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Madame Bovary mise à nu par ses critiques

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16 octobre 2017

Réception critique, manuscrits, héritage... cette semaine, le blog de Gallica vous emmène sur les traces de Flaubert, cette année au programme de l’agrégation de Lettres, à travers six billets illustrés. Entamons le voyage avec l’accueil critique de Madame Bovary.
 

Madame Bovary, moeurs de province, gravure à l'eau forte, Albert Fourié, 1885.

Gustave Flaubert, écrivain solitaire, enfermé dans sa tour d'ivoire, adepte de l’art pour l’art, fut aussi jaloux de son indépendance créatrice qu’il fut sensible à la réception critique de ses publications. La première d’entre elles, Madame Bovary, devait le porter d’un seul coup au sommet de la gloire littéraire.

Scandale de la modernité

Selon le principe du scandale attaché à la modernité artistique, lequel frappe à la même époque le recueil des Fleurs du Mal, de Charles Baudelaire (réquisitoire et plaidoirie dans la Revue des Grands procès contemporains, 1885), la puissance et la nouveauté du tableau des "mœurs de province" offert par ce hobereau normand, jusqu’alors à peu près inconnu, heurte la société du second Empire. Le procès "d’offense à la morale publique et à la religion" suscité par la publication de Madame Bovary en feuilleton dans la Revue de Paris en 1856 (réquisitoire, plaidoirie et jugement dans l’édition de Charpentier, 1881), contribue au succès fulgurant de sa première édition monographique l’année suivante chez Michel Lévy. Pendant ce temps, toute la critique littéraire prend position.
 

Flaubert, chef de file des générations nouvelles

C’est Sainte-Beuve, qui donne l’argument théorique dans un article élogieux du Moniteur Universel, en mai 1857, où il fait de Flaubert le chef de file d’une nouvelle école littéraire. Ce qu’il ne nomme pas encore le "réalisme" est caractérisé, selon le credo biographique du critique, par son ascendance médico-chirurgicale : "Fils et frère de médecins distingués, M. Gustave Flaubert manie la plume comme d’autres le scalpel" (relaté dans Paul Bourget, Gustave Flaubert, 1922). Chaque point de vue exprimé balancera pour ou contre la chute de l’idéal dans l’observation (ou la dissection) du réel tout cru, fut-il façonné par la plus haute exigence du style.

 

Portrait de Sainte-Beuve par David d'Anger
 
Tout au long de l’année, les critiques se partagent entre reconnaissance d’un style éblouissant qui transcende la banalité de son sujet, regret qu’un tel sujet puisse faire l’objet du récit et, sur fond d’un fort succès de librairie, un traitement léger de la controverse à laquelle chacun doit prendre part. En décembre, au théâtre des Variétés, la revue de 1857 Ohé les p’tits agneaux, qui se fait l’écho de cet émoi pré-médiatique, met en scène la dispute des titres de presse à travers la rencontre de "Madame Bovary" et de "Madame Gilblas".
 

Le débat critique

Quelques jours après l’article de Sainte-Beuve, le 10 mai, Paulin Limayarc déplore dans Le Constitutionnel la perte de l’idéal, l’esprit de dénigrement qui anime le roman de Flaubert. Au mois de juin Armand Pontmartin donne une explication politique de son apparition dans Le Correspondant : ce serait un produit de l’esprit démocratique, à quoi Xavier Aubryet répond en fustigeant le délire interprétatif de son collègue et en défendant l’autonomie de l’œuvre dans L’Artiste du 20 septembre.
 

Portrait de Charles Baudelaire par Nadar, 1854

La plus belle défense de Flaubert, celle qui aura pour lui d’autant plus de prix qu’elle rend justice à son romantisme paradoxal est donnée par Charles Baudelaire dans L’Artiste du 18 octobre, qui insiste sur la recherche effrénée de l’idéal incarnée, envers et contre le réel, par Emma Bovary.
 

Madame Bovary illustré par Boilvin, Paris, 1876
Hélène Raymond
Département Droit, Economie, Politique

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