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Édouard Corniglion-Molinier fait son cinéma

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Destiné à reprendre l’étude notariale familiale, Édouard Corniglion-Molinier devient le plus jeune pilote de chasse de France, producteur de cinéma, aventurier, homme politique… Un destin hors du commun qu’il se forge dès le plus jeune âge. Il réussit à synthétiser ses différentes passions dans ses activités cinématographiques.

Portrait du producteur Corniglion-Molinier, dans Cinémonde, 12 novembre 1936

Engagé dès l’âge de 16 ans lors de la Première Guerre mondiale, Édouard Corniglion-Molinier devient le plus jeune pilote de chasse de France. Après la guerre, il abandonne vite l’étude notariale de Menton pour se tourner vers le cinéma. En 1927, il achète les studios de la Victorine à Nice. Il s’agit à l’époque de l’un des studios les plus grands et les mieux équipés pour le cinéma parlant.

Les studios de la Victorine à Nice, dans Vu, 1er juin 1932

L’achat s’effectue au nom de la société Franco-Films, dont il devient le président du Conseil d’administration. Cette transaction lui vaut quelques années plus tard des procès intentés, en vain, par Rex Ingram qui avait vendu une partie de ses parts à la société.

Mais l’intense activité des studios ne lui suffit pas. Il se lance alors dans la production cinématographique.

Pierre Richard-Willm et Jany Holt dans Courrier Sud (Recueil. "Courrier Sud" film de Pierre Billon)

En 1936, il allie ses passions, le cinéma et l’aviation, en produisant l’adaptation du roman de Saint-Exupéry, Courrier sud, réalisé par Pierre Billon. Saint-Exupéry en rédige le scénario. Les critiques sont mitigées, tantôt appréciant les combats aériens en Afrique, tantôt au contraire estimant que la romance entre le héros et son ancienne amie sauve le film.

Recueil. "Courrier Sud" film de Pierre Billon

Il produit également Les jumeaux de Brighton, réalisé par Claude Heyman et adapté de la pièce de Tristan Bernard. Les acteurs principaux en sont Raimu, Michel Simon et Suzy Prim. Film « sans prétention », il régale le public, même si les critiques sont mitigées. La performance de Raimu en particulier, qui interprète 3 rôles : le père et les jumeaux du titre, divise.

Critique de Les Jumeaux de Brighton, dans La Critique cinématographique du 5 décembre 1936

Corniglion-Molinier montre alors un sens extraordinaire de la publicité. Il promet 10 000 francs à la première Parisienne qui mettrait au monde des jumeaux le jour de la sortie du film ! La naissance des petits Pierre et Gilberte, le 31 octobre 1936 à 4h30 du matin, permet à leur famille d’empocher la récompense. Quelques jours plus tard, devant les photographes, le producteur la remet en personne aux parents.

Remise des 10 000 francs à l'heureuse gagnante, dans Cinémonde, 12 novembre 1936

Rappelons que sa toute première production, L’île des enfants perdus, reste inachevée. Le tournage est annoncé en 1937, retardé puis censuré en 1938. Il reprend en 1947 pour finalement être abandonné suite à une accumulation de problèmes (météorologiques, financiers…). Le sujet en était peu banal : la vie dans un centre pénitentiaire pour enfants.

Bizarre, bizarre, vous avez dit bizarre ?

Mais le projet permet au jeune producteur de mettre en relation Marcel Carné et Jacques Prévert. Les Productions Corniglion-Molinier produisent ainsi l’un de leurs chefs-d’œuvre, Drôle de drame, sorti en 1937. Louis Jouvet, Michel Simon, Françoise Rosay, Jean-Louis Barrault et Jean-Pierre Aumont en tiennent les rôles principaux.

Décor de Drôle de Drame, dans La Lumière, 29 octobre 1937

Les critiques sont excellentes dans les journaux de l’époque, et depuis ce film est devenu un classique incontournable du cinéma français.

Recueil. "Drôle de drame" film de Marcel Carné

Il produit la même année Mollenard, réalisé par Robert Siodmak, adapté du roman éponyme d’Oscar-Paul Gilbert. Les critiques sont moins unanimes.

Recueil. "Mollenard" film de Robert Siodmak, d'après Oscar-Paul Gilbert

Mais le film a marqué les spectateurs, en particulier la performance de Harry Baur qui est saluée par les critiques.

Critique de Mollenard dans Le Quotidien juridique, 2 février 1938

Corniglion-Molinier finance en 1938 le tournage du film de son ami, André Malraux. Espoir, Sierra de Teruel, est adapté du livre de Malraux L’espoir. Il évoque la guerre civile espagnole dans laquelle les deux hommes se sont engagés aux côtés des Républicains. Censuré en France, recherché par les Allemands qui veulent le détruire pendant l’Occupation, le film est finalement sauvé et sort en 1945.

Fiche sur Espoir (Sierra de Teruel), dans Bulletin mensuel du Ciné-Club, 1er juin 1949

En 1946, Édouard Corniglion-Molinier devient vice-président de la société de production Régina.

Ministre d’État en 1954, il continue de marquer son amour du cinéma en inaugurant, le 26 mars 1954, la 7e édition du Festival international du film de Cannes, présidé par Jean Cocteau.

Le prochain billet explorera les aventures de cet homme au destin exceptionnel.

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