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Le front italien

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11 juillet 2016

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Le front italien présente des caractéristiques orographiques et climatiques très particulières : une courbe d’environ 700 kilomètres, s’étendant de la frontière suisse (col du Stelvio)  jusqu’à Trieste, constituée essentiellement de hauts-plateaux, comme le Carso,  désolé et rocailleux, et de montagnes atteignant les 4 000 mètres avec les pics de l’Ortlès.

 

C’est pourquoi les Austro-hongrois et les Allemands qualifiaient le front italien de Gebirgskrieg (guerre de montagne). Le seul terrain plat se trouve dans la vallée de l’Isonzo, large d’à peine 20 kilomètres, et sépare le royaume d’Italie de l’empire austro-hongrois. C’est là que se déroulent, entre juin 1915 et novembre 1917, les onze gigantesques batailles connues comme les spallate (coups d’épaule) de Cadorna, chef d’état-major de l’armée italienne. Il s’agit d’offensives frontales, visant à percer les positions tenues par le général  serbe Svetozar Borojevic von Bojna. Souvent le gain se limite à quelques kilomètres, tandis que les pertes humaines se comptent par centaines de milliers.

Cependant, en mai-juin 1916, sur les plateaux qui entourent Vicence a lieu la  terrible offensive autrichienne (1 million d’hommes engagés, 240 000 morts au total), connue sous le nom de Strafexpedition (expédition punitive) ou bataille des Sept Communes.  Longuement préparée par le général Franz Conrad von Hötzendorf, l’offensive devait permettre la prise de Venise et la capitulation de l’Italie. Cette expédition punitive (l’Italie avait « trahi » la Triplice pour l’Entente ) se termine toutefois par une défaite autrichienne : les troupes russes commandées par le général Alexeï Broussilov, envahissant la Galicie, détournent une bonne partie des troupes austro-hongroises tandis que les troupes italiennes arrêtent les autres.

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En été, les Italiens se battent dans la neige

 

Mais le front italien connaît  un troisième type de guerre, relativement peu étudié  par les historiens malgré son caractère unique : la guerre blanche (WeissKrieg). Elle est menée par les chasseurs alpins et les Kaiserjäger sur les crêtes des Alpes et des Dolomites, à des altitudes comprises entre 3 000 et 4 000 mètres, là où le conflit armé avait été jusqu’alors absent – et inimaginable - tant les conditions géographiques et météorologiques sont hostiles à toute vie humaine. Cette guerre des crêtes, aussi meurtrière que celle des plaines et des hauts-plateaux, a pourtant été souvent représentée avec des accents qui hésitent entre la prouesse et le pittoresque comme le témoignent les nombreuses images tirées des revues illustrées, destinées au grand public, telles que La Domenica del Corriere, Le Miroir ou L’Image de la guerre.

Peut-être peut-on avancer que si, d’une part, ce code iconographique et narratif rassurait les familles à l’arrière du front et peut-être même les Alliés, d’autre part, il a largement contribué à forger l’image d’une guerre en altitude acrobatique et périlleuse, certes, mais, tous comptes faits, plus spectaculaire que sanglante. Comme évoqué dans notre premier billet [lettre de Gallica], il s’agit d’un des nombreux paradoxes qui continuent d’émailler l’historiographie internationale sur l’intervention italienne dans la Grande Guerre.

Emanuela Prosdotti – BnF, Département Histoire, Philosophie, Sciences de l’Homme

Retrouvez ici tous les billets de la série "L'Italie dans la Grande Guerre"

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