Marie Lefèvre enlumine Gallica
D’un malheur peut naître un chef d’œuvre. En tout cas, c’est le sentiment que nous fait ressentir l'enluminure de la cathédrale Notre-Dame de Paris en feu réalisée par Marie Lefèvre. Un projet qui a nécessité 550 heures de travail, désormais disponible sur Gallica.
Enluminure de Notre-Dame en feu, Marie Lefèvre, 2024
Bonjour, pouvez-vous nous parler un peu de vous ?
Bonjour ! Je m’appelle Marie, j’ai 28 ans et je suis enlumineure. Après un baccalauréat littéraire et une année de classe préparatoire, j’ai décidé de revenir à une passion qui m’anime depuis l’enfance : le dessin.
J’ai donc étudié les arts graphiques durant trois ans au sein de l’école Penninghen, à Paris. J’avais de bons résultats dans toutes les matières pour lesquelles je n’avais besoin que d’une feuille et d’un crayon, mais je n’arrivais pas à travailler sur ordinateur, les logiciels me faisaient horreur et coupaient complètement ma créativité.
Au terme de ces trois années, ce qui était le plus important pour moi était de pouvoir continuer à travailler de mes mains. Je souhaitais devenir calligraphe mais il n’existe plus d’école de calligraphie en France. J’ai alors entendu parler d’une école, la dernière d’Europe, à enseigner l’enluminure médiévale occidentale. J’y ai été reçue, et y ai passé deux années au cours desquelles j’ai appris les techniques. C’est aujourd’hui mon métier, que je partage sur mon compte Instagram (expecto_pigmentum) !
Comment utilisez-vous Gallica pour vos recherches ?
Lorsque j’ai appris lors de ma formation d’enluminure qu’on pouvait consulter des manuscrits numérisés en haute définition, ce fut une véritable révélation, et je consulte depuis des ouvrages médiévaux de manière quasi-quotidienne pour mes recherches. Que ce soit pour réaliser des copies ou des créations d’enluminure, je m’imprègne des manuscrits du Moyen Âge et ai donc besoin de les consulter pour observer la mise en page, la calligraphie, les différents styles, les couleurs, les personnages, et trouver des motifs dont je pourrais m’inspirer.
Il y a des manuscrits dont je connais les noms et parfois les cotes que je peux aisément retrouver, sinon j’en découvre dans des livres ou sur internet, et quand je constate qu’ils sont conservés à la BnF, je les cherche sur Gallica.
Je commence toujours par regarder la notice pour prendre en note les dimensions, l’époque de la réalisation et toutes les informations de base. Je le consulte ensuite sous forme de mosaïque pour avoir une vue d’ensemble, voir quelles pages pourraient m’intéresser et je le feuillette ensuite page par page pour pouvoir zoomer sur certains détails, observer certains pigments, la façon dont ils sont posés, admirer la finesse de la réalisation... Outre l’inspiration évidente que provoque la possibilité de pouvoir regarder l’intérieur d’un manuscrit, on peut également en apprendre beaucoup rien qu’en observant !
La numérisation de tels documents est extrêmement précieuse et c’est une chance de pouvoir accéder à des ouvrages d’une telle valeur si facilement.
Une anecdote au sujet d'un document découvert dans Gallica ?
Au cours de ma formation, j’ai découvert un manuscrit datant de l’époque carolingienne, enluminé entre 781 et 783, appelé l’Évangéliaire de Charlemagne ou Évangéliaire de Godescalc. Avoir l’occasion de feuilleter un manuscrit d’une telle préciosité et d’une telle beauté, ne serait-ce que virtuellement, est déjà une grande chance, mais j’ai aussi eu l’immense opportunité de consulter le manuscrit original l’année dernière sur le site Richelieu et l’émotion était bien présente. Avoir sous les yeux un ouvrage réalisé il y a plus de mille ans, dont on perçoit l’ancienneté mais qui reste si bien conservé, duquel on peut s’approcher et observer sous tous les angles la taille, le volume, la façon dont la mise en page a été tracée, dont l’or et les pigments ont été posés, c’est un moment inestimable. On ne peut que ressentir affection et reconnaissance aux calligraphes et à l’enlumineur qui nous ont laissé cette trace de leur savoir-faire.
Mise en regard de l’Évangéliaire de Charlemagne sur Gallica et en vrai ; ©Marie Lefèvre
Un document Gallica fétiche à recommander ?
Sans doute le Livre d’Heures de Marguerite d’Orléans, un véritable bijou du XVe siècle, tout en fleurs et en finesse. Je ne me lasse pas de tous les petits personnages qui peuplent les bordures, dames, chevaliers, fermiers, fileuses, couples d’amoureux… (et même des petits personnages ramassant les lettres qui décorent la bordure de la page, peut-être mes préférés !)
C’est un manuscrit que je consulte très régulièrement, il m’inspire beaucoup et je découvre à chaque fois de nouveaux détails !
Horae ad usum romanum, XVe siècle
Le mot de la fin ?
Je suis heureuse de voir que le Moyen Âge, l’enluminure et les manuscrits médiévaux plaisent et intéressent encore aujourd’hui. C’est une chance que les grandes bibliothèques comme la BnF permettent au plus grand nombre d’avoir accès à ces documents grâce à des numérisations de haute qualité. Je suis d’ailleurs plus qu’honorée d’avoir été invitée par l’équipe de Gallica pour faire numériser l’enluminure que j’ai réalisée récemment sur l’incendie de Notre-Dame de Paris, c’est une opportunité à laquelle je n’aurais même pas osé rêver un jour ! Qu’une telle proposition me soit faite quelques années seulement après mes débuts dans le monde de l’enluminure, c’est un accomplissement en soi et surtout une grande joie de permettre à tous l’accès à cette enluminure.
Pour aller plus loin
Retrouver Marie Lefèvre sur son compte Instagram, @expecto_pigmentum
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