L’aviron et sa modernité aux JO de Paris en 1924
Sport de prédilection de Coubertin, l’aviron est au programme des Jeux olympiques dès 1896. En 1924, l'aviron français organise déjà depuis longtemps des courses internationales comme les régates des Expositions universelles de 1867, 1878 et 1889.
Le choix d’Argenteuil : les aménagements d’un bassin olympique
Afin d’offrir des conditions de navigation meilleures que dans Paris, le comité d’organisation olympique (COF) confie à la commission technique d’aviron la tâche de trouver un plan d’eau optimal : il doit être proche de Colombes (où se trouve le stade et le village olympique), rectiligne sur une longueur minimum de 2000m et suffisamment large pour aligner plusieurs embarcations en bord à bord.
Plus connu pour ses régates à la voile, le bassin d’Argenteuil est choisi et testé dès 1923. Des installations temporaires sont réalisées puisque la construction du Port de Paris juste à cet endroit est en projet. Des tribunes couvertes sont placées devant l’arrivée, sur la rive longeant le chemin de fer côté Argenteuil, pour les spectateurs les plus aisés. Pour d’autres, le confort est sommaire et une pierre fait souvent office de chaise.
Selon le Comité Olympique Français, deux innovations techniques marquent cette édition. La première est relative à l’information du public. Un tableau d'affichage est installé. Il est composé de 7 panneaux reliés à des lignes téléphoniques établies le long des berges. Il permet au spectateur, assis devant l’arrivée, de suivre toutes les phases de la course. Le classement des équipes est donné tous les 500m ainsi que leur temps final. La deuxième est liée à l’arbitrage. Un hydroglisseur Farman est utilisé pour remplacer les bateaux suiveurs afin de minimiser les vagues à proximité des rameurs.
Les États-Unis : une première place conservée au podium des nations
Lors des épreuves, qui se déroulent du 13 au 17 juillet 1924, 14 nations sont représentées. Les pronostics journalistiques ne sont pas en faveur de la France, qui peine à décrocher des médailles depuis les Jeux de 1900 à Paris. Pour Le Miroir des Sports, les Américains, vainqueurs du classement des nations de l’édition précédente à Anvers, et les Anglais sont les grands favoris.
À cette époque, les questions lancinantes sont la pauvreté de l'aviron français, souvent dans l’incapacité d’acheter des embarcations coûteuses, et le profil social des rameurs. Face aux étudiants des grandes universités anglo-saxonnes, ce sont souvent des employés et ouvriers qui ne peuvent s'entraîner qu’en fin de semaine ou le soir dès les beaux jours.
Comme ce sont les vainqueurs des championnats de France qui composent la sélection nationale, la préparation questionne aussi : en 1924, l’Équipe de France n'est connue que deux semaines avant l'ouverture des Jeux.
Malgré tout, les rameurs français atteignent la finale dans plusieurs épreuves. Ils obtiennent même une médaille d’argent dans trois courses : en Quatre rameurs avec barreur, en Deux sans barreur et en Deux de couple. Dans cette discipline, les jeunes Français Marc Detton et Jean-Pierre Stock, fils de l'éditeur et créateur du journal L'Aviron, réussissent, en battant les Suisses champions d’Europe, à s'emparer de la 2e place derrière les champions olympiques sortant Kelly et Costello.
Les prédictions du Miroir des Sports se révèlent exactes : les Américains prennent la première place du podium des nations mais les Suisses réussissent à ravir la deuxième place aux Anglais (3e). La France termine 4e.
Parmi les faits notables, les Etats-Unis dominent en Huit rameurs avec barreur : depuis 1900, c’est leur quatrième victoire en quatre participations (l’aviron américain n’a pas participé aux Jeux de 1896, 1908 et 1912). Leur règne ne s’achève qu’à Rome en 1960. En skiff, l’Anglais Jack Beresford, second à Anvers, s’impose. En 1936, il devient l'un des héros des JO de Berlin.
Bien que le bassin d’Argenteuil ne soit qu'éphémère, les aménagements et avancées technologiques au service du sport sont durables. En 1924, l'aviron olympique n’est que masculin. Les rameuses attendent plus d'un demi-siècle (Montréal 1976) pour avoir le droit de participer aux Jeux.
Pour aller plus loin :
- Comité Olympique Français, "Aviron", Les Jeux de la VIIIe Olympiade Paris 1924, Rapport officiel, Librairie de France, s.d., p. 163-179.
- Coubertin Pierre de, "La Cure d'aviron", Praxis : Revue suisse de médecine, Hans-Huber-Verlag, juillet 1928. Bibliothèque du CIO, Lausanne, cote MA 19558.
- Deboudt Audrey, "Aviron", Dictionnaire culturel du sport, dir. Michaël Attali, Armand Colin, 2010.
- Histoire de l'aviron sur le site du Carré des canotiers
- Le héros Jack Beresford : Jack Beresford – the Greatest of Them All sur Hear The Boat Sing.
- Meuret Jean-Louis, FISA 1892-1992 : le livre du centenaire de la FISA, Fédération internationale des sociétés d'aviron, 1992, 271 p.
- Schut P. O., Beaudouin S., "Du canotage à la course à l ́aviron. Sportivisation du nautisme en France (1853-1914)", Stadion, 42(1), 2016, p. 42-71.
- Ventouillac Marc, "Les Grandes heures de l'aviron français", L’Équipe, 2015, 126 p.
L'Olympiade Culturelle est une programmation artistique et culturelle pluridisciplinaire qui se déploie de la fin de l’édition des Jeux précédents jusqu’à la fin des Jeux Paralympiques.
La série "Histoire du sport en 52 épisodes" de Gallica s'inscrit dans la programmation officielle de Paris 2024.
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