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Formation des infirmières

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10 mars 2022

Au cours du XIXe siècle, la nécessité de disposer d'un personnel soignant compétent se fait jour. Une formation spécifique va se mettre progressivement en place grâce à l'initiative de quelques figures marquantes.

Mme le docteur Blanche Edwards-Pilliet faisant un cours aux infirmières de la Salpétrière, 1901 (Collections de la BIU santé)

La figure tutélaire du métier

Sujet britannique habité par une vocation inoxydable, Florence Nightingale (1820-1910) s'est fixée comme but d'améliorer les soins prodigués aux malades. Elle se documente en  visitant différents hôpitaux européens. Pendant la guerre de Crimée particulièrement mortifère pour les blessés anglais atteints de choléra, dysenterie, typhus, fièvre typhoïde, la jeune femme dénonce l'incurie des services sanitaires. On assiste alors à une prise de conscience de l’opinion publique du mauvais traitement infligé aux blessés de guerre. Florence Nightingale, accompagnée de 38 sœurs-hospitalières catholiques ou anglicanes constituant ainsi le premier corps d’infirmières militaires se rend à Scutari en Turquie pour nettoyer l’hôpital et réorganiser les services sanitaires. Le taux de mortalité des soldats hospitalisés baisse presqu’aussitôt : preuve que ce sont bien les mauvaises conditions sanitaires qui avaient provoqué ces décès. Les réflexions de la jeune femme sur une meilleure conception sanitaire des hôpitaux militaires se voient saluées par la création du Fonds Nightingale destiné à la formation d’infirmières. En 1860 est créée au King’s College de Londres lÉcole d'infirmières et de sages-femmes de Florence Nightingale où on leur enseigne ces nouvelles techniques de soins infirmiers.

Rôle d'une association caritative

Influencé par les idées de Florence Nightingale, le Suisse Henry Dunant (1828-1910) a l’idée d’organiser un service de soins aux blessés de la bataille de Solférino en 1859 et crée en 1862 la Croix-Rouge dont le principe repose sur des individus neutres, non combattants, qui évacuent les blessés sur les champs de bataille. Pourtant, la grande inspiratrice réprouve ce transfert de la prise en charge des blessés de guerre vers des volontaires bénévoles ; selon elle, les services des Armées doivent continuer à en assurer la responsabilité.

  L'association caritative va également jouer un rôle important en matière de santé publique et de prévention des maladies. Pendant la Première Guerre mondiale, même si la Croix-Rouge française dispense des formations sanitaires à ses 68 000 infirmières bénévoles, on en manque cruellement. En effet, l’Etat-major prend conscience tardivement en 1912 de l’insuffisance de son service de santé aux armées et pallie les sous-effectifs avec des emplois d’infirmières temporaires dans les hôpitaux militaires pendant toute la durée du conflit.

Hôpital Janson de Sailly, une salle des sous-officiers [les blessés avec les médecins et les infirmières] : photographie de presse / Agence Rol, 1914

En 1916, on crée l’Hôpital-école Edith Cavell rattaché au Val de Grâce de Paris : sa mission est de former rapidement des infirmières militaires professionnelles. De 1920 à 1934, la ligue des sociétés de la Croix-Rouge forme son personnel infirmier, lui accordant même des bourses d’études. Plus tard, l’Organisation mondiale de la santé reprend cette mission internationale d’amélioration des techniques de soins infirmiers.  

Extr. de : Vie et bonté / France Croix-Rouge

 Evolution d'un système séculaire

Dans la seconde moitié du XIXe siècle, apparaît le mouvement hygiéniste. Ses exigences nouvelles impliquent de mettre en place un personnel soignant compétent, apte à seconder efficacement les médecins hospitaliers. En place depuis le XIIe siècle, les congrégations religieuses sont si bien implantées dans le système hospitalier que même la Révolution française n'a pas osé y toucher.  Or, fortes d'un monopole séculaire et de convictions bien ancrées, les religieuses sont plus soucieuses du salut des âmes que des corps et se consacrent même parfois davantage aux malades pieux.   L'aliéniste Désiré Magloire Bourneville et ses confrères se plaignent de l'ignorance et de l'esprit routinier des soeurs hospitalières. Lors d'une conférence qu'il tient en 1880, le médecin, anticlérical assumé, dresse un tableau très sombre du comportement des religieuses. Tout ceci donne lieu à des épisodes tumultueux. Depuis l'avénement de la IIIe République en 1870, on voit s'amorcer un grand mouvement de laïcisation d'abord dans les écoles, puis dans les hôpitaux. Mais l'éviction des soeurs n'est pas flagrante car l'administration hospitalière voit son intérêt pécuniaire en continuant à employer cette main d'oeuvre plus mal rétribuée que le personnel laïc. D'autre part, les plus motivées des Augustines et des Filles de la charité acceptent le principe de l'incontournable médicalisation des soins et suivent les formations assurées par la Croix-rouge ou par les écoles spécialisées. Dans les années 1960-70, la chute des vocations religieuses a cependant pour conséquence la disparition progressive des cornettes du secteur public hospitalier.

Une salle d'hôpital avec personnel (Lyon)

Mise en place d'un enseignement professionnel

Dès les années 1870, face à la nécessité d’accroître la compétence du personnel hospitalier, un enseignement spécifique se met en place.  A Paris, l''Administration de l'assistance publique - ancêtre de l’actuel APHP - prend conscience de la nécessité d’accroître la compétence du personnel laïc. Le médecin aliéniste Désiré Magloire Bourneville (1840-1909) est nommé directeur des écoles municipales d’infirmières entre 1878 et 1905. Il applique les principes républicains en y accueillant des élèves issues des couches populaires alors que les écoles d'infirmières imaginées par Florence Nightingale s'adressaient plutôt à des jeunes filles pourvues d'une bonne éducation.  En 1878, la presse salue l'ouverture de la première école d'infirmières laïques à l'Hôpital de la Salpêtrière à Paris. Dès lors, affluent de toute la France des candidates illettrées auxquelles il faut apprendre à lire et écrire afin qu'elles puissent accéder à l'enseignement théorique.

Le médecin Anna Hamilton (1834-1935) contribue à la reconnaissance du métier en soutenant une thèse de doctorat intitulée Considérations sur les infirmières des hôpitaux et en instituant à Bordeaux un enseignement privé calqué sur le système Nightingale. En 1902, une circulaire d’Émile Combes, président du Conseil, contraint les préfets à ouvrir des écoles d’infirmières laïques dans tous les départements. Enfin, un décret paru le 17 juin 1922 valide le diplôme officiel d’État.

1ère infirmière. Extr. de : L'Assistance publique en 1900

Méthode pédagogique

Les élèves-infirmières disposent de manuels de formation publiés sous l’égide de l’Assistance Publique ou bien de La Croix-Rouge. Le premier d'entre eux,  Des soins à donner aux malades, réédité en 1869 et devenu un classique est rédigé par Florence Nightingale. Aux cours théoriques sur l'anatomie, la physiologie et la pharmacie s’ajoute une partie pratique. En effet, dès le XVIIIe siècle, une maîtresse sage-femme Angélique Le Boursier du Coudray (1714-1789) a l’idée de fabriquer la machine, un mannequin bourré de son et destiné à l’usage médical . Cette pratique s'étend par la suite à l'enseignement des bons gestes aux élèves-infirmières, la simulation étant une méthode pédagogique encore employée.  Des salles de sport sont également ouvertes afin qu’elles puissent s’y muscler !

  

Les infirmières laïques, le cours de médecine pratique : leçons de pansement sur un mannequin

Le mouvement hygiéniste mais aussi l'incurie des services sanitaires aux armées ont respectivement contribué à la mise en place de la formation du personnel infirmier. Florence Nigthingale y apparaît comme la figure incontournable car elle est l’initiatrice des écoles d’infirmières et à ce titre, pionnière dans la professionnalisation de cette activité.
 

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