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L'adduction en eau potable : l'exemple de Paris et sa banlieue (1802-1860) 2/3

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14 mai 2020

Au début du XIXe siècle, l'alimentation en eau potable de Paris est assurée par vingt-neuf pompes à eau. Les fontaines publiques sont inégalement réparties, alimentant principalement le centre de la capitale et les Parisiens paient les services de porteurs d’eau pour se faire livrer chez eux. La Seine, cependant, ne suffit plus et de nouvelles solutions vont alors être mises en œuvre dans la première moitié du XIXe siècle.

 

Les pompes construites sous l'Ancien Régime continuent à fonctionner : la pompe de la Samaritaine et celle de Notre-Dame ainsi que les pompes à vapeur de Chaillot et du Gros caillou desservent le centre de Paris ; les aqueducs du Pré-Saint Gervais ou d'Arcueil complètent le dispositif. Mais le puisage dans la Seine ne couvrant qu'un tiers des besoins, on imagine alors de dériver le cours d'eau de l'Ourcq par un canal jusqu'à Paris.

Le canal de l'Ourcq

 

Canal de l'Ourcq. Lavis à l'encre brune et aquarelle de Frederick Nash
 

Différents projets sont présentés à la fin du XVIIIe siècle sans pour autant aboutir. 
Un décret du consul Bonaparte, en mai 1802, lance officiellement la construction confiée au tout nouveau corps des Ponts et chaussées, sous la direction de Pierre-Simon Girard (1765-1836). Dans son Recueil polytechnique des ponts et chaussées, paru entre 1803 et 1807, Benoît-André  Houard-Devert résume ainsi le projet de Girard :

Le canal de l'Ourcq diffère essentiellement de tous les canaux qui ont été exécutés jusqu'à présent, parce qu'il remplira en même temps les fonctions d'un  aqueduc et celles d'un canal de navigation. [...] Envisagé sous le premier point de vue, le canal de l'Ourcq doit amener des eaux salubres dans la capitale.

La rivière Ourcq est canalisée à partir du bief supérieur du Moulin de Mareuil, contourne les coteaux jusqu'au bassin de la Villette au nord de Paris, en un canal de 10 mètres de large, 2,5 m de profondeur sur une longueur totale de près de 21 km.
 

Des réservoirs et de nouvelles fontaines sont construites dont le bassin peut servir également de lavoir.  L'alimentation en eau du nord de Paris jusqu'alors peu desservi est prévu ainsi que la construction « de fontaines dans l'enceinte des hospices, des maisons de détention, bibliothèques, casernes et autres établissements auxquels les eaux de l'Ourcq pourront être délivrées gratuitement ».
 
Ces nouvelles fontaines  sont édifiées selon un style gréco-romain et oriental « égyptien »  caractéristique de l'Empire : la fontaine du château d'eau près du bassin de la Villette, conçue en 1811 par Pierre-Simon Girard lui-même est ornée de quatre couples de lions en fonte, la fontaine du Châtelet est modifiée, agrémentée par des sphinx crachant de l'eau et des palmiers ornant les chapiteaux.
 

 

La construction du canal de l'Ourcq commencée en 1802 se poursuit. L’ouvrage est définitivement terminé en 1825 avec les deux branches du canal Saint-Martin et du canal Saint-Denis, d'une longueur totale de 106 kilomètres.

Les puits artésiens
 
Une nouvelle solution est alors explorée avec le forage de puits artésien, celui de Grenelle, sous la Restauration, de 1833 à 1841 puis  celui de Passy,  au début du second Empire, de 1855 à 1861. Le forage d'un puits artésien consiste à aller chercher une couche aquifère sous pression et ainsi créer les conditions nécessaires au jaillissement de l'eau. Le puits artésien de Grenelle avec 548 mètres de profondeur est le plus profond jamais construit jusqu’alors, comme le montre la coupe géologique comparée aux tailles des principaux monuments de Paris de l'époque :

 

Ch. De Merindol, Puits artésien de l'abattoir Grenelle : Constitution géologique du terrein (1842)

Le forage est l'occasion de mettre au point de nouvelles méthodes et outils de percement, tel le trépan, comme le rappelle E. Marzy dans son ouvrage L'Hydraulique, paru en 1883 dans la Bibliothèque des merveilles.
 

Différents outils ayant servi au forage du puits de Grennelle. E. Marzy, L'Hydraulique (1883)
 

Les Annales des ponts et chaussées reviennent en 1858 sur le déroulé des opérations de forage :

On forait et on alésait une certaine longueur de puits ; on y descendait un premier bout de tube […] on ajustait un second bout de tube au premier, on descendait l'ensemble des deux bouts et ainsi de suite jusqu'à ce qu'on eût tubé toute la partie alésée. 

La colonne monumentale en fonte qui sert de débouché du puits, appelée « colonne de Breteuil », est habillée d'un escalier.  La colonne est  démolie en 1903, remplacée par un monument dédié à Pasteur, ce qui lui vaut une ode de Willy, mari de Colette, dans le Figaro.  D'autres puits artésiens sont également construits au milieu du XIXe siècle : le puits artésien de Passy, de la place Hebert, de la Butte aux Cailles.

La question de l'alimentation en eau n'est cependant pas réglée car la population urbaine s'accroît et de nouvelles questions commencent à se faire plus insistantes sur la qualité des eaux distribuées. L'eau de la pompe de Chaillot est puisée en aval de la ville « chargée de toutes les immondices de la capitale », comme s'en inquiète en 1860 le Journal d'agriculture pratique, de jardinage et d'économie domestique.

Pour en savoir plus :
Les Eaux de Paris dans le parcours consacré à l'histoire de Paris

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