Petite histoire des œufs de Pâques
Paul Kauffmann, La quête des œufs de Pâques, 1902
« Voici Pâques, et, avec lui, les œufs de Pâques font leur apparition dans les vitrines des confiseurs, des pâtissiers, sans oublier celles des épiciers, des bazars, des marchands de jouets, des fleuristes et même des orfèvres et des bijoutiers », relate Le Journal des confiseurs en 1907.
Mais quelle est l’origine de cette tradition ? Dans l’Antiquité, notamment chez les Romains, il est déjà d’usage d’offrir des œufs à l’arrivée du printemps. Le christianisme n’abandonne pas la fête des œufs, mais lui donne un sens différent. Au Moyen Âge, il est interdit de consommer des œufs pendant le Carême : ceux-ci sont donc conservés jusqu’à Pâques, qui commémore la résurrection de Jésus Christ et marque la fin du jeûne. Les œufs sont alors portés dans les Eglises, bénis par le prêtre, puis distribués aux voisins, parents et amis.
La procession des œufs
Dans son Histoire de la vie privée des Français, Pierre Jean-Baptiste Legrand d'Aussy dépeint la joyeuse procession des œufs qui se déroule pendant la semaine de Pâques : les étudiants, les clercs des églises, les jeunes gens de la ville s’assemblent sur la place publique au bruit des sonnettes et des tambours. Ils portent des étendards burlesques, des lances ou des bâtons. De la place, ils se rendent dans un grand tapage à l’église où, après avoir chanté les laudes, ils se répandent dans la ville pour quêter les œufs de Pâques, une échinée de lard, du beurre, ou de l’argent.
Les variantes régionales auxquelles donnent lieu les festivités pascales sont nombreuses : à Auxerre, on joue aux billes avec des œufs durs peints. En Bourgogne, les enfants emploient des « formules de malédiction magique » contre ceux qui leur refusent des offrandes. A Nantes, une foire aux œufs se tient le lundi de Pâques, donnant lieu à d'impressionnants festins. Aux petits Alsaciens, on fait chercher le lièvre blanc qui pond des œufs rouges. Dans le Berry, bergers et pâtours se réunissent dans les champs le lundi de Pâques pour faire de copieux repas appelés « manches »…
Des œufs colorés et ornés
Le premier marchand à avoir fabriqué et vendu en grande quantité des œufs rouges se nomme Solirène : au XVIIe siècle, il établit son commerce à la descente du Pont-Neuf, près de la Samaritaine, et gagne rapidement une jolie fortune, bien que pratiquant des prix modestes à la pièce.
Le samedi saint, on élève dans le cabinet de Louis XIV des corbeilles de verdure contenant des pyramides d’œufs coloriés, qu’il fait bénir puis distribue autour de lui, aux courtisans, aux gardes et aux laquais.
D’abord teints en rouge, puis bariolés de diverses couleurs, les œufs peuvent aussi être ornés de dessins ou d’inscriptions avec une plume trempée dans l’huile avant d’être soumis à la cuisson. De frais pondus qu’ils étaient à l’origine, les œufs ne tardent pas à devenir friandises, puis objets d’art.
Des œufs aussi précieux qu’extravagants
Au XVIIIe siècle, à la Cour, les œufs de Pâques atteignent des sommets de raffinement : issus de diverses volailles, parfois même d’autruches pour les plus gros, ils sont délicatement découpés et vidés, rehaussés d’or et peints avec raffinement, notamment par Watteau et Lancret. Les « œufs à surprises » offerts pour Pâques par Louis XV à sa fille, Madame Victoire, renferment dans leurs coques des figures et décors miniatures. Les bourgeois, à leur tour, inventent de nouvelles manières de décorer les coquilles, ornées de pastorales, de bas-reliefs en moelle de sureau, d’arabesques ou de devises.
Victor Fournel, Les Rues du vieux Paris, 1879
Des œufs en chocolat
Quand apparaît l’idée de percer les œufs et de les remplir de chocolat ? Sans doute au XVIIIe siècle, lorsque le chocolat fait fureur à la Cour. Mais c'est au XIXe siècle, avec le développement des techniques de travail de la pâte de cacao et la diversification des moules, que les œufs en chocolat font véritablement leur apparition.
La démesure reste au rendez-vous ! En témoigne le gigantesque œuf en chocolat offert en 1894 par un admirateur à Sarah Bernhardt : de 60 cm de long, il contient un éventail de la taille d'une ombrelle.
Production industrielle
En 1910, Le Mois littéraire et pittoresque convie son lecteur à la visite d’une usine renommée de confiserie et de chocolaterie :
[Ici] se broient les cacaos, se malaxent les pâtes fines et fondantes, les mélanges parfumés qui composeront des bonbons exquis. Passons devant les "caches" d’amidon en poudre où se cristallisent les globules de liqueur, devant les lourdes bassines, sans cesse remuées, où sèche, couche par couche, le sucre des dragées, et regardons bouillir dans son poêlon de cuivre rouge le sirop destiné à la confection des œufs blancs ou roses… »
Les photographies d’agence de presse numérisées dans Gallica documentent aussi la confection des œufs de Pâques.
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