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Louise Hanson-Dyer, créatrice des éditions de l’Oiseau-Lyre

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Louise Hanson-Dyer, fondatrice des éditions musicales et phonographiques L'Oiseau-Lyre, produit en 1949 le premier microsillon français. Retour sur le parcours de la plus française des australiennes et sur l'histoire de sa maison d'édition.
 
 
Louise Hanson-Dyer en 1935

 

En 1946, la société américaine Columbia dépose un brevet pour un disque plat en polychlorure de vinyle. Le microsillon, ou disque "vinyle", est né et va profondément bouleverser les pratiques liées à la musique enregistrée. Il faut attendre la fin de l’année 1949 pour que soit produit sur le sol français le premier microsillon. Une légende tenace voudrait que cette première soit le fruit du producteur Eddie Barclay mais il est en fait l’œuvre de Louise Hanson-Dyer, australienne qui fonda en 1938 la maison de disque de l’Oiseau-Lyre.
Retour sur l’histoire des éditions musicales et discographiques de l’Oiseau-Lyre et sur le parcours de celle qui consacra sa vie à transmettre son amour de la musique classique française, tout particulièrement de la musique baroque, posant ainsi les bases du travail de redécouverte poursuivit par les baroqueux  durant les années 1960.
 

Une enfance australienne

Louise Berta Mossom Smith est née en Australie le 19 juillet 1884 dans une famille aisée de Melbourne. Son père, Louis Lawrence Smith, sujet britannique, arrive en Australie en 1852. Après avoir tenté sa chance comme prospecteur d’or, médecin de formation il propose des consultations par la poste et produit des almanachs médicaux. A partir de 1859, il entre en politique et devient  notamment « candidat du peuple » pour le district de la South Bourke. En 1883, après la mort de sa première femme, Sarah Ann, il  épouse Marion Jane « Polly » Higgins en secondes noces.

 


 Louise Hanson-Dyer enfant par Tom Roberts - 1888
( Australian Copyright Council (ACC))

 

Leur premier enfant, Louise, étudie brillamment le piano à Melbourne puis à Londres ou elle obtient la médaille d’or de la Royal Music Academy. En parallèle, elle s’intéresse très tôt à la culture française. Très active à l’Alliance Française de Melbourne, elle organise notamment des concerts de musique baroque française et monte, en autre, Le mariage forcé de Molière sur une musique de Lully.
 

Création de la maison d'édition musicale L'Oiseau-Lyre

En 1911, elle épouse James Dyer, son ainé de 27 ans. Homme d’affaire écossais, il a fait fortune dans le linoleum. Le couple, après un passage à Londres en 1927, s’installe l’année suivante à Paris. Louise Hanson-Dyer y exerce pendant quelques temps les fonctions de correspondante de presse d’un journal australien avant de fonder en 1932 les éditions musicales de l'Oiseau-Lyre. Son premier souhait est la publication de l’intégrale des œuvres de François Couperin en douze volumes (1932-1933) reliée par Rose Adler. Le premier exemplaire de cette édition est remis au président de la république Albert Lebrun, le second est envoyé à la bibliothèque de Melbourne. En remerciement de ce travail remarquable, elle est nommée Chevalier de la Légion d’Honneur en 1934. D’autres partitions de compositeurs baroques suivront : Jean-Philippe Rameau, John Blow, Henry Purcell ou encore Jean-Sébastien Bach. Mais également des auteurs contemporains français comme Darius Milhaud ou australiens comme Peggy Glanville-Hicks (1912-1990) et Margaret Sutherland (1997-1984).

 

Naissance du label phonographique L'Oiseau-Lyre et premiers enregistrements

Comme elle le souligne elle-même dans le discours qu’elle prononce lors de sa nomination au grade d’officier de la légion d’honneur en 1957, « Vers 1937, je commence à illustrer ces éditions imprimées par le disque». C’est dans cet esprit que nait la maison de disques des éditions de l’Oiseau-Lyre. Elle joint d’ailleurs, dès la publication de son premier disque 78 tours, le geste à la parole. L’édition phonographique du Gloria in excelsis de Matheus de Perusio (13..-1418 ?) sous la référence OL1 est accompagnée la même année de la publication de la partition transcrite par Guillaume de Van.

 

Toujours dans ce même discours, elle explique sa conception de ce que doit être le travail de conception et de réalisation d’un disque : « La musique ancienne pose des problèmes difficiles à résoudre. Pour l’éditeur, il ne suffit pas  de grouper dans le studio un orchestre avec un chef compétent ; tout ce côté du choix des artistes est très important évidemment ; mais avant cela  il y a tout le travail musicologique, aboutissement de longue recherches touchant non seulement le texte lui-même, qui doit être authentique, mais aussi la façon d’interpréter dans l’esprit d’une tradition trop peu connue. Même depuis cinq ans il y a eu des progrès considérables dans l’étude de ces problèmes de style et de goût ; un éditeur doit naturellement tenir compte des plus récentes recherches en proposant au public son interprétation ».

 

Pour les éditions musicales, Louise Hansen-Dyer avait choisi comme logo un ménure représenté de face, oiseau endémique d’Australie dont le mâle lors de la parade dresse ses plumes qui prennent la forme d’une lyre. Pour l’édition phonographique, elle choisit comme emblème, le même animal mais qui pose cette fois-ci de profil. Lors du passage à la stéréo, ils seront deux.

 

                                
 Les trois logos de L'Oiseau-Lyre

 

Les premiers enregistrements de L'Oiseau-Lyre s’effectuent au studio Pathé. C’est également cette société qui réalise le pressage leurs disques 78 tours.
 

Compositeurs contemporains et microsillons

En janvier 1938, son premier mari, James Dyer, décède et Louise se remarie en avril 1939 avec Joseph Birch Hanson, professeur de civilisation française à Oxford, de 24 ans son cadet. Au début de la seconde guerre mondiale le couple quitte la France et s’installe à Oxford, au Balliol College. Les deux époux reviennent en France à la fin de la guerre mais délaissent rapidement Paris pour le climat monégasque. Si la musique ancienne est bien représentée au catalogue de L’Oiseau-Lyre, Louise Hanson-Dyer travaille également activement dans cet après-guerre à la reconnaissance de compositeurs contemporains dont Georges Auric, Benjamin Britten, Joseph Canteloube, Gustav Holst, Jacques Ibert, Vincent d'Indy, Charles Koechlin, Darius Milhaud, Albert Roussel ou encore Henri Sauget.

 

Comme nous l’avons souligné plus haut, 1946 voit la naissance du microsillon aux États-Unis. Louise Hanson-Dyer s’intéressée très rapidement à cette nouvelle invention dans laquelle elle voit une avancé technique déterminante. En effet, cette évolution technique offre un temps de lecture bien supérieur au disque 78 tours et permet ainsi d’éviter les coupures dans les mouvements d’une symphonie ou d’un concerto. Comme elle le souligne dans son discours de nomination au grade d’officier de la légion d’honneur en 1957, « au moment où les premiers microsillons sortaient en Amérique, nous avons pensé, mon mari et moi, qu’il serait intéressant d’appliquer cette nouvelle technique. Nous avons pris l’avion pour New York et quinze jours plus tard nous étions de retour à Paris avec ce qu’il fallait pour faire les premiers microsillons. Nous avons pu nous assurer la collaboration de Monsieur André Charlin, ingénieur du son aujourd’hui très connu dans le monde du disque ». 

 

L’histoire retiendra que premier disque publié par L’Oiseau-Lyre est L’apothéose de Lully de Couperin sous la référence OL-LD 1. Mais comme le précise André Charlin dans une interview accordée en 1980, le premier disque microsillon qu’il enregistre est en réalité celui consacré à l’œuvre de Joseph Canteloube : «  J'ai réalisé le premier microsillon en Europe en 1948. C'était un disque enregistré pour L’Oiseau-Lyre présidé par Mme Louise Dyer. Nous avons enregistré une jeune chanteuse, Lucie Daullene [nda : Lucie Dolène], qui chantait une poésie de Canteloube ». Louise Hanson-Dyer préféra visiblement le répertoire prestigieux de Couperin à la mélodie française de Canteloube pour le lancement du premier disque microsillon français qui se déroula le 6 mars 1950 au studio des Champs-Élysées.

 

Les disques microsillon de L'Oiseau-Lyre destinés au marché français furent enregistrés, gravés et pressés dans l’hexagone jusqu’en 1957. La gravure fut confiée jusqu’en 1957 à André Charlin et le pressage réalisé par Pathé Marconi dans ses usines de Chatou. L’absence d’un marché économique européen commun pénalisait fortement les exportations des productions de L'Oiseau-Lyre soumises à des taxes très coûteuses. D’autre part, la qualité de la pâte vinylite employée en France était de qualité médiocre rendant les disques cassants et le bruit de fond élevé. Louise Hanson-Dyer décide donc de confier en septembre 1953 à la firme phonographique britannique Decca le soin de presser et commercialiser les disques de L’Oiseau-Lyre pour le marché anglais, américain et pour de nombreux autres pays dont ceux du continent africain et l’Europe du nord. Les disques de L'Oiseau-Lyre seront distribués aux États-Unis par la branche américaine de Decca : London records.
 

Nouvelles collaborations et stéréophonie

En 1955, Pierre Cochereau est nommé organiste de Notre-Dame-de-Paris. Commence alors une collaboration fructueuse entre l’interprète et le label qui va graver pour orgue les œuvres de Jean-Sébastien Bach, Marcel Dupré, Franz Liszt, des messes de François Couperin ou encore la deuxième symphonie pour orgue de Louis Vierne. Ces enregistrements font encore aujourd’hui référence dans le monde de l’enregistrement.

 

Au cours des années 1950, L’Oiseau-Lyre va également commercialiser une série de disques 17 cm 33 tours sous l’étiquette "Les disques de l’Oiselet" qui seront distribués par la société Ducretet-Thompson.

 

En 1957, André Charlin réalise le premier disque stéréophonique pour L’Oiseau-Lyre, il s’agit de la Cantate Herz und Mund und Tat und Leben de Jean-Sébastien Bach BWV 147 (réf. SOL 60027). L’enregistrement est réalisé à Paris, la gravure et le pressage sont réalisés à Londres chez DECCA. A partir de la fin 1957, à quelques exceptions près, tous les enregistrements de L’Oiseau-Lyre s’effectuent en Angleterre, comme la gravure et le pressage réalisé par DECCA. Les références typiquement françaises disparaissent du catalogue qui ne conserve que la numérotation internationale OL 50 XXX.

 

 Premier disque stéréo de L'Oiseau-Lyre (source ill. : Discogs)

 

Louise Hanson-Dyer décède 9 novembre 1962 à Monaco. Ses cendres sont rapatriées en Australie et reposent au Melbourne General Cemetery. La même année André Charlin fonde son propre label, Les disques A Charlin. Car comme il le dit lui-même : "Après tant de temps passé à enregistrer pour les autres, je pouvais bien enregistrer des disques sous mon nom". En 1970, le second mari de Louis Hanson-Dyer vend les éditions discographiques à Decca, qui a continuera à utiliser le nom L'Oiseau-Lyre comme label spécialisé dans la musique ancienne. Les Éditions musicales de l'Oiseau-Lyre appartiennent depuis 2013 à la société mère Lyrebird Press, à l'Université de Melbourne.

 

 Pour aller plus loin

 

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