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1919-1929 : histoire d'une mésentente cordiale
Alors que l’on pensait les voisins de la Manche dans une Entente ayant tourné à l’alliance au lendemain de la Première guerre mondiale, les divergences et les dissensions ne vont cesser d’éloigner les ennemis historiques pendant l’Entre-deux-guerres. Retour sur une décennie de mésentente, en toute cordialité.
Quai d'Orsay, MM. Briand, Herriot, Chamberlain Agence Rol, 07/03/1925
Tout avait pourtant bien commencé. Après quatre années de guerre côte à côte, transformant l’Entente Cordiale de 1904 en alliance, Français et Anglais sortent du premier conflit mondial en rangs serrés. En fait, pas pour tout le monde, ainsi que le laisse penser le maréchal Haig, après la prise du Mont Kemmel aux Français par les Allemands le 21 avril 1918 : « Dire qu’il faut combattre à côté de tels alliés ».
Le Traité de la discorde
Dès la Conférence de la Paix, pourtant, les premières dissensions émergent. Partisan d’une paix dure, les Français entendent écarter définitivement le péril allemand. A l’inverse, la Grande-Bretagne voit dans un affaiblissement trop marqué de l’Allemagne un danger économique (pour les débouchés britanniques) et politique : il faut à tout prix « résister au bolchévisme » selon le fameux mémorandum de Fontainebleau commis par David Lloyd George :
David Lloyd George, cité in P.RENOUVIN, Le Traité de Versailles, Paris, 1969 pp.120-122
Inédite victoire
Il n’y a pas que sur le terrain diplomatique que Français et Anglais ferraillent au lendemain de la « Grande Guerre », les deux nations se défient également sur l’herbe du stade Pershing, dans le bois de Vincennes, le 5 mai 1921, et pour la première fois, ceux qui ne sont pas encore appelés les Bleus remportent une victoire historique, 2 buts à 1, sur la redoutable équipe d’Angleterre. Le Petit Parisien du lendemain ne boude pas son plaisir : « Pour la première fois nous avons vaincu les Anglais dans leur sport national ».
« Huit fois, pourtant, depuis 1906, nous nous étions mesurés avec eux et huit fois nous avions été battus, écrasés même, comme en 1910 où le triomphe de nos adversaires s’accusait par 20 buts à 0 »
Comme l’Histoire sait se montrer ironique, le même jour, l’ultimatum des alliés adressés à Berlin barre la une du quotidien qui se présente lui-même comme « le plus fort tirage des journaux du monde entier ». Sous l’impulsion d’Aristide Briand, président du conseil, une mise en demeure de respecter les termes du Traité de Versailles est adressée à l’Allemagne par Lloyd George, sous peine « de procéder, le 12 mai, à l’occupation de la vallée de la Ruhr ».
« Mais la question qui se posera certainement aujourd’hui est de savoir si c’était bien des réparations que cherchait à obtenir la France en procédant à l’invasion de la Ruhr, ou si le but réel qu’elle visait depuis le début ne serait pas plutôt de séparer de l’ensemble du Reich la province la plus riche de l’Allemagne »
« Ce que Poincaré entend par sécurité française est traduit à Londres par 'prépondérance française'. Ce que le gouvernement britannique appelle équilibre européen est interprété à Paris comme un impérialisme allemand renaissant ».
L'événement historique de Locarno
Mais l’Entente cordiale a la vie dure, et peut-être parce que Français et Anglais ne s’étaient plus combattus depuis près de 100 ans, Austen Chamberlain et Aristide Briand - devenu entre temps ministre des affaires étrangères - décident de renouer des pourparlers. Dès l’été 1925, Briand, accompagné d’une délégation diplomatique, se rend à Londres pour une discussion qui aura « la plus grande portée diplomatique » croit savoir le Daily Herald du 8 août 1925. De diplomatie, il est en effet question, de réparations aussi et de sécurité surtout, puisque deux mois plus tard les accords de Locarno sont signés, dans un somptueux palais au bord du Lac Majeur. Et la question des frontières est au centre : la Grande-Bretagne garantit, via le pacte Rhénan, les frontières de la France, de la Belgique et de l’Allemagne et s’engage à agir contre la puissance qui les violerait.
« En fait, il ne s’agissait pas de maintenir la paix mais de préparer la guerre ».
Les Etats désunis d'Europe
De fait, l'embellie est de courte durée. L'expansion continentale de la France est à un niveau jamais vu depuis 1815 et la Grande-Bretagne n'entend pas adouber cette influence grandissante en Europe. Plutôt qu'alliée de l'hexagone, elle souhaite se poser en arbitre des relations franco-allemandes. D'autant qu'à la rivalité politique s'ajoute une forte concurrence économique en Europe et dans le reste du monde. Et sur ce plan, Français et Anglais sont davantage adversaires qu'alliés.
Cyrano, hebdomadaire satirique du 25 août 1929
« Quoiqu'il en soit c'en est fait des Etats-Unis d'Europe », termine Clément Vautel dans sa chronique "Les Etats Désunis d'Europe".
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