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Le Tour de France de Gallica, étape 14 : Rodez

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15 juillet 2017

« Trop de français ignorent encore que le Rouergue est une des régions (…) les plus richement gastronomiques et culinaires qu’il y ait sur cette discutable planète ». C’est ainsi que Curnonsky, prince des gastronomes, célèbre la diversité des spécialités aveyronnaise, par le biais d’un article chantant les plaisirs du roquefort et de l’aligot. Néanmoins, forte de son voisinage avec le Quercy et le toulonnais, cette terre cultive également de nombreuses recettes sucrées, issues des campagnes de Millau, jusqu’aux rues pavées de Rodez.

Etape peu empruntée par les parisiens en villégiature de la Belle Epoque pour rejoindre l’océan, le Rouergue constitue néanmoins depuis le 19e siècle une destination gourmande, recommandée par de nombreux guides pour la qualité des viandes de l’Aubrac, la curiosité de la saucisse à l’huile ou encore le caractère charpenté du roquefort Société. Les plaisirs sucrés se font plus discrets et restent dans l’ombre de la production réputée des noix du Quercy ou des pruneaux d’Agen, et de leurs nombreuses déclinaisons en tartes, gâteaux ou confitures.

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Roquefort "Mireille"

Pourtant  dès 1830, le Cuisinier Durand recense plusieurs recettes du gâteau à la broche. Cette création complexe connaît de nombreux avatars dans les Pyrénées ou dans les Alpes, mais sa fabrication varie peu et fait l’objet d’une description minutieuse par de nombreux ouvrages culinaires à destination des professionnels. Si l’appareil de base, proche de la pâte à madeleine, n’offre que peu d’intérêt, le tour de main consistant à laisser lentement couler le mélange sur une broche rotative au coin du feu, intrigue les chefs parisiens.

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Le Journal des confiseurs, pâtissiers, glaciers, fabricants de chocolats... (Décembre 1906)

L’appareillage nécessaire est ainsi minutieusement détaillé, puis commercialisé dans une adaptation au gaz, afin que les boutiques de la capitale puissent reproduire cette spécialité régionale, dont l’aspect décoratif et spectaculaire ne pouvait que séduire la clientèle citadine. Les magazines féminins des années 30 donnent ainsi plusieurs descriptions de cette « pièce de majesté » dont la couleur dorée est rehaussée de « pierreries en dragées » citée par l’Almanach des gourmands de 1904.

La destinée de ce gâteau reste exceptionnelle. La flaune, préparation typique de Sainte-Afrique à base de fromage de brebis granuleux dit « recuite », ne connaît pas un tel engouement. Variation du flan alsacien ou du cheesecake anglais, sa technique reste confidentielle jusqu’au travail des ethnologues des années 1980, bien que Curnonsky soulignait déjà son goût exquis.

La fouace en revanche se répand rapidement sur l’ensemble de la région par le biais de l’Epiphanie. Bien que la préparation de cette brioche aux arômes de fleur d’oranger ne soit pas une spécialité de la fête des rois, elle reste associée à cette célébration dans les ouvrages de cuisine du 19e siècle. Cette galette de fleur de froment non levée cuite sous la cendre trouve ses origines dans la fougasse provençale, avant de devenir par dérivation un produit sucré à la pâte briochée compacte. Les parisiens lui préfèrent les échaudés de Marcillac, que l’on peut déguster toute l’année sur le marché de Rodez. Triangles de pâte à pain cuite à l’eau, ils ressemblent fort aux échaudés parisiens. Seuls gâteaux autorisés à la cuisson par Saint Louis selon la légende, et abondamment reproduits et adaptés dans toutes les régions françaises, ils sont la preuve du jeu d’influence à l’œuvre dans la construction des identités culinaires régionales.

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François Joullain. Le marchand d'échaudés

 

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