Lyrische Stücke für Pianoforte. [klavier zu 2 händen. heft III], Op. 43 de Edvard Grieg
Aux sources du romantisme musical
La pièce
Peer Gynt, poème dramatique de l’auteur norvégien Henrik Ibsen (1828-190) incarne parfaitement cette magie de la nature : en demandant à Edvard Grieg (1843-1907) de mettre sa pièce de théâtre en musique, Ibsen offre à son compatriote la possibilité d’associer ses mélodies à un univers profondément ancré dans le paysage norvégien. La première représentation de la pièce a lieu à Christiania (Oslo) en 1876. Par la suite,
Grieg retravaille à plusieurs reprises la musique.
Qu’est-ce que le scandinavisme musical ?
Peer Gynt, l’œuvre nordique la plus connue de la période romantique, a précisément été conçue pendant cette époque où les artistes du Nord commencent à se tourner vers la nature, vers le folklore et la mythologie de leurs pays afin de trouver l’inspiration.
Au 19e siècle et au début du 20e siècle, les compositeurs et musiciens nordiques se forment à l’étranger, notamment au conservatoire de Leipzig, dès son ouverture en 1843. Niels Wilhelm Gade (1817-1890), compositeur danois, s’y fait un nom très tôt et ouvre la voie pour les autres musiciens et musiciennes scandinaves.
Romancer og sange de Niels W. Gade
Des relations et des contacts sont ainsi établis entre musiciens du Nord de l’Europe. Les compositeurs mettent en musique les auteurs d’autres nationalités nordiques et jouent souvent dans les pays voisins. Un scandinavisme émerge en même temps que le courant romantique : les artistes essayent de puiser dans l’histoire, la nature et le folklore des éléments constitutifs d’une identité scandinave tout en cultivant les particularismes nationaux.
Les chansons populaires au Danemark
Créée en 1828, Elverhøj [La Colline aux elfes] est l’une des premières pièces romantiques danoises fondées sur la tradition des chansons populaires. Le compositeur germano-danois Friederich Kuhlau (1786-1832) intègre des chansons populaires à une pièce de théâtre commandée à l’écrivain Johan Ludvig Heiberg (1791-1860) par le roi Frederik VI pour le mariage de sa fille cadette : l’intrigue reprend le mythe danois selon lequel le roi des elfes règne à Stevns, une presqu’île de l’île de Seeland, et associe à ce motif le thème des échanges d’enfants souvent présent dans les contes populaires.
Elverhøj de Friederich Kuhlau
Folklore et musique en Suède
Tout comme Kuhlau, le compositeur suédois August Söderman, a inséré en 1865 quelques mélodies traditionnelles dans sa mise en musique du drame historique de Frans Hedberg, Bröllopet på Ulfåsa [Le mariage de Ulvåsa ou Ulfåsa]. La marche nuptiale de la pièce est encore populaire lors des mariages en Suède aujourd’hui.
Marche nuptiale de Bröllopet på Ulfåsa de August Söderman
Mais c’est surtout dans l’opéra Den Bergtagna, du compositeur Ivar Hallström (1826–1901) que l’on constate l’influence du folklore dans la musique suédoise : reprenant la mélodie de la chanson populaire éponyme, l’opéra raconte l’enlèvement d’une jeune fille par le roi des trolls des montagnes tout en alternant réalisme et fantastique.
Den Bergtagna de Ivar Hallström
Enfin, des mélodies traditionnelles ont aussi été interprétées par « le rossignol suédois » Jenny Lind (1820-1887) qui connut un succès international en Europe et aux États-Unis.
Jenny Lind - the northern nightingale, lithographie de Henri-Auguste Pingot
L’opéra fait son entrée sur la scène finlandaise
Le compositeur Fredrik Pacius (1809-1891) a connu un grand succès avec l’opéra Kung Karls jakt (1852), qui lui a valu le surnom de père de la musique finlandaise. Le libretto de ce premier opéra écrit en Finlande est l’œuvre du poète et auteur Zachris Topelius (1818-1898). Au cœur de la pièce se trouve Charles XI (1655-1697), roi de Suède, royaume qui incluait à l’époque la Finlande. Le roi fait une partie de chasse sur une des îles d’Åland, archipel situé entre la Finlande et la Suède. Pacius, bien qu’inspiré par le romantisme allemand, essaye également d’inclure des éléments finlandais, par exemple en utilisant dans une scène le kantele, instrument finlandais semblable à une cithare. La présente partition reprend une chanson à boire en l’honneur de la chasse et de ce roi bon vivant.
Entre-act, ballade och dryckeswisa : ur operan Kung Carl XI jagt de Fredrik Pacius
La musique traditionnelle en Norvège
Le violoniste virtuose norvégien Ole Bull (1810-1880) jouait souvent du hardingfele, un violon traditionnel norvégien, avec huit ou neuf cordes au lieu de quatre. Quatre de ces cordes sont accordées comme sur un violon ordinaire et les autres entrent en résonance. Peu de ses compositions sont conservées, si ce n’est à l’état de brouillon, car Ole Bull était connu pour improviser beaucoup pendant ses spectacles. L’une de ses compositions, encore régulièrement jouée, est une suite de pièces décrivant une visite dans un alpage en Norvège. Les paroles de la chanson « Sætergjentens Søndag », écrite par l’auteur de contes populaires norvégiens Jørgen Moe, évoquent ainsi de manière poétique la vie dominicale d’une jeune bergère.
Sætergjentens søndag de Ole Bull et de Jørgen Moe
Ole Bull, lithographie de Johan Cardon, d’après Karl Peter Mazer
Grieg s’inspirait de motifs ou de thèmes directement tirés de la musique traditionnelle norvégienne dans ses œuvres. Ainsi dans son Op. 38 on retrouve un halling, danse traditionnelle norvégienne rapide, dansée notamment par de jeunes hommes faisant de grands sauts. Il fait référence à ces pas de danse dans sa Fjeldslåt (Chanson de la montagne) de Folkelivsbilleder Op.19.
Fjeldslåt (Chanson de la montagne) de Folkelivsbilleder Op.19 de Edvard Grieg
Agathe Backer-Grøndahl (1847-1907), pianiste et compositrice norvégienne, a connu un grand succès lors de ses nombreux concerts en Norvège et en Europe. Composant notamment des romances et des chansons pour voix et piano, elle réalisait également des arrangements de chansons populaires : l’une de suites de plus connues est Blomstervignetter, qui reprend des thèmes floraux.
Blomstervignetter de Agathe Backer-Grøndahl
Backer-Grøndahl a également puisé dans le folklore nordique : « Huldreslåt », la chanson de la « huldra » porte sur l’être féminin de la forêt, la huldra. Cet être peut parfois prendre la forme d’un vieux troll très laid ou plus souvent d’une belle jeune femme, mais qui a toujours quelque chose d’étrange : elle porte une queue de vache ou parfois son dos est semblable à un tronc d’arbre. Comme souvent avec ces êtres du folklore, la huldra peut, si elle le veut, aider les hommes perdus dans la forêt ou au contraire leur faire perdre leur chemin…
Agathe Backer-Gröndahl Album
Lina Diamant, bibliothécaire assistante spécialisée au département de la Bibliothèque nordique, bibliothèque Sainte-Geneviève
Écouter des enregistrements en ligne
Ajouter un commentaire