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France-Vietnam : le nouveau site de la collection Patrimoines partagés

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Le nouveau site de la collection Patrimoines partagés, France-Vietnam : Bibliothèque des flamboyants vous invite à découvrir des documents exceptionnels, témoins des interactions entre la France et le Vietnam de 1651 à 1954. Grâce au partenariat bilatéral entre la BnF et la Bibliothèque nationale du Vietnam, et à la collaboration du Centre de coopération internationale en recherche agronomique (CIRAD), des milliers d’éditions vietnamiennes et françaises sont mises en ligne au service de tous les publics, amateurs et chercheurs du monde entier.

Xuân 1942 Duy-Tân, Thư Xã xuất bản

La France et le Vietnam ont une histoire commune depuis le XVIIe siècle. Le premier Français à avoir parcouru l’actuel Vietnam est un père jésuite, Alexandre de Rhodes (1591-1660). En décembre 1624, il embarqua de Macao pour le port de Hội An, au sud de Đà Nẵng. Il est retourné en Europe avec son manuscrit du premier dictionnaire de la langue vietnamienne, Dictionarium Annamiticum Lusitanum et Latinum, publié à Rome en 1651. Ce dictionnaire marque la naissance de l’écriture romanisée, le quốc ngữ utilisé depuis comme écriture nationale officielle. Aujourd’hui, la recherche académique au Vietnam se penche davantage sur la nécessité d’élaborer de nouveaux cadres pour les études philosophiques, littéraires et historiques. L’objectif est de mettre l’accent sur les formes d’échanges et d’influences réciproques entre le Vietnam et la France, et même plus largement l’Europe, et de mettre en avant tant la référence au Vietnam dans les sciences humaines françaises que la place de la France dans l’histoire intellectuelle vietnamienne.

 


Quốc văn giáo khoa thư : lớp đồng ấu, 1931

Du fait d’un siècle de colonisation, la France possède la plus importante documentation sur l’Indochine existant hors du Vietnam. Outre les ouvrages français ayant pour sujet l’Indochine, de 1874 à 1921 près d’un millier de livres en quốc ngữ rejoignent les collections de la BnF. D’une part, les 246 ouvrages du fonds Vietnamien au Département des Manuscrits documentent l’histoire des idéogrammes vietnamiens, du chinois au nôm, système d’écriture qui, basé sur des caractères chinois modifiés et transformés, servait aux Vietnamiens à transcrire leur langue. D’autre part, le fonds Indochinois du département Littérature et art va témoigner de l’avènement du quốc ngữ qui se substitue définitivement aux idéogrammes dès le début du XXe siècle.

Manuel de littérature annamite du cycle primaire supérieur indochinois, par Dương Quảng Hàm, 1940

Le développement de l’édition en quốc ngữ et l’instauration par Paul Boudet (1800-1877), directeur des archives et des bibliothèques de l’Indochine, du dépôt légal spécifique en 1921, vont accroître considérablement les entrées d’ouvrages vietnamiens : plus de 12 000 ouvrages arrivent, principalement entre 1922 et 1940 et dans une moindre mesure entre 1940 et 1954. Des monographies sur l’administration économique et politique alternent avec des considérations sur l’histoire de l’Indochine, sur les langues qui y sont parlées, sur la description ethnologique des populations, sur l’expression littéraire, sur le folklore, la religion, la médecine. Les imprimés en français et les périodiques en quốc ngữ édités pendant cette période sont également entrés et sont traités au fur et à mesure dans les départements thématiques de la BnF.

La baie de Tourane à la fin du XVIIIe siècle d'après le dessinateur attaché à l'expédition de Lord Macartney (Extrait de J. Barrow A voyage to Cochinchina)

Le développement de l’imprimerie moderne, qui à la fois diffuse et symbolise des idées nouvelles, accompagne en effet une très profonde transformation des mentalités. L’impression en quốc ngữ connaît un premier essor avant la Première Guerre mondiale : les études et les travaux sur la langue vietnamienne et l’écriture romanisée se multiplient. À partir des années 1920, les ouvrages en langue française continuent à paraître, en quantité relativement élevée, car le pouvoir et les élites françaises les considèrent comme les plus importants et les plus sérieux. Cependant, l’édition en quốc ngữ progresse elle aussi rapidement et l’écriture romanisée continue à se développer jusqu’à la crise économique de 1929 pour se maintenir ensuite à un niveau relativement constant. Dès lors, en Indochine, le nombre d’ouvrages publiés en quốc ngữ devient plus important que le nombre d’ouvrages publiés en français : durant l’année 1923 par exemple, 147 titres en quốc ngữ ont été publiés contre seulement 103 en français. L’écart s’accentue fortement ensuite : en 1929, ce sont 643 titres en quốc ngữ publiés, contre 233 en français (d’après les statistiques officielles du Dépôt légal).
La mémoire commune, dont témoignent toutes ces richesses documentaires des Bibliothèques nationales de France et du Vietnam, ouvre une voie nouvelle aux recherches interdisciplinaires. Constitué de monographies, de périodiques, mais aussi d’iconographies, de cartes et de plans, cet ensemble de documents fait système. Il doit aussi être exploré du point de vue de sa cohérence interne, de son organisation et des itinéraires de tous les acteurs – auteurs, éditeurs et chercheurs : il permet de comprendre des configurations intellectuelles inédites. Il constitue un réservoir de documentation historique, un moment des archives sur la France hors de ses frontières, formidablement illustré par le site France-Vietnam : Bibliothèque des Flamboyants.


Người quay tơ, Nhất Linh, 1927

Celui-ci est organisé autour d’ensembles thématiques dont la responsabilité a été confiée à un conseil scientifique associant conservateurs, chercheurs et représentants des institutions partenaires. Trait d’union entre la mémoire vietnamienne et la mémoire française, ce site servira de point de référence pour une histoire culturelle du Vietnam et surtout de modèle épistémologique pour aborder l’articulation de deux espaces culturels dans une situation coloniale et postcoloniale.

Pour aller plus loin

Giang-Huong NGUYEN, Le « Groupe littéraire autonome » au Vietnam des années 1930
Giang-Huong NGUYEN, « Hà Hương phong Nguyệt – le premier roman vietnamien »
Audrey VIAULT, Chants et musiques du Vietnam
 
Le carnet de recherche France-Vietnam : un portail entre les cultures

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