Le Roman des Sept Sages de Rome, un cycle romanesque du Moyen Âge (1/2)
Le Roman des Sept Sages de Rome est un des « best sellers » de la seconde moitié du Moyen Âge. Avec ses continuations, il forme un riche ensemble littéraire à l’abondante tradition manuscrite, dont de magnifiques exemples sont conservés à la BnF. Un projet de recherche de l'Université de Genève (FNS) et de l'Université Libre de Bruxelles (FNRS), "Canoniser les Sept Sages", a entrepris d'en étudier l'histoire et la production.
Le Roman des Sept Sages de Rome – Une pérégrination d’Orient en Occident
Cet immense édifice textuel, le Cycle des Sept Sages, est composé du roman source et de six continuations qui prennent la forme de chroniques fictives racontant les aventures d’une lignée d’empereurs de Rome et de Constantinople et de leur entourage. Le Roman des Sept Sages tire son origine d’un recueil oriental, le Livre de Sindibad. Cette collection de fables enchâssées voisine des Mille et une nuits a connu une large diffusion à partir du Xe siècle. Elle s’inscrit dans un réseau serré d’œuvres d’origine perse, voire indienne, comme les fables de Kalila wa Dimna.
Le dévot et la mangouste, conte commun au Livre de Sindibad et au recueil de Kalila wa Dimna
Ibn al-Muqaffa’, Kalila wa Dimna
Égypte ou Syrie, milieu du XIVe siècle.
BnF, Manuscrits, Arabe 3467, f. 88
Adapté en arabe, en syriaque, en grec, en hébreu, en turc, ou encore en espagnol, le Livre de Sindibad parvient en Occident aux alentours du XIIe siècle. Chose remarquable, la plus ancienne version que nous conservons est rédigée en ancien français et nous est connue par deux rédactions (K, dans le manuscrit BnF, Français 1553 ; C, dans le manuscrit de Chartres, Bibliothèque municipale, 620, fragment). Une version latine n’apparaît qu’ensuite, à la fin du XIIe siècle, sous la plume du moine cistercien Jean de Haute Seille : le Dolopathos sive de rege et septem sapientibus. Elle sera elle-même traduite en français par un certain Herbert vers 1220. C’est également au début du XIIIe siècle qu’est élaborée une version française dérimée du Roman des Sept Sages (version D, dans le manuscrit BnF, Français 5036), rapidement suivie de deux versions en prose, respectivement L, qui compte six manuscrits, et A, qui en compte plus d’une trentaine. De celle-ci découlent de nombreuses traductions, notamment en anglais, italien, néerlandais ou encore suédois.
L'empereur Dioclétien confie son fils aux sept sages
Le Roman des Sept Sages de Rome, en prose
Nord de la France, vers 1280
BnF, Manuscrits, Français 95, f. 355r
Les Sept Sages – Un « best-seller » médiéval basé sur un thème du folklore international
Le Roman des Sept Sages est souvent décrit comme un « roman à tiroirs », c’est-à-dire un roman dans lequel un récit cadre inclut d’autres récits, sous la forme de courtes histoires exemplaires. En l’occurrence, l’ouvrage s’inscrit dans la tradition du roman d’apprentissage, dépeignant l’éducation d’un jeune prince par sept sages auxquels son père, l’empereur de Rome, l’a confié. Après sept années où le jeune homme ne cesse d’impressionner ses maîtres par sa sagesse, tous sont rappelés à la cour de Rome où ils retrouvent l’empereur, ainsi que sa nouvelle épouse. Selon les recommandations de ses maîtres, qui cherchent ainsi à contrer le funeste destin qu’ils ont prédit, le jeune prince reste volontairement muet. Devant son silence, l’empereur ne sait que faire et laisse le soin à sa nouvelle femme de s’entretenir avec le jeune homme. Celle-ci tente alors de séduire le prince et, face à son refus, l’accuse de viol.
Ce récit de viol supposé recycle une histoire très largement répandue, tant dans la Bible (Joseph et la femme de Putiphar) que dans la mythologie grecque (Phèdre et Hippolyte).
Le faux viol
Romans en prose de Marques de Rome
France, XIVe s.
BnF, Manuscrits, Français 17000
Le faux viol
Roman des Sept Sages de Rome
Attribué à Évrart d'Espinques, Crozant, France, 1466
BnF, Manuscrits, Français 93, f. 3r
S’ensuit un procès : chaque jour l’impératrice puis un des sages racontent un récit exemplaire à l’empereur pour le convaincre tantôt de l’innocence, tantôt de la culpabilité du jeune prince plongé dans le mutisme. Ce n’est que le huitième jour que ce dernier prend enfin la parole pour rétablir la vérité et condamner à mort la marâtre manipulatrice.
L’impératrice raconte un récit exemplaire à son mari, à propos de ce qu’on fit à un pin
Roman des Sept Sages de Rome
Attribué à Évrart d'Espinques, Crozant, France, 1466
BnF, Manuscrits, Français 93, f. 3v
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