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Chez le bibliophile occultiste Stanislas de Guaita

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14 septembre 2021

Stanislas de Guaita (1861 - 1897), poète et occultiste français, a rassemblé durant sa courte vie une extraordinaire collection de livres dédiée aux sciences occultes. Les catalogues de ses bibliothèques nous permettent de plonger dans les collections de ce poète initié, érudit rosicrucien et bibliophile ésotérique.

Stanislas de Guaita, L'Œuvre, 12 septembre 1937, Paris

Publié en 1898 et 1899, par la librairie Dorbon, sise 6 rue de Seine, le Catalogue de vente des bibliothèques relatives aux sciences occultes [magie, sorcellerie, démonologie, astrologie, alchimie, hermétisme, kabbale, magnétisme, spiritisme, sociétés secrètes, franc-maçonnerie, sciences divinatoires, grimoires, philosophie, sciences des religions, mysticisme, théosophie, etc.] de feu Stanislas de Guaita, présente 2227 volumes imprimés et manuscrits, répartis en quatre fascicules.

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Catalogue de livres et manuscrits relatifs aux sciences occultes, Stanislas de Guaita, 1899

Ce catalogue de librairie est aujourd’hui un document précieux du fait de sa rareté. Les quatre volumes du catalogue des bibliothèques de Stanislas de Guaita ont été réédités et réimprimés en 1980. Récemment, deux des quatre fascicules originaux ont été numérisés par la bibliothèque Sainte-Geneviève.

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Paris, rue de Seine, cartes postales, Ville de Paris/BHVP

Précieux, ce Catalogue l’est aussi car il est un document de première main pour comprendre Stanislas de Guaita, qui a autant marqué l’histoire de la littérature que celle de l’ésotérisme et des idées.

Né en Lorraine, en 1861, dans une famille d’ascendance noble, le marquis Stanislas de Guaita se distingue très tôt par son esprit poétique, son appétence pour les sciences occultes et son charisme. Ami indéfectible de Maurice Barrès, son camarade de lycée, il laisse trois ouvrages de poésies : Les Oiseaux de passage, rimes fantastiques, rimes d’ébène (publiés en 1881) ; La Muse noire (1883) et Rosa mystica (1885). Le jeune poète, proche des Parnassiens et des Symbolistes, se tourne peu à peu vers l’occultisme.

Le Suprême Conseil de la Rose-Croix, Ordre kabbalistique de la Rose-Croix, Paris, 1891

Initié à l’ésotérisme par Éliphas Levy (pseudonyme d’Alphonse Constant) et aux mystères par Fabre d’Olivet, il se place dans cette tradition spirituelle chrétienne pour fonder l’Ordre kabbalistique de la Rose+Croix, auquel adhérent par exemple Papus (pseudonymme de Gérard Encausse) ou Erik Satie. De violents différents l’opposeront à Joséphin Peladan, fondateur de l’ordre rival de la Rose+Croix catholique et qui animera les Salons de la Rose+Croix, ou à Joris-Karl Hysmans, avec lequel il se battra même en duel.

Ex-libris de Stanislas de Guaita, Bulletin de la société archéologique, Le Vieux Papier, 1906

Dans la préface du Catalogue, rédigée en 1899 par l’ésotériste René Philippon, Stanislas de Guaita est dépeint comme un érudit et bibliophile hors norme :

Il avait réuni une extraordinaire collection de livres sur les sciences occultes. Les ouvrages les plus rares sur l’alchimie, la magie, l’illuminisme, il les possédait tous en édition princeps, grands de marge, intacts, toujours revêtus d’une reliure adéquate au contenu du volume, non par manie bibliomane, mais parce qu’artiste et savant avant tout, il estimait que la forme devait être digne de la pensée."

Le Catalogue donne de façon intéressante des renseignements sur la rareté des ouvrages et reproduit les notes manuscrites dont Stanislas de Guaita avait coutume d’enrichir ses livres, en plus des nombreux ex libris, parfois hermétiques, qu’il apposait sur leurs gardes, en véritable collectionneur.

Ex-libris de Stanislas de Guaita, Bulletin de la Société archéologique, Le Vieux papier, Paris, 1906

Parmi les ouvrages rarissimes de la collection, se trouve sous le numéro 83 Le Discour des sorciers d’Henri Boguet imprimé en 1610 ou, sous le numéro 87, Le Miroir des alchimistes de Bombaste édité en 160, dont on trouve les reproductions dans Gallica. Dans les joyaux de la collection sont décrits une inestimable Kabbala denudata de 1617, sous le numéro 1645 ; le Mutus Liber, introuvable traité d’alchimie imprimé la fin du  XVIIe numéroté 1881 ou, sous le numéro 1591, Le Livre de la Très Sainte Trinité, manuscrit à miniatures d’une grande rareté.

Le Miroir des alchimistes, Le Chevalier Impérial, 1609

Amateur d’ouvrages anciens et précieux, d’incunables et de manuscrits ayant trait à la sorcellerie, à l’alchimie ou à la tradition rosicrucienne, Stanislas de Guaita collectionnait aussi les occultistes contemporains : on trouve ainsi sous le numéro 279, un exemplaire de l’édition originale du Dogme et rituel de la Haute Magie d’Éliphas Levy orné de figures réalisées par l’auteur lui-même, aussi bien qu’un volume numéroté 793 du traité Peut-on envoûter ? de Gérard Encausse, dit Papus, accompagné d’une dédicace de l’auteur "À Nebo".

Essais de sciences maudites, livre I, Stanislas de Guaita, Paris

Dans cette bibliothèque où l’exhaustivité le dispute à la rareté, on retrouve, décrits à côté des grimoires rarissimes et des imprimés anciens, des volumes plus courants, qu’il s’agisse de ceux de Lavater ou de Mesmer, de Maria Caithness avec la Quadruple Constitution, mode de l’amour divin et de la sagesse divine numéroté 129 ou de François Jollivet-Castelot avec L’Hylozoïsme, l’alchimie, les chimistes unitaires,… sous le numéro 1489.

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Catalogue de livres et manuscrits relatifs aux sciences occultes, Stanislas de Guaita, 1899

L’immense curiosité du bibliomane et sa passion pour tout ce qui touche à l’occulte transparaît dans cette bibliothèque qui est aussi un instrument de travail. Stanislas de Guaita écrit en effet un monumental Essai des sciences maudites, très documenté. Deux mouvements en ont été publié : I. Au seuil du mystère publié en 1886 et II. Le serpent de la Genèse. Ce dernier est constitué de 3 septaines qui sont autant de volumes : Le Temple de Satan publié en 1891, La Clef de la Magie noire en 1897 et Le Problème du mal, resté inachevé à la mort de son auteur.

En effet, retiré dans son appartement rue Trudaine, empli de milliers livres et dans lequel il recevait des initiés triés sur le volet, Stanislas de Guaita meurt prématurément en 1897, à 36 ans, probablement de l’usage de stupéfiants.

Essais de sciences maudites, livre I, Stanislas de Guaita, Paris

Ultime mise en abîme, on trouve sous le numéro 1886 la mention du Catalogue manuscrit des livres formant la bibliothèque de Stanislas de Guaita rédigé par son secrétaire Oswald Wirth, catalogue manuscrit et privé utilisé du vivant de l’amateur, qui a précédé celui imprimé et publié par le libraire Dorbon après son décès, prélude à la dispersion de cette collection extraordinaire.

Elsa Bres,
Bibliothèque Sainte Genevièvre

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Commentaires

Soumis par Jean-Luc le 11/06/2022

Cette photo est de Saint-Yves d'Alveydre, pas de Guaïta...

Soumis par Nadia Marguerit... le 25/10/2023

Bonjour,

Merci pour votre commentaire, nous avons modifié l'illustration.
Bien cordialement,

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