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Petite histoire des œufs de Pâques

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17 avril 2022

De nombreuses traditions culinaires rythment la fête de Pâques. Parmi elles, la dégustation des œufs, qu’ils soient, ou non, en chocolat. Gallica regorge d’anecdotes sur leur histoire. Florilège.

Paul Kauffmann, La quête des œufs de Pâques, 1902

« Voici Pâques, et, avec lui, les œufs de Pâques font leur apparition dans les vitrines des confiseurs, des pâtissiers, sans oublier celles des épiciers, des bazars, des marchands de jouets, des fleuristes et même des orfèvres et des bijoutiers », relate Le Journal des confiseurs en 1907.

Mais quelle est l’origine de cette tradition ? Dans l’Antiquité, notamment chez les Romains, il est déjà d’usage d’offrir des œufs à l’arrivée du printemps. Le christianisme n’abandonne pas la fête des œufs, mais lui donne un sens différent. Au Moyen Âge, il est interdit de consommer des œufs pendant le Carême : ceux-ci sont donc conservés jusqu’à Pâques, qui commémore la résurrection de Jésus Christ et marque la fin du jeûne. Les œufs sont alors portés dans les Eglises, bénis par le prêtre, puis distribués aux voisins, parents et amis.

La procession des œufs  

Dans son Histoire de la vie privée des Français, Pierre Jean-Baptiste Legrand d'Aussy dépeint la joyeuse procession des œufs qui se déroule pendant la semaine de Pâques : les étudiants, les clercs des églises, les jeunes gens de la ville s’assemblent sur la place publique au bruit des sonnettes et des tambours. Ils portent des étendards burlesques, des lances ou des bâtons. De la place, ils se rendent dans un grand tapage à l’église où, après avoir chanté les laudes, ils se répandent dans la ville pour quêter les œufs de Pâques, une échinée de lard, du beurre, ou de l’argent

Les variantes régionales auxquelles donnent lieu les festivités pascales sont nombreuses : à Auxerre, on joue aux billes avec des œufs durs peints. En Bourgogne, les enfants emploient des « formules de malédiction magique » contre ceux qui leur refusent des offrandes. A Nantes, une foire aux œufs se tient le lundi de Pâques, donnant lieu à d'impressionnants festins. Aux petits Alsaciens, on fait chercher le lièvre blanc qui pond des œufs rouges. Dans le Berry, bergers et pâtours se réunissent dans les champs le lundi de Pâques pour faire de copieux repas appelés « manches »…  

Psalterium, 1280-1290

Des œufs colorés et ornés

Le premier marchand à avoir fabriqué et vendu en grande quantité des œufs rouges se nomme Solirène : au XVIIe siècle, il établit son commerce à la descente du Pont-Neuf, près de la Samaritaine, et gagne rapidement une jolie fortune, bien que pratiquant des prix modestes à la pièce.

Le samedi saint, on élève dans le cabinet de Louis XIV des corbeilles de verdure contenant des pyramides d’œufs coloriés, qu’il fait bénir puis distribue autour de lui, aux courtisans, aux gardes et aux laquais.

D’abord teints en rouge, puis bariolés de diverses couleurs, les œufs peuvent aussi être ornés de dessins ou d’inscriptions avec une plume trempée dans l’huile avant d’être soumis à la cuisson. De frais pondus qu’ils étaient à l’origine, les œufs ne tardent pas à devenir friandises, puis objets d’art.

Des œufs aussi précieux qu’extravagants

Au XVIIIe siècle, à la Cour, les œufs de Pâques atteignent des sommets de raffinement : issus de diverses volailles, parfois même d’autruches pour les plus gros, ils sont délicatement découpés et vidés, rehaussés d’or et peints avec raffinement, notamment par Watteau et Lancret. Les « œufs à surprises » offerts pour Pâques par Louis XV à sa fille, Madame Victoire, renferment dans leurs coques des figures et décors miniatures. Les bourgeois, à leur tour, inventent de nouvelles manières de décorer les coquilles, ornées de pastorales, de bas-reliefs en moelle de sureau, d’arabesques ou de devises.

Victor Fournel, Les Rues du vieux Paris, 1879

Des œufs en chocolat

Quand apparaît l’idée de percer les œufs et de les remplir de chocolat ? Sans doute au XVIIIe siècle, lorsque le chocolat fait fureur à la Cour. Mais c'est au XIXe siècle, avec le développement des techniques de travail de la pâte de cacao et la diversification des moules, que les œufs en chocolat font véritablement leur apparition.

La démesure reste au rendez-vous ! En témoigne le gigantesque œuf en chocolat offert en 1894 par un admirateur à Sarah Bernhardt : de 60 cm de long, il contient un éventail de la taille d'une ombrelle. 

Production industrielle

En 1910, Le Mois littéraire et pittoresque convie son lecteur à la visite d’une usine renommée de confiserie et de chocolaterie :

[Ici] se broient les cacaos, se malaxent les pâtes fines et fondantes, les mélanges parfumés qui composeront des bonbons exquis. Passons devant les "caches" d’amidon en poudre où se cristallisent les globules de liqueur, devant les lourdes bassines, sans cesse remuées, où sèche, couche par couche, le sucre des dragées, et regardons bouillir dans son poêlon de cuivre rouge le sirop destiné à la confection des œufs blancs ou roses… » 

Les photographies d’agence de presse numérisées dans Gallica documentent aussi la confection des œufs de Pâques. 

   

Confection des œufs de Pâques et des poissons en chocolat. Photographies de presse, Agence Meurisse, 1936

En 1891, le journal La Joie de la maison évoque enfin des œufs en carton que les confiseurs font dorer, enrubanner ou « mirlificoter » pour leur donner plus de grâce, et qu’ils font très gros, de façon à vendre plus de bonbons.

Des œufs pour tous les goûts

Et vous, comment les mangerez-vous ? Quelques propositions ci-dessous pour nos lecteurs en panne d’inspiration !

Si vous souhaitez vous essayer à la décoration des œufs de Pâques, plongez dans les recettes du grand cuisinier suisse Joseph Favre : y sont détaillées les techniques de gravure des œufs, mais aussi de coloration pour obtenir des œufs rouge corail, rose corail, marron, framboisés, jaune buis, vert tendre, ou encore marbrés de vert et rose.

Joseph Favre, Dictionnaire universel de cuisine pratique, 1905

Si vous êtes tenté par la grande cuisine d’Auguste Escoffier, vous serez séduit par ce menu de Pâques mettant les œufs à l’honneur.

Le Journal des confiseurs et des pâtissiers vous donnera des indications précises si vous souhaitez confectionner vos propres œufs de Pâques : œufs « en conserve », en pastillage, en chocolat, en candi décoré de pâte de fruits et angélique, en surprise n’auront plus de secrets pour vous !

Le Journal des confiseurs, pâtissiers, glaciers, fabricants de chocolats, biscuits, fruits confits, confitures, conserves, 1907

A l’occasion des fêtes pascales, La Pâtisserie française illustrée dispense des conseils aux professionnels (en particulier sur la disposition des vitrines de Pâques) et propose bien des recettes alléchantes : œufs bonbonnières, œufs glacés, œufs en chocolat et pâte d’amande, ainsi que des silhouettes pour entremets :

La Pâtisserie française illustrée, 1937

Si vous aimez les tables de fête simples et fleuries, vous préférerez sans doute les « œufs pâquerets », mangés au déjeuner le jour de Pâques : il s’agit d’œufs durs coupés en rondelles et servis dans du lait bouilli. Les tables ainsi servies semblent alors « couvertes de marguerites des prés ». De là viendrait peut-être le nom de pâquerette donné à la marguerite qui s’épanouit en cette saison, dont la collerette est blanche et les étamines jaunes.

Si au contraire vous avez la folie des grandeurs, et rêvez de manger un œuf aussi gros que celui d’une autruche, cette recette est faite pour vous.

Enfin si vous êtes parvenu jusqu’à ces lignes, c’est que la patience ne vous fait pas défaut : ces coquilles d’œufs brodées – pendant environ 500 jours – par un artisan rouennais des années 1930, sont pour vous.

Pour aller plus loin

- Billet de blog Gallica : Chasse aux œufs dans Gallica
- Billet de blog Gallica : Le développement de l’industrie chocolatière en France

Jeanne Samary, Les Gourmandises de Charlotte, 1902

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