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Quentin Bidault, l'histoire en relief

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18 septembre 2019

Consultant en histoire et en ingénierie culturelle, le Gallicanaute Quentin Bidault est l'auteur du blog "La Petite Histoire illustrée". Interview en images.

Carved doors of the old Church / Bennett & Brown. Among the ancient and interesting scenery of New Mexico, The Indian Pueblo of Santo Domingo, n° 134, 1865-1880

Bonjour, Quentin Bidault. Pouvez-vous nous parler un peu de vous ?

J’ai 30 ans et j’habite à Paris. Depuis 6 ans, je suis consultant en ingénierie historique. Je recherche et j’écris sur l’histoire d’entreprises, de collectivités ou d’institutions mais, surtout, je les fais vivre à travers à peu près tous les moyens de communication possible (publications, expositions, numérique…). Je crois que je suis arrivé à ce métier sans m’en rendre compte, en faisant ce qui m’attirait. Ce statut d’indépendant me permet d’ailleurs de suivre mes envies, d’avoir des projets personnels, de m’intéresser à des sujets singuliers.

Vous souvenez-vous du jour où vous avez découvert Gallica ?

Pas vraiment, sans doute parce que j’utilise Gallica depuis longtemps et, surtout, très régulièrement. C’était très certainement en fac d’histoire. Je me souviens qu’à l’époque, j’ai été impressionné par la masse d’occurrences que Gallica pouvait fournir. J’en avais un peu peur. Aujourd’hui, je suis très à l’aise et j’en redemande. Et depuis, Gallica m’a offert un bon nombre de fois ce sentiment de découverte quand on tombe sur une trouvaille.

Comment votre site, "La Petite Histoire illustrée", est-il né ?

"La Petite Histoire illustrée" est un blog qui me permet de partager mon goût pour l’histoire insolite. Ce ne sont pas les grands personnages ou les évènements marquants qui m’ont amené à l’histoire mais l’altérité, la volonté d’explorer quelque chose d’éloigné de mon monde. S’il y avait encore des océans à explorer (et si je n’avais pas le mal de mer…), j’aurais peut-être eu envie d’être explorateur. L’histoire permet de voyager à la découverte d’innombrables mondes oubliés. Et puis je suis très attiré par l’image (et les imaginaires). "La Petite Histoire illustrée" fait d’ailleurs référence à l’âge d’or de la presse écrite, autour de 1900. Les titres les plus connus avaient un supplément illustré le dimanche. Le Petit Journal illustré, par exemple, est une source formidable d’histoires et d’images insolites.
 

Le Petit journal. Supplément du dimanche. 5 mars 1894.

Comment utilisez-vous Gallica dans le cadre de votre métier, lorsque vous conduisez des recherches sur les entreprises ?

Je peux y trouver des informations sur l’histoire de l’entreprise, par exemple la trace d’une médaille lors d’une Exposition universelle consignée dans une publication de l’événement. Je peux aussi m’en servir pour avoir des indices. Je me sers beaucoup des Bottins pour retrouver des adresses, ce qui me permet souvent de combler des trous. Dans ces cas-là, j’ai presque l’impression d’être un personnage qui enquête dans un livre de Patrick Modiano. Je fais aussi des recherches iconographiques. Ma spécialité, c’est de retrouver des images dans la presse ancienne.

Vous êtes aussi passionné de stéréoscopie ancienne. Pouvez-vous nous parler de cette technique qui s’apparente à l’ancêtre de la 3D ?

C'est l’ancêtre de la 3D ! C’est même de la 3D tout court, le principe est le même. On a juste oublié un temps le mot "stéréoscopie" et on a cru en inventer un avec "3D". Moi, j’utilise stéréoscopie, c’est un néologisme du grec, inventé en 1838, qui veut dire "voir en solide", plus poétique. Je m’intéresse à la photo stéréoscopique autour de 1900. Ce n’est pas simple à expliquer, mais avec deux photos et une machine optique (le stéréoscope), vous pouvez voir en relief ! Il y a un truc, bien sûr, les deux photos qui paraissent identiques ne le sont pas, elles ont été prises par un appareil à deux objectifs, séparés d’environ 7 cm, comme nos yeux. Finalement, en regardant dans le stéréoscope, votre cerveau vous trompe et vous voyez comme si vous étiez à la place du photographe. Je propose une visite guidée dans Paris, à prix libre, pour faire découvrir l’expérience du stéréoscope ancien. Une façon de partager ma passion.
 

Femme au chapeau rouge devant la rotonde des Buttes-Chaumont, 1907-1930

La photographie stéréoscopique englobe des genres très différents : quels grands ensembles avez-vous identifiés au cours de vos recherches ?

La photo stéréoscopique était le plus souvent publiée, c’est-à-dire que des éditeurs les vendaient. Le relief provoquant la sensation "d’y être", ils se sont beaucoup appuyés sur le thème du voyage et de l’ethnologie (ça doit être pour ça que j’aime tant la stéréoscopie). La promesse de ces marchands était de faire voyager leurs clients dans le monde entier, sans qu'ils aient à quitter leurs fauteuils. Aujourd’hui, je vous dirais que ces photos nous donnent l’impression de voyager dans le temps.
Et puis, pour des raisons… évidentes, la stéréoscopie s’est très bien entendue avec l’érotisme et la pornographie.
 

Nu féminin, assis de profil partiellement drapé, 1851-1860

Enfin, la mode que l’on a connue en 1900 s’est achevée par des photos des horreurs de la Première Guerre mondiale, avec une volonté de témoigner, peut-être avec une curiosité morbide. Ensuite, la stéréoscopie a perdu son rang, détrônée par l’autochrome (première photo couleur) et surtout le cinéma. On a préféré l’animation de l’image plutôt que son relief.

S’il ne fallait en retenir qu’une, quelle vue stéréoscopique de Gallica aurait votre préférence ?

Les vues stéréoscopiques de Gallica sont riches de techniques relativement rares et anciennes. Si je ne devais en choisir qu’une (et c’est à regret), ce serait ce daguerréotype d’environ 1850 :

Portrait d'un Asiatique, à mi-genoux, tête de trois-quarts à gauche, l'avant-bras droit reposant sur un appui, 1851-1860
 

À sa coiffure, j’ai l’impression que ce modèle est chinois. La photo a été prise en France. Faisait-il partie d’une ambassade ? Était-ce un marchand ? Était-il là à l’occasion d’une Exposition universelle ? La BnF conserve un fonds bien plus important et j’imagine que Gallica va s’enrichir de nouvelles vues à l’avenir.

En alternant rapidement les deux vues des images stéréoscopiques, on peut reproduire la sensation de relief dans des GIF, comme vous le faites par exemple sur votre fil Twitter et sur votre compte Instagram. Comment retravaillez-vous les images ? Quels outils conseilleriez-vous à nos lecteurs qui voudraient s’y essayer ?

Ce n’est pas de la stéréoscopie mais cela permet de rendre compte du relief sans stéréoscope. L’exercice n’est pas facile, cela demande un peu d’expérience pour superposer et ajuster parfaitement les deux vues. Je peux conseiller https://www.3dwiggle.com/. Ce logiciel n’est pas parfait mais il a une version gratuite. Et si cela vous donne mal à la tête, il n’y a qu’à être patient, dans quelques années vous pourrez vraiment voir des vues stéréoscopiques sur vos smartphones. Les écrans permettant de voir la 3D sans lunettes existent déjà.

Une anecdote au sujet d'un document découvert dans Gallica ?

Je suis tombé sur une image d’un aérostat en forme de poisson, j’en ai fait un petit billet sur mon blog.

Quels sont vos projets actuellement ?

Bizarrement, je suis en train de m’éloigner de l’image. Ou plutôt, je m’intéresse à un autre sens, l’ouïe. Je viens de créer mon podcast, une histoire de la jeunesse. Chaque épisode raconte un mot qu’on a utilisé pour désigner des jeunes, du Moyen Âge à nos jours. Apaches, Zazous, Midinettes, Blousons noirs… C’est une histoire qui n’a pas encore été écrite. Peut-être parce qu’elle est destinée à rester orale. Du coup, je dois faire mes propres recherches et, bien sûr, j’utilise beaucoup Gallica.

Y a-t-il d’autres documents numérisés dans Gallica qui seraient susceptibles de vous inspirer de nouveaux projets ?

Je commence déjà à être attiré par les fonds sonores.
Mes activités professionnelles me portent en ce moment vers la ludification (création d’escape games, de mécaniques de jeux). Il est possible que je teste ces nouvelles compétences sur le contenu de Gallica. Je ne sais pas encore quelle forme cela pourrait prendre mais pourquoi pas.

Le mot de la fin ?

"Guillemets". Et ce sera une astuce pour les gallicanautes débutants. Si vous avez une recherche précise (un nom et prénom par exemple), tapez-la entre deux guillemets dans le moteur de recherche Gallica pour avoir des résultats plus pertinents.

Twitter @Quentin_Bidault : https://twitter.com/Quentin_Bidault
Facebook du blog : https://www.facebook.com/lapetitehistoireillustree/
Instagram d’animation de vues stéréoscopiques anciennes @la_vision_solide : https://www.instagram.com/la_vision_solide/
Visites guidées Paris Diversion : https://www.paris-diversion.fr/
Podcast une histoire de la jeunesse : https://www.btlm.fr

Vous aussi vous utilisez Gallica pour un projet qui vous tient à cœur et vous souhaiteriez en parler sur le blog Gallica ? N’hésitez pas à nous contacter à gallica@bnf.fr en mentionnant "Billet Gallicanautes" dans l’objet de votre message.

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