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Elizabeth Blackwell ou la botanique comme instrument de libération

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13 avril 2021

Elizabeth Blackwell (1707-1758), jeune épouse anglaise, se retrouve sans ressources à Londres alors que son mari est emprisonné pour dettes. Pour le faire libérer, elle se lance dans la réalisation d’un herbier imprimé qui fera sa notoriété.

Aloïs Delacoux, Biographie des sages-femmes célèbres, anciennes, modernes et contemporaines, 1834

Un couple de cousins
Elizabeth Blackwell voit le jour en 1707 dans une famille de marchands d’Aberdeen et elle reçoit une bonne éducation. Elle épouse en secret son cousin Alexander Blackwell (1709-1747) et ils partent s’installer à Londres. Son mari ouvre une imprimerie sur le Strand, mais ses dettes le conduisent droit à la prison de Highgate où il doit purger une peine de deux ans d’emprisonnement. Elizabeth Blackwell, qui a reçu des leçons de dessin et de peinture, ne se laisse pas abattre : elle décide de tout faire pour réunir la somme qui permettra de libérer son mari.

Elle se tourne vers la botanique. Pour cela, elle réalise quelques dessins de plantes médicinales et va les montrer à Hans Sloane et à Richard Mead qui l’encouragent à continuer et à publier. Hans Sloane est un riche médecin et collectionneur qui a permis à la Société des Apothicaires de conserver le jardin botanique de Chelsea, jardin dans lequel Elizabeth Blackwell va réaliser ses croquis d’après nature. Pour s’en rapprocher, elle loue un appartement à Swan Walk, près du jardin.

A curious herbal: un herbier imprimé réalisé d’après nature à Chelsea
Elle va ainsi réaliser des centaines de dessins, les graver et colorier les planches à la main, pour un total de 500 planches. Elle les fait paraître au rythme de quatre par semaine pendant deux ans. La nomenclature et les termes étrangers lui sont fournis par son mari depuis sa prison. Pour les indications sur l’usage médical des plantes, elle et son mari s’inspirent du Botanicum officinale de Joseph Miller. Ses planches ne sont pas toutes tirées des spécimens du jardin de Chelsea car elle les complète en puisant dans les ouvrages de L’Ecluse (Rariorum aliquot stirpium per Hispanias observatarum historia, libris duobus expressa), Gerarde, Parkinson, Sloane, Van Rheede (Hortus Indicus Malabaricus). Les 250 premières planches paraissent en un volume en 1737, le second volume paraissant en 1739, sous le nom A curious herbal. L’ensemble en deux volumes est réédité en 1739, 1751 et 1782.

Elizabeth Blackwell, Herbarium Blackwellianum, Nuremberg, 1760. BIUS
Charles de L’Écluse, Rariorum aliquot stirpium per Hispanias observatarum historia, libris duobus expressa, Anvers, 1576
 

Grâce à cet impressionnant travail, Elizabeth Blackwell obtient la somme nécessaire pour libérer son mari de prison. Le succès de la publication tient à l’illustration, se rattachant à la tradition des herbiers imprimés de la Renaissance et du 17ème siècle. Christoph Trew en fait paraître une édition en allemand en 1747-1773 sous le titre Herbarium Blackwellianum et lui ajoute 115 planches dans un volume posthume. Ce médecin allemand de Nuremberg édite par ailleurs les planches botaniques de Georg Dionysius Ehret.

 

Fins tragiques
Après sa libération, Alexander Blackwell travaille ensuite pour le duc de Chandos, puis part pour Stockholm en 1742, laissant femme et enfant à Londres. Il s’y occupe de médecine puis d’agriculture mais il est accusé de complot visant à mettre le duc de Cumberland sur le trône suédois. Il s’est attiré l’inimitié du comte Tessin et est exécuté le 9 août 1747 alors que sa femme est en chemin pour le rejoindre. Les enfants du couple meurent tous jeunes, et Elizabeth Blackwell s’éteint à Chelsea où elle est enterrée le 27 octobre 1758.

L’originalité d’Elizabeth Blackwell est d’avoir édité elle-même son œuvre et d’en avoir tiré des revenus qui lui ont permis de vivre et de tirer son mari de sa geôle. Elle fait partie d’un ensemble d’illustratrices au 18ème siècle qui restent à redécouvrir, à l’instar de Maria Sibylla Merian, Barbara Regina Dietzsch ou Françoise-Madeleine Basseporte.

Pour aller plus loin

Madge (Bruce), Elizabeth Blackwell, the forgotten herbalist ? », dans Health Information and Libraries Journal, 18, 3, 2001, p. 144-152
Elizabeth Blackwell et d’autres illustratrices moins connues sont à retrouver le parcours Gallica La Nature en images.

Billet rédigé dans le cadre du Forum Génération Egalité.
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Commentaires

Soumis par Boyer le 13/04/2021

Merci à Luc Menapace pour ce beau billet de blog ! J’attends avec impatience ! Celui sur les sœurs Haussard ayant gravé des planches techniques au XVIIIe ! Merci au département Sciences pour ces recherches ´.

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