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Fièvres hémorragiques : maladie de Marburg et virus Ebola

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Si les maladies de Marburg et Ebola sont deux maladies différentes, elles présentent cependant plusieurs points communs. Les agents pathogènes, Marburgvirus et Ebolavirus font partie de la famille des Filoviridae (filovirus) reconnaissables par leur forme en filaments. Toutes deux originaires d’Afrique, leurs symptômes, notamment la fièvre hémorragique, sont identiques. Elles sont apparues dans la seconde moitié du XXe siècle.

Les micro-organismes / Téléscope, 1997

Maladie de Marburg (MARV)

Origine : laboratoires européens

La première apparition de la maladie de Marburg date de 1967. Les premières victimes sont des techniciens de laboratoires à Marburg et Francfort en Allemagne, ainsi qu’à Belgrade en Yougoslavie. Les singes verts importés d’Ouganda à des fins scientifiques sont à l’origine de l’épidémie en Europe. La contamination est faite lors d’opérations sur les animaux favorisant la transmission de l’agent pathogène, alors nommé virus de Marburg, de la famille des Filoviridae selon la nomenclature du Comité internationale de taxonomie des virus (ICTV). L’épidémie fait 7 victimes. C’est la première fois qu’un virus apparaît dans un laboratoire. Mais, excepté les quelques cas touchant des scientifiques allemands et yougoslaves, les épidémies ont lieu essentiellement en Afrique entre 1998 et 2014.

En avant : bulletin hebdomadaire de l'Armée du Salut, 1997

Épidémiologie, vecteurs et réservoirs

De décembre 1998 à mai 1999, le virus de Marburg est responsable d'une épidémie dont les premières victimes, environ 154, sont des mineurs qui travaillent dans la mine d'or de Durba située au nord-est de la République Démocratique du Congo (ex-Zaïre, nom attribué entre 1971 et 1997). Les galeries de cette mine, sombres et humides, servent de refuge à des milliers de rongeurs et de chauves-souris qui sont suspectés d’être le réservoir. D’autres épidémies suivent entre 2005 et 2008 en Angola, toujours dans des mines d’or ou de plomb.
Les grivets ou singes verts font partie de la famille des cercopithèques (singes à grande queue). Leur face est noire cerclée de blanc, le crâne et leur dos vert-olive, leurs membres et leur queue sont gris. Ce sont des petits singes de 45 à 70 cm de long sans la queue et pèse en moyenne 5 kg. Ils vivent dans l’est de l’Afrique à la lisière des forêts tropicales et de la savane humide. Ils sont supposés être le vecteur essentiel de la maladie de Marburg. Malgré de nombreuses études épidémiologiques, rien ne prouve que ces singes en soient le réservoir originel. La source de transmission primaire demeure donc inconnue.

Grivet femelle (singe vert) et son petit âgé de 15 jours, Werner (Jean-Charles), 1838, MNHN

Du singe à l’homme et d’homme à homme

Certains virus, une fois transmis à l'homme par contact avec l'animal réservoir ou le vecteur, sont capables de s'adapter à la transmission interhumaine. Le virus est alors présent dans les sécrétions des malades (larmes, salive.), les excréta (urines, selles) et le sang. La contamination peut donc se faire selon de nombreuses modalités. L'une des plus redoutée est la blessure par une aiguille souillée mais la manipulation des excréta, la contamination par les gouttelettes de Pflugge sont très probablement plus fréquentes. La propagation est principalement nosocomiale ou intrafamiliale. La période d’incubation varie de 3 à 18 jours.

Symptômes et traitements

Les principaux symptômes sont la fièvre associée à une hémorragie. Pour confirmer le diagnostic, il est nécessaire de faire des prélèvements sanguins qui sont analysés dans des laboratoires de haute sécurité. Les mesures à prendre sont l’isolement des malades et la décontamination. Il convient aussi d’identifier les cas contacts afin de suivre l'évolution des symptômes.
Parmi les traitements prophylactiques, il y a la Ribavirine, médicament antiviral, efficace contre de nombreux virus à ADN ou à ARN et les hépatites C. Ce médicament a été découvert et développé la première fois en 1970 par les pharmaciens américains, Joseph T. Witkovski et Ronald K. Robins, puis mis au point en 1972. Toutefois, son efficacité a été remise en cause dans le traitement des fièvres hémorragiques et ses effets secondaires sont importants. L’isolement des patients semble alors le moyen le plus efficace pour endiguer l’endémie lorsqu’elle est déclarée.

Chronologie de l'infection par les virus Ebola et Marburg / Médecine tropicale, 2011

EBOLA dite Maladie à virus Ebola (EBOV)

Classification et propriétés du virus Ebola

Le virus Ebola de l’ordre des Mononegavirales est un virus à ARN monocaténaire et à génome non segmenté. Il comprend 5 espèces : Ebolavirus Zaïre (ZEBOV), Ebolavirus Soudan (SEBOV), Ebolavirus Bundibugyo (Ouganda), Ebola virus de la forêt de Taï (originaire de Côte d'ivoire) et Ebolavirus Reston (originaire d’Asie), ces deux dernières espèces étant considérées comme non pathogènes chez l’homme.

Épidémiologie

La maladie à virus Ebola est apparue en 1976 dans un village au bord de la rivière Ebola, au nord du Zaïre et au Sud du Soudan. La première épidémie due au virus nommé Ebola est localisée dans la ville de Yamkuku près de la rivière Ebola. On dénombre alors 284 morts. Simultanément, une autre épidémie est identifiée à Nzara (Soudan), zone de savane transformée pour la culture du coton. Elle fera 318 morts. On distingue deux souches de virus, celles des virus Zaïre et Soudan. En 1979, une nouvelle épidémie sévit dans une usine d'égrenage de coton au Soudan.

Zaïre, Hôpital de Kilwit en 1976

En 1994, la maladie décime une colonie de chimpanzés qui vit dans la grande forêt humide de Taï en Côte d'Ivoire. Les virologues avancent la possibilité d'une contamination sous un couvert forestier car contrairement à l'homme, les chimpanzés ne quittent pas la forêt. Mais le singe ne peut donc être le réservoir du virus car il est lui-même décimé par l'affection. Il agit comme vecteur. Les épidémiologistes savent que les hommes et les chimpanzés sont extrêmement sensibles aux filovirus.
D’autres épidémies suivent : en 1995, dans la ville de Kikwit au Zaïre où elle prend le nom de fièvre rouge, puis en 2000, en Ouganda, en 2003 en République démocratique du Congo faisant quelques centaines de morts.
Une réémergence de la maladie a lieu fin 2013 dans trois pays d’Afrique de l’Ouest, Guinée, Sierra Leone et Liberia. L’épidémie est maîtrisée fin 2015.
On trouve quelques cas en dehors de l’Afrique, notamment en Asie.

Transmissibilité du virus

Du fait de la sévérité des atteintes cliniques, du risque important de transmission interhumaine et de l’absence actuelle de traitement préventif ou curatif d’efficacité démontrée, le virus Ebola a été classé parmi les agents infectieux de classe 4 (risque le plus élevé) en termes de sécurité microbiologique, ce qui impose des conditions de confinement drastiques pour sa manipulation expérimentale.
Dans le milieu naturel, son épidémiologie est restée longtemps mystérieuse. La majorité des auteurs s’accordent actuellement à penser que le réservoir du virus Ebola est constitué de chauves-souris frugivores des forêts tropicales. Le virus serait transmis par leurs déjections contaminant l’environnement, puis transmis au cours des parties de chasse ou de la consommation de viande de brousse.
Une autre hypothèse serait des homoptères, dont la mouche blanche du cotonnier (Bemisia tabaci) résistante à de nombreux pesticides. Mais, malgré des investigations, l’origine du réservoir n’a pu être déterminée avec certitude.

L’infection à Ebolavirus se définit donc globalement comme une zoonose prolongée et aggravée par une transmission interhumaine.

Dans la grande forêt / Alexandre Iacovleff, 1927

Les épidémies ont toujours lieu en milieu rural. Une des causes pourrait être la perturbation de l'écosystème. Dans les zones forestières, les activités humaines, comme la déforestation et l’urbanisation, pourraient jouer un rôle fondamental en intensifiant le nombre d'espèces réservoirs et vecteurs à virus sur un territoire toujours plus restreint. De même, au Sud du Soudan, la diminution de la savane au profit de la culture du coton et l’utilisation des pesticides perturbent fortement la biodiversité.

Physiopathologie de l’infection humaine

Les premiers signes cliniques sont la fièvre, une grande faiblesse, des douleurs musculaires, des céphalées. Dans la phase aigüe, apparaissent des vomissements, des diarrhées puis des atteintes rénale et hépatique, puis dans certains cas des hémorragies. La période d’incubation est de 2 à 21 jours. Le décès survient en moyenne 10 jours après le début des premiers symptômes. Seuls les tests en laboratoire de prélèvements sanguins, salivaires ou d’urines… peuvent confirmer le diagnostic virologique.  Si le malade survit, il acquiert une immunité contre la maladie.

Options thérapeutiques

Il n’y a aucun traitement spécifique. Seules la fièvre, la douleur et la déshydratation peuvent être traitées. Des traitements médicamenteux ont été expérimentés. Le Zmapp, un mélange de trois anticorps monoclonaux, a été testé lors de la dernière épidémie, en 2014, mais jugé inefficace. La ribavirine, un antiviral déjà commercialisé dans le contexte d’autres infections virales, est sans action in vitro. En revanche, le favipiravir, a donné des résultats prometteurs dans l’inhibition de la réplication de virus Ebola. Un vaccin expérimental anti-Ebola a été testé en RDC en 2015.
La médecine traditionnelle très pratiquée en Afrique se révèle peu efficace pour lutter contre les maladies virales. De plus, les populations locales n’adhèrent pas toujours aux messages de prévention de l’OMS qui remettent en cause des pratiques ancestrales comme la chasse. Elles ne disposent, souvent, d’aucun accès à des structures sanitaires, aux matériels d’hygiène et de prévention particulièrement dans les zones rurales.

Répartition des épidémies à virus Ebola et Marburg / Médecine tropicale, 2011

Les fièvres hémorragiques virales, dont font parties les maladies de Marburg et d’Ebola, bien que létales jusqu’à 90 % des cas, n’ont pas eu l’ampleur redoutée et sont restées cantonnées presque exclusivement à l’Afrique. Si les épidémies semblent maîtrisées depuis 2014 pour Marburg et 2018-2019 pour Ebola, d’autres agents infectieux émergents ou réémergents à risque pandémique peuvent apparaître. Les mesures de prévention doivent se poursuivre dans le respect des populations locales et de leurs traditions.

Pour en savoir plus sur les zoonoses :

Les billets de blog sur les zoonoses
Covid, Zika, Ebola, Grippe A.... : l'émergence des zoonoses

Pour aller plus loin :

Institut Pasteur (Fièvres hémorragiques)
Organisation mondiale de la santé (Ebola)
Organisation mondiale de la santé (Marburg)
Les fièvres hémorragiques à virus Ebola et Marburg : les multiples enjeux d’une approche globale de la santé / Journal des anthropologues (2014)

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