Le Blog
Gallica
La Bibliothèque numérique
de la BnF et de ses partenaires

L'assassinat du duc de Berry

0

Au cœur du deuxième arrondissement, entre la rue Richelieu et la rue Vivienne, un ancien palais princier abrite depuis trois siècles les collections de la Bibliothèque nationale de France. Découvrez l’histoire de ce site à travers des documents méconnus disponibles sur Gallica.

Assassinat du Duc de Berri, estampe XIXe s.

Situé en plein cœur de la capitale, la Bibliothèque nationale de France a été le témoin de grands événements de l’histoire. L’un d’eux s’est même déroulé « sous ses fenêtres », il y a très exactement 200 ans.
Le 13 février 1820, Charles-Ferdinand d’Artois, duc de Berry, sort de l’Opéra de la rue de Richelieu, situé en vis-à-vis de la Bibliothèque royale. Son oncle n’est autre que le roi de France Louis XVIII, restaurateur de la dynastie des Bourbons après la chute du Premier Empire. Le roi n’ayant pas de descendant mâle, la succession de la couronne doit aller à son frère, le comte d’Artois, puis à son neveu, le duc de Berry. Marié à la princesse Caroline des Deux-Siciles, le couple n’a pas encore de garçon. Le duc de Berry est donc « le dernier des Bourbons », duquel les monarchistes attendent la naissance d’un fils.
 

 

Pour les opposants à la couronne, son assassinat mettrait un terme à la dynastie. C’est le calcul que fit Louis Pierre Louvel, ouvrier de sellerie bonapartiste. Ce 13 février 1820, Charles-Ferdinand est venu assister à la représentation du Carnaval de Venise, donné à l’Opéra de la rue de Richelieu. A onze heures du soir, tandis que le duc raccompagne son épouse jusqu’à sa voiture pendant l’entracte, Louvel surgit de l’ombre.
 

 Il plante dans la poitrine du duc une alêne, poinçon servant à percer le cuir, que Louvel utilisait dans son activité de bourrelier. Mortellement blessé, le duc de Berry agonisera dans le salon de la danse, jusqu’au lendemain matin, à six heures.
 

Dans son agonie, il aura le temps de révéler d’une part à son épouse l’existence de deux filles nées d’une union secrète avec l’anglaise Amy Brown – de l’époque où il vivait émigré en Angleterre. Peu rancunière, son épouse acceptera de se faire la protectrice des deux filles naturelles de son époux qui seront titrées duchesse d’Issoudun et duchesse de Vierzon. D’autre part, il révèlera à la Cour présente à son chevet que son épouse légitime est enceinte. On ignore le sexe de l’enfant, mais les monarchistes ont un nouvel espoir auquel s’accrocher. Le duc demande enfin la grâce de son assassin, regrettant de mourir de la main d’un français.
 

En effet, après avoir poignardé le duc, Louvel avait tenté de s’enfuir mais fut capturé sous l’arcade Colbert, partie du bâtiment de la Bibliothèque qui enjambait la rue du même nom. Malgré la demande de clémence émise par sa victime, Louis Pierre Louvel sera jugé et guillotiné le 7 juin 1820, en place de grève, sans savoir si son geste aura finalement ou non mis un terme à la dynastie des Bourbons. L’histoire apportera la réponse : le 29 septembre 1820 nait Henri d’Artois, « l’enfant du miracle » selon l’expression de Lamartine.
 

Toutefois, la monarchie des Bourbons s’éteindra avec l’abdication de Charles X en 1830, puis définitivement avec celle de Louis-Philippe en 1848. Si le jeune Henri « V » a caressé un temps l’espoir de ceindre la couronne après la chute du Second Empire, son attachement aux symboles absolutistes et l’absence de compromis permettra à la Troisième République de prendre racine, et de mettre définitivement à l’écart les descendants d’Hugues Capet.
Quant à la salle de spectacle qui eut la malchance de recueillir le dernier soupir du duc de Berry, elle sera rasée sur ordre du roi. Une chapelle expiatoire sera élevée à son emplacement, mais la révolution de 1830 ne lui laissa pas le temps d’être achevée : elle fut à son tour détruite pour laisser place au Square Louvois, tel que nous le connaissons.
 



Détail des Dispositions présentées au Gouvernement, depuis l'an 6, pour garantir la Bibliothèque nationale contre les dangers du feu en cas d'une incendie au Théâtre des Arts, Gravure de Berthault d'après Bélanger, 1797-1798.
Vue en coupe de l'Opéra de la rue de Richelieu, dont on craignait un départ d'incendie qui aurait pu atteindre la Bibliothèque royale. Cette dernière verra la destruction de la salle comme un soulagement. 
 
Pour aller plus loin :
Richelieu. Quatre siècles d'histoire architecturale au cœur de Paris, dir. Aurélien Conraux, Anne-Sophie Haquin et Christine Mengin, BnF Éditions/INHA, 2017.

Ajouter un commentaire

Plain text

  • Aucune balise HTML autorisée.
  • Les adresses de pages web et de courriels sont transformées en liens automatiquement.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.