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Les 150 ans de la Samaritaine

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15 juin 2021

Grand magasin probablement le plus emblématique de la ville de Paris, la Samaritaine aurait fêté ses 150 ans en 2020 si les circonstances l’avaient permis. Un anniversaire aux allures de renaissance puisque cet établissement avait fermé ses portes en 2005, pour entrer dans une longue période de remise aux normes.

Grands Magasins : la Samaritaine, Agence de presse Meurisse,1935
 

La Samaritaine doit son nom de porteuse d'eau évangélique à l'emplacement du Pont-Neuf où Ernest Cognacq installe, en 1869, sa modeste tente de vente. Emplacement qui correspond à celui de la fameuse pompe mécanique du même nom, offerte aux citadins par Henri IV lors de l'inauguration du monument.

La Samaritaine, Sur le Pont Neuf à Paris, estampe, 1750

Rien ne préjuge de l'extraordinaire développement que va donner Ernest Cognacq à sa petite affaire lorsqu’il déménage dans l'annexe d'un café des quais de Seine l’année suivante. D'abord seul, puis, à partir de 1872, avec l'aide inestimable de son épouse et associée Marie-Louise Jay, celui que l'on surnomme déjà « le Napoléon du déballage » va, jusqu’à sa mort en 1928, organiser l'extension d'un empire immobilier entre le quai du Louvre, la rue du Pont Neuf et la rue de Rivoli. Au final ce ne sont pas moins de quatre magasins totalisant 48 000 mètres carrés, qui vont constituer la Samaritaine, non compris un cinquième magasin spécialisé dans le luxe au 27 boulevard des Capucines. Ce dernier magasin servant aussi d’écrin à la collection d'art du couple, aujourd'hui exposée au musée Cognacq-Jay, créé en 1929 après la mort des époux.


Charles Lansiaux, À la Samaritaine, « nos magasins font surtout des spécialités de chandails, nouveaux vêtements en peau de mouton ».
Un employé démontre l’efficacité d’un genre de passe-montagne, 1914.

 

Une expansion qui fera de l'enseigne le plus grand des Grands Magasins parisiens.

Pour donner une identité forte à leur établissement, le couple Cognacq-Jay va confier, à partir de 1885, la  rénovation et l'aménagement des immeubles acquis à l'architecte Frantz Jourdain. Avec l’aide de son fils Francis, Jourdain offre aux deux premiers magasins une esthétique caractéristique de l’époque, marquée par l'exubérance florale des mosaïques signées Eugène Grasset et des laves émaillées composées par François Gillet. Un style Art Nouveau affirmé  donc, ce qui n’est pas sans déclencher quelques polémiques dans un quartier aussi marqué historiquement que le quai du Louvre.
 

Frantz Jourdain, architecte, Agence de presse Meurisse,1923

À l'occasion des nouveaux agrandissements entrepris à partir de 1922, Jourdain doit déléguer, suite aux protestations officielles de la municipalité, une partie de son travail à son collaborateur Henri Sauvage, au style Art Déco nettement plus sobre et géométrique. Critique oblige, les rotondes et les coupoles Art Nouveau disparaissent, alors qu'une partie du travail décoratif de la Belle Époque (notamment les ferronneries d'Edouard Schenck) s'efface ou se camoufle derrière de pudiques couches de peinture ou de nouveaux revêtements de façade en pierre. Cependant, bien des aménagements internes hérités de l’ère Jourdain seront conservés jusqu’à nos jours et constitueront même quelques-unes des caractéristiques fondamentales des magasins, notamment les verrières à structures métalliques procurant un éclairage optimal à tous les étages, et dont l'exemple le plus emblématique est le fameux jardin d'hiver du premier magasin. Il faudra pourtant attendre les années 1980 pour que la valeur esthétique du travail de Jourdain soit réhabilitée et son œuvre restaurée.

 

                    Paris la nuit, la Samaritaine de luxe, Agence Rol, 1925

Jusqu’à la crise des années 30, l'expansion immobilière de l'enseigne se poursuit avec l'acquisition de deux nouveaux ensembles de bâtiments rue Boucher (magasin 3) et rue Baillet (magasin 4). Ne donnant pas sur les quais de Seine, ces bâtiments ne sont pas soumis à un cahier des charges aussi contraignant et Sauvage saura également apporter une identité très affirmée au magasin de la rue Boucher, avant de céder la main à son tour à ses propres collaborateurs, Louis-Marie Charpentier et Louis Escrivan. Si l'on met à part quelques modernisations (escalators) et, déjà, certaines remises aux normes, le magasin 2, qui constitue la figure de proue de l'ensemble immobilier va connaître peu de modifications esthétiques jusqu’à son rachat en 2001 par le groupe LVMH. Le bâtiment, très visible depuis l'île de la Cité, est devenu un incontournable élément du patrimoine architectural parisien.
 
On notera qu'en termes de communication, la politique de l’établissement est exemplaire et fait mouche : jusqu'au fin fond des provinces on sait qu'

« On trouve tout à la Samaritaine »

slogan percutant qu'aucun concurrent ne saura jamais vraiment égaler et que King Kong lui-même illustrera dans une fameuse publicité. Mais malgré cette notoriété et la force de son image, la Samaritaine ne va pas échapper à la crise d'un modèle économique hérité du XIXe siècle.

En 2005, quatre ans après son rachat par LVMH, la Samaritaine, ferme ses portes. Un important chantier de mise en conformité est engagé, mais les ambitieux projets élaborés entre 2009 et 2015 se heurtent à d'importantes oppositions juridiques. La reprise du chantier aboutit à l'ouverture de la « Samaritaine-Paris-Pont-Neuf », nom du nouvel ensemble conçu par le cabinet japonais Sanaa, lauréat en 2010 du prestigieux prix d'architecture Pritzker. Signe des temps, le nouvel établissement (dont 80% est classé aux Monuments Historiques) ne devrait consacrer qu'un tiers de sa surface à des activités de vente, le reste des 70 000 mètres carrés étant consacré à des bureaux, un palace parisien doté de la plus grande piscine de Paris (le « Cheval Blanc »), une crèche de 80 places et 96 logements sociaux dans l’îlot Rivoli.

Pour aller plus loin :

 

 

 

 

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