Battling Siki, le premier Africain champion du monde de boxe
Comme tous ses camarades, Amadou M’Barrick Fall plonge régulièrement dans les eaux saumâtres du port de Saint-Louis pour récupérer les quelques pièces négligemment jetées depuis les passerelles des bateaux en instance de départ vers l’Europe. La légende veut qu’une artiste originaire des Pays-Bas ait décidé d’embarquer avec elle le jeune Africain, sans doute séduite par sa fougue et son sourire. Abandonné quelques semaines plus tard à Marseille, il est vite livré à lui-même et à la dureté d’une vie d’errance. Comme tous les enfants de la rue, il doit apprendre à se défendre pour sa survie et bien sûr à utiliser ses poings.
A l’âge de 15 ans, il est repéré par un ancien boxeur qui décide de lancer sa carrière. C’est à ce moment qu’Amadou M’Barrick Fall devient Battling Siki et découvre la boxe professionnelle sur les rings du littoral méditerranéen, de Narbonne à Nice.
En 1914, il s’engage dans les troupes coloniales et traverse le conflit mondial en parcourant les champs de bataille du Nord de la France jusqu’au golfe de Thessalonique, en Grèce. Il en ressort indemne physiquement et reprend sa carrière de boxeur après sa démobilisation.
À partir de 1920, il enchaîne les combats en France et tente sa chance en Belgique puis aux Pays-Bas. Il s’installe quelques temps à Rotterdam où il trouve une épouse et bat tous les champions locaux.
De retour en France en 1921, les victoires se succèdent et il défait notamment les deux challengers désignés du champion de sa catégorie des poids mi-lourds, Georges Carpentier. Ce dernier n’a plus boxé en France depuis 1919, doit inaugurer en septembre 1922 le tout nouveau stade Buffalo construit aux abords de Paris à Montrouge. Siki représente alors l’adversaire le plus crédible aux yeux de tous et il n’a pas d’autre choix que de l’affronter.
Le combat est fixé au 24 septembre 1922 et met en jeu les trois couronnes de Carpentier, ses titres de champion de France, d’Europe et du monde. François Descamps, l’entraineur de Carpentier s’inquiète tout de même du bilan flatteur de Siki qui a remporté 28 de ses 29 derniers combats. Il cherche alors à s’affranchir de tous risques et contacte l’entraineur de Siki, Charles Hellers, pour lui proposer un arrangement (une défaite honorable de Siki entre le 4e et le 7e round).
Nul ne connaît précisément les termes de l’accord passé entre les deux proches des boxeurs mais le combat montre dans les deux premiers rounds, un Siki attentiste et passif, encaissant difficilement les attaques de Carpentier. Puis, dans les rounds suivants, Siki se métamorphose et se rue à l’attaque de Carpentier qui abandonne au 6 e round.
La surprise est totale, l’arbitre donne d’abord la victoire à Carpentier sur une faute technique imaginaire de Siki mais devant la bronca des spectateurs, il se ravise, non sans avoir sollicité l’accord du président de la Fédération française de boxe, Paul Rousseau. Battling Siki est alors déclaré vainqueur, et devient le premier Africain champion du Monde de boxe anglaise.
Depuis cette victoire, la Fédération de boxe est à l’affût du moindre faux pas de l’imprévisible Siki. En novembre 1922, il assiste, en tant que spectateur, à une réunion de boxe à la salle Wagram. Mécontent du jugement de l’arbitre, il monte sur le ring, vitupère contre celui-ci et le jette à terre. La sanction ne tarde pas : il est déchu de ses titres nationaux et européens.
Son titre mondial, il le perd quelques mois plus tard contre l'Irlandais Mike Mc Tigue, le 17 mars 1923. Toutes les conditions sont réunies ce soir-là : le combat se déroule à Dublin, le jour de la Saint-Patrick et au beau milieu d’une guerre civile fratricide. Le combat va bien au bout des vingt reprises, mais la victoire finale revient inéluctablement à l’Irlandais.
Siki revient combattre en France, mais sa personnalité agace de plus en plus et compromet sa carrière européenne. Pris en main par de nouveaux entraineurs, il quitte la France pour les États-Unis avec l’ambition de rencontrer Jack Dempsey, l’autre tombeur de Carpentier. À court de préparation, il affronte l’africain-américain Kid Norfolk qui le bat pour son premier combat officiel à New York le 20 novembre 1923. Cette défaite signe la fin de ses prétentions américaines. Siki fait ensuite pour une tournée à travers les États-Unis entre 1923 et 1925 où il dispute près de 27 combats (16 défaites, 1 nul et 10 victoires).
Il découvre au gré de ses déplacements un pays raciste et une boxe dévoyée par l’argent. Il reste cependant fidèle à son comportement provocateur et fantasque, refusant certains combats truqués et les dollars qui vont avec. Une insoumission à un système mafieux qui lui coute sans doute la vie car dans la nuit du 14 au 15 décembre 1925, il est retrouvé mort, abattu près de son domicile à New York, de deux balles dans le dos.
Pour aller plus loin
- Les documents de l'INSEP sur Gallica
- La boxe en images sur Gallica
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La série "Histoire du sport en 52 épisodes" de Gallica s'inscrit dans la programmation officielle de Paris 2024.
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