. À Rouen, elle a légué les dossiers du premier et du dernier roman, dont l’action se passe en Normandie, Madame Bovary et Bouvard et Pécuchet. Parallèlement, les dossiers de Salammbô et de Trois contes revenaient à la Bibliothèque Nationale et les manuscrits définitifs et du copiste de L’Éducation sentimentale au Musée Carnavalet (BHVP). Par testament, l’héritière a légué à la Bibliothèque Nationale le manuscrit de La Tentation de saint Antoine, les carnets de notes et de voyage à la BHVP et la correspondance à l’Institut de France. Par dons ou par achats, les collections de la BN ont continué à s’enrichir, en particulier avec les brouillons de L’Éducation sentimentale et les manuscrits des œuvres de jeunesse, et celles de la BM de Rouen avec une partie du Château des cœurs et la Lettre à la municipalité de Rouen (voir la préface de Roger Pierrot au catalogue de l’Exposition du centenaire à la Bibliothèque Nationale).
Les modes d’entrée de ces manuscrits pourraient laisser penser que les dossiers de chacune des grandes œuvres sont complets dans un même lieu, à l’exception de L’Éducation sentimentale, réparti dès l’origine sur deux sites. Or, il n’en est rien. Tous les corpus présentent des lacunes. Aux dossiers de Madame Bovary et de La Tentation de saint Antoine, il manque des notes documentaires respectivement conservées à la fondation Martin Bodmer et à la BM de Rouen.
Le cas le plus révélateur est sans doute celui de Salammbô : le dossier (presque) complet se trouve à la BnF, mais la BM de Rouen possède 7 feuillets séparés. Plus récemment, un inventaire du Château des cœurs a permis de découvrir 5 autres feuillets égarés dans les brouillons conservés à Rouen.
Flaubert était pourtant un homme ordonné, attentif à ses archives. Comment expliquer la confusion régnant dans certains feuillets ? Est-ce une erreur de manipulation de la part de l’auteur lui-même, de sa nièce ou des experts au moment des ventes ?
Les cas des Dossiers de Bouvard et Pécuchet est particulier : l’hétérogénéité des manuscrits est due aux documents divers collectés par Flaubert durant la rédaction. Les papiers laissés épars sur le bureau du cabinet de travail ont ensuite été réunis en chemise par sa nièce.
Gallica offre désormais tous les manuscrits de la BnF et de la BHVP ; la BM de Rouen termine la campagne de numérisation de son fonds, et toutes les ressources flaubertiennes seront ainsi bientôt disponibles sur le site Rotomagus et sur Gallica. De quoi nourrir de belles perspectives pour le bicentenaire de la naissance du romancier, en 2021.
-
Yvan Leclerc
Yvan Leclerc est professeur émérite à l’université de Rouen, directeur du Centre Flaubert, et responsable du site Flaubert.
Ajouter un commentaire