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Nouvel érotisme au Japon dans les années 1970

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De l’érotisme japonais, on connaît surtout les estampes, les photographies et le cinéma. Mais dans les années 1960 et 1970, un nouveau média va devenir le support très apprécié des fantasmes de l'empire du soleil levant : l'enregistrement sonore.
 
Nude records playing cards : atsui tameiki (enregistrements sonores, Japon, années 1970)

 

De l’érotisme japonais, on connaît surtout les différentes formes de représentation visuelle : les shunga (gravures japonaises érotiques, de style ukiyo-e), la photographie (ARAKI Nobuyoshi et le magazine Photo Age), le cinéma d’auteur (Ai no korida, d'ÔSHIMA Nagisa, connu en France sous le titre L’empire des sens, d' IMAMURA Shôhei, Jinruigaku nyûmon : Erogotoshitachi yori (Les Pornographes))1, et le pinku eiga (le cinéma rose ou « roman (pour romantique) porno ».
Mais il ne faut pas oublier qu’au tournant des années 1960-1970, l’enregistrement sonore, et plus particulièrement le disque, va également être le support de cet érotisme. Il faudrait d’ailleurs interroger la spécificité de l’enregistrement sonore comme média de l’érotisme et la dialectique qui s’installe entre son et image.
On gardera toutefois à l’esprit que son et image participent ici d’une vision extrêmement machiste et stéréotypée de la sexualité, où la femme est la plupart du temps un simple objet de fantasme masculin.
Cette prévention admise, de cette période d’éclosion de l’érotisme sonore, on retiendra la collection de documentaires publiée sous forme de disques microsillons intitulée Dokyumento / Nihon no hôrôgei (Document / Arts itinérants du Japon)2, publiée chez Japan Victor Corporation par OZAWA Shôichi à partir de 1971. Le quatrième volume, paru en 1977, est entièrement dédié au strip-tease : Ozawa métamorphose la performance visuelle en documentaire audio3.
 
On retiendra également les actrices chanteuses menant une double carrière à l’écran et au disque. Beaucoup de « starlettes » évidemment s’illustrent dans le pinku eiga, ou le yakuza eiga. Mais quelques très grandes stars aussi comme TANI Naomi4, restée célèbre pour ses interprétations dans des films « roman porno » de la firme Nikkatsu, ou encore, pour ne citer qu’elles : IKE Reiko5, KAJI Meiko6, ou  ATSUMI Mari7, à la sensualité exacerbée.
On n’oubliera pas non plus l’anthologie Miwaku no mūdo hihō-kan8, avec TANI Naomi, UCHIDA Takako, ASAOKA Yukiji…, sommet de l’érotisme.
On découvrira aussi des parcours encore plus étonnants comme celui de la française Sandra Julien (ou Jullien, pseudonyme de Sandra Calaputti), qui, avant de tourner dans des films érotiques culte de série Z des années 19709, s'est fait connaître au Japon  en 1971 dans les films de SUZUKI Norifumi (Gendai porno-den : enten-sei inpu, ou The insatiables, et Tokugawa sekkusu kinshi-rei, devenu en Occident Caresses sous un kimono)10. En 1971, elle publie, toujours au Japon, son disque Sexy poem devenu une rareté absolue dans cette édition originelle11.
 

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Cartes à jouer (Nude records playing cards : atsui tameiki)

 
Acquis en 2019 à Tokyo, l’ensemble de documents que nous présentons aujourd’hui est encore plus rare et encore plus étrange. Il s’agit de deux jeux de cartes de format 10 cm sur lesquelles est gravée un enregistrement sonore. Le premier ensemble est composé de cinq cartes, le second de six cartes, accompagnées d’un jeu.
De ces éditions, on ne sait absolument rien : ni les « interprètes », ni l’éditeur, ni l’année d’édition. On suppose que ces cartes étaient vendues plus ou moins sous le manteau dans les sex shops et autres bars à hôtesses des quartiers de plaisirs de Tokyo, comme ceux de Kabukichô ou Roppongi, au début des années 1970. Le jeu accompagnant le second ensemble devait certainement permettre au client de briller devant sa « conquête » d’un soir.
 
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Cartes à jouer (Nude records playing cards : atsui tameiki)

 
Seiko SUZUKI, Université d'Osaka.
Pascal Cordereix, Conservateur général des bibliothèques,
chef du service des documents sonores, département de l'Audiovisuel.

 

Notes
1. Ai no korida (L’empire des sens), Argos films, 1976 ; Jinruigaku nyûmon : Erogotoshitachi yori (Les Pornographes), Nikkatsu, 1966.
2. Collection BnF.
3. Voir Seiko SUZUKI « Le striptease et les intellectuels des années 1960 – 1970 : Ozawa Shôichi et Document / Arts itinérants du Japon », Japon Pluriel, vol.12, SFEJ, décembre 2018, p.567-574. (https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02931490).
4. Voir notamment le disque Modae no Heya (collection BnF).
5. Voir notamment le disque Kôkotsu no Sekai (collection BnF).
6. Voir notamment le disque Kaji Meiko no futebushi (collection BnF).
7. Voir notamment le disque Yoru no Tameiki (collection BnF).
8. Collection BnF.
9. Je suis frigide… pourquoi ?, Le Frisson des vampires,...
10. SUZUKI Norifumi, Gendai porno-den : enten-sei inpu (littéralement : "Reportage pornographique contemporain : Insatiable congénitale", devenu en Occident : The insatiables), 1971, et Tokugawa sekkusu kinshi-rei (littéralement : "Prohibition du sexe à la période Tokugawa : un seigneur érotomaniaque", devenu en Occident Caresses sous un kimono), 1972.
11. Victor Japan, acquis par la BnF en 2020.
 

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