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Les origines de la vie

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13 mars 2023

Dans le cadre du cycle de conférences Les Débats au cœur de la science, consacré cette année à la question des « origines », la BnF vous invite le jeudi 16 mars à 18h30 à une conférence sur le thème des origines de la vie. 

Nébuleuse et trou noir dans la Voie lactée, constellation du Cygne. Source : L'évolution des mondes / Svante Arrhenius, 1910.

Chacune des séances de ce cycle de débat s’ouvre par le commentaire d’un document patrimonial présent dans Gallica. Pour cette conférence, le document retenu est L’évolution des mondes de Svante Arrhenius, d’abord publié en suédois en 1906 et traduit en français en 1910.

Prix Nobel de chimie en 1903, le Suédois Svante Arrhenius est aujourd’hui connu pour avoir émis l’hypothèse que les variations de concentration en gaz carbonique dans l’atmosphère pouvaient influer sur le climat, anticipant ainsi la notion d’effet de serre. Dans L’Evolution des mondes, il propose une synthèse des connaissances sur le développement de l’univers. On y trouve des aspects assez attendus dans un ouvrage de cosmogonie : la constitution du soleil, des planètes, du système solaire…

Mais son ouvrage traite également de la question des origines de la vie. C’est que, pour Arrhenius, développement de l’univers et développement de la vie sont intimement liés. Lorsqu’il rédige son ouvrage, les scientifiques se sont défaits de l’idée d’une Création divine et de la notion de génération spontanée, écartée par Louis Pasteur. Cependant, comme le note Arrhenius, le passage de la matière inerte à la vie a pourtant bien dû se produire (au moins) une fois dans le passé.

Svante Arrhenius (Source : Verlag von Wilhelm Engelmann,Leipzig).

Pour bon nombre de naturalistes, l’hypothèse dominante au début du XXème siècle est celle de l’abiogenèse évolutive : dans les conditions de la Terre primitive, de la matière inerte se serait combinée pour former des « germes de vie » ou du « protoplasma ». L’évolutionnisme qui s’impose à la fin du XIXe siècle dans le sillage de Darwin se conjugue aisément avec cette théorie depuis que le savant anglais a posé qu’un ancêtre simple et unique pouvait suffire pour engendrer l’ensemble des êtres du monde naturel vivant.

Darwin a d’ailleurs lui-même formulé une hypothèse concernant l’origine de la vie dans une lettre adressée à son confrère Joseph Dalton Hooker :

On dit souvent que les conditions nécessaires à l’apparition des premiers organismes vivants sont réunies à présent et qu’elles l’ont toujours été. Mais si (et quel grand si) on peut imaginer que dans quelques mares chaudes contenant toutes sortes de sels ammoniacaux et phosphoriques, en présence de chaleur de lumière et d’électricité, etc. il avait pu se former chimiquement un composé protéique capable de subir des modifications complexes, un tel composé serait de nos jours dévoré ou absorbé, ce qui n’a pu être le cas avant la formation des êtres vivants.

Disciple de Darwin, le biologiste allemand Ernst Haeckel (1834-1919) développe cette théorie dans Les énigmes de l’univers paru en 1899. S’il la présente dans son ouvrage, Arrhenius ne reprend pourtant pas cette hypothèse à son compte. Il repousse le problème à d’autres mondes en défendant l’idée de la « panspermie » : la vie serait venue d’ailleurs, après avoir voyagé sur une météorite sous la forme de germes prêts à se développer dès qu’ils rencontrent des situations favorables.

Comète de Swift . Source : L'évolution des mondes.

Arrhenius n’est pas un illuminé isolé. Plusieurs scientifiques jouissant comme lui d’une stature internationale défendent cette hypothèse. Ainsi, le célèbre physicien Lord Kelvin, qui a notamment laissé son nom à l’échelle de température, dite absolue, mesurée en kelvins.

Le chimiste suédois a bien conscience de l’une des difficultés soulevée par cette théorie : la capacité des micro-organismes à préserver leur faculté germinative lors de potentiels voyages interstellaires. S’il reconnaît qu’elle semble hasardeuse, cette hypothèse ne lui semble pas impossible. Il en veut pour preuve la capacité de certaines bactéries à résister à des conditions extrêmes ou d’entrer en dormance pendant de très longues périodes.

En 1910, l’année même de la traduction de son ouvrage en français, paraît dans les prestigieux Comptes rendus de l’Académie des Sciences un article de Paul Becquerel (1878-1955), biologiste spécialiste des végétaux qui met frontalement à mal l’hypothèse de la panspermie.
Becquerel reconnait tout d’abord que certaines de ses expériences viennent à l’appui de la théorie de la panspermie : 

Les graines et les spores de champignon ont leur vie suspendue sous l’influence combinée de la dessiccation, du vide et des basses températures. Or, ce sont-là des conditions qui sont réalisées dans les espaces célestes. 

Mais « l’un des facteurs les plus importants de la conservation de la vie a été négligé : c’est l’influence des radiations ultraviolettes émises par les astres incandescents » qui, comme Becquerel a pu le vérifier par plusieurs expériences de laboratoire, serait fatale à des micro-organismes privés de la protection offerte sur Terre par la couche d’ozone. L’article de Becquerel porte un rude coup à la panspermie qui sera durablement marginalisée sur la scène scientifique.
Au-delà de la question de sa viabilité, cette hypothèse contournait finalement la question de l’origine de la vie en la repoussant à un ailleurs indéfini. Arrhenius en a bien conscience. Mais pour lui

[..] nous pouvons bien nous habituer à la pensée que la vie a toujours existé, et que c’est un travail inutile que de chercher à en connaître l’origine. 

Inutile, vraiment ? Plus encore que sa théorie de la panspermie, cette conclusion d’Arrhenius a de quoi étonner. Les scientifiques, en tout cas, ne se sont jamais résolus à abandonner la fascinante question de nos origines.
 

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