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Harmonie, improvisation, composition : les dessous de la musique baroque

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17 juillet 2020

Des grandes messes aux cérémonies fastueuses de la cour, la musique baroque est le divertissement de choix des 17e et 18e siècles européens. De Monteverdi à Mozart, l’époque baroque voit l’essor de la musique instrumentale, qui s’émancipe de la domination de la voix humaine comme élément fondamental de la création musicale.

Les Indes Galantes, Jean-Philippe Rameau, 1761-1765.

De l’horizontalité de la voix à la verticalité des accords

De nouvelles structures instrumentales et théoriques se forment. De fait, l’époque baroque est un moment charnière dans l’histoire de la musique : c’est à ce moment que le lien se fait entre l’horizontalité de la ligne mélodique et la verticalité des accords harmoniques. La création musicale baroque s’appuie largement sur l’héritage des périodes précédentes. Au Moyen Âge, la priorité était donnée à la mélodie et le point de référence était la voix humaine. La superposition de plusieurs lignes mélodiques (la polyphonie) apparaît au 12e siècle. La Renaissance assied ensuite les principes polyphoniques, qui trouvent leur apogée dans la théorie du contrepoint. Il s’agit alors de faire fonctionner les lignes mélodiques en parallèle. Le point de référence est l’ensemble vocal. L’époque baroque, avec la forme du madrigal, achève de stabiliser le système tonal, et on recherche les liens entre les lignes mélodiques pour créer la verticalité de l’harmonie. Le point de référence devient l’ensemble instrumental et vocal, divisé entre dessus et basses.

Une verticalité construite par intervalles

La verticalité recherchée s’appuie à l’époque baroque sur une théorisation des relations entre les notes de musique. Jean-Philippe Rameau (1683-1764) est considéré comme le premier compositeur à avoir assemblé un traité complet sur les principes harmoniques en 1722.
Les gammes sont ainsi décortiquées et divisées en intervalles, appelés tons et demi-tons. Ce sont ces intervalles qui forment les accords. Ainsi, un accord parfait de do (do-mi-sol) n’est pas l’ensemble de trois notes mais une seule note basse (le do), associée à un intervalle de tierce (le mi) et un intervalle de quinte (le sol). Les instruments à clavier permettent d’illustrer physiquement ces intervalles.

Cette division de la gamme en intervalles permet d’une part l’accord des instruments de façon harmonisée (les intervalles entre les notes régissant les hauteurs choisies), et d’autre part la composition musicale (les intervalles entre les notes régissant leur fonctionnement ensemble).
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Créer des cadres pour favoriser la liberté

Les accords formés par les différentes notes superposées sont autant de points de repères dans la progression de la phrase musicale. Ils sont les fondations de l’œuvre musicale baroque. En pratique, ils sont représentés par le "continuo", c’est-à-dire l’ensemble d’instruments dont la mission est de proposer ce cadre. Celui-ci est divisé entre instruments monodiques graves (violoncelle, viole de gambe, basson) et instruments harmoniques (clavecin, luth, guitare baroque). Ensemble, ils jouent la "basse continue".
La basse continue est une technique d’accompagnement. Elle s’appuie sur une ligne, la basse, qui fixe le cadre de l’œuvre musicale, jouée par les instruments monodiques. Cette basse permet aux autres instruments du continuo d’improviser dans le cadre fixé. Il s’agit de créer des ornements et mélodies à partir des notes fondamentales. Pour ce faire, la basse est dite "chiffrée" : en dessous ou au-dessus de la portée, des chiffres matérialisent les intervalles harmoniques. Ils permettent aux interprètes de savoir quelles notes sont attendues. Les accords les plus fréquents sont les accords de quinte (5) et de sixte (6). Certains chiffres, comme le 3, ne sont jamais notés car ils sont implicites : on attend des musiciens accompagnateurs qu’ils sachent qu’un 5 signifie 5-3 et qu’un 6 signifie 6-3.

 

La verticalité engendrée par l’avènement du système harmonique tonal appelle à l’époque classique, de Mozart à Beethoven, une structuration encore plus poussée des phrases musicales. La musique classique délaissera les "fioritures" de la basse continue en faveur d’éléments discursifs encore plus rigoureux.

 
Agathe Cordellier,
conservatrice à la bibliothèque Sainte-Geneviève

 
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