Charlotte Brontë : la passion de l’écriture
Après s’être plongé dans l’atmosphère mystérieuse des romans gothiques et dans les romans sentimentaux de Jane Austen, découvrons l’univers passionné de Charlotte Brontë et de ses sœurs !
Portrait de Charlotte Brontë par George Richmond, 1850 © National Portrait Gallery, London
C’est sous le pseudonyme de Currer Bell que Charlotte Brontë fait son entrée dans la vie littéraire de l’époque victorienne, révolutionnant les conventions avec une grande liberté de ton.
Voici comment Jehanne Foucquet décrivait la célèbre écrivain anglaise Charlotte Brontë en 1899, d’après les souvenirs de sa meilleure amie, Elizabeth Gaskell, qui a notamment écrit Mary Barton (1848)
Jehanne Foucquet, Charlotte Bronté. Paris : Fischbacher, 1899. p.14
C’est dès l’âge de 9 ans que Charlotte écrit avec ses sœurs Emily et Anne, et son frère Branwell, des récits autour des royaumes imaginaires de Gondal et de Glasstown, qu’ils situent en Afrique. Inventant des héroïnes et des héros inspirés par leurs lectures de Byron et de Walter Scott ou à partir des récits des guerres napoléoniennes, la fratrie met en scène des drames, des poèmes et de courtes pièces, allant jusqu’à éditer eux-mêmes leurs ouvrages et magazines dans des formats miniatures. Charlotte s’initie ainsi à l’écriture pendant de nombreuses années avant de publier un recueil de poèmes avec ses deux sœurs sous des noms de plume masculins : Poems by Currer, Ellis and Acton Bell (1846). Tandis que leur frère sombre dans l’alcoolisme et ruine ses projets en 1847, les trois sœurs publient chacune un roman sous des noms mystérieux. Anne publie Agnès Grey sous le nom d’Acton Bell. Emily publie Wuthering Heigts sous le nom d’Ellis Bell, tandis que Charlotte publie Jane Eyre sous le nom de Currer Bell, ce qui conduira à une confusion sur leurs identités respectives :
La revue hebdomadaire, 17 juillet 1926, n°29
Jane Eyre est le roman le plus célèbre de Charlotte et met en scène la vie de Jane, jeune orpheline, dans une société très patriarcale. La force de caractère de l’héroïne surprend les critiques, peu habitués à voir des jeunes femmes tenir tête à leur employeur. Il faut dire que Jane, rejetée par sa tante puis maltraitée à l’école de Lowood, affirme un caractère bien déterminé. Devenue préceptrice auprès de la jeune Adèle, pupille de Mr Rochester, Jane surprend un rire mystérieux dès son arrivée dans la demeure impressionnante de Thornfield, qui rappelle les romans gothiques, avec leurs fantômes et leurs demeures mystérieuses :
Charlotte Brontë. Jeanne Eyre, ou les Mémoires d'une institutrice. Paris : Giraud, 1854. p. 127
Affiche de la pièce Jane Eyre, Dicks' standard plays © The New York public library
Le lecteur est séduit par l’évolution de la relation entre Jane et Mr Rochester, propice à de nombreux échanges souvent passionnés, où la jeune préceptrice n’hésite pas à affirmer ses opinions avec une liberté de ton qui ne correspond pas à sa position sociale. C’est ce que l’on peut remarquer dans cet extrait sonore, lors d’une fête donnée à Thornfield :
Le premier roman de Charlotte, Le Professeur (1857) a longtemps été refusé par les maisons d’édition pour sa tonalité monotone. On y découvre toutefois une description minutieuse de la Belgique, où Charlotte, accompagnée de sa sœur Emily, était venue parfaire son français dans le but d’ouvrir une école de retour à Haworth. Le métier d’enseignant y est décrit avec beaucoup de réalisme :
Charlotte Brontë. Le professeur. Paris : Hachette, 1858. p. 148
Ancré dans la réalité sociale de l’Angleterre victorienne, le roman Shirley (1849) dépeint la dépression industrielle autour de 1812 dans le Yorkshire, avec un portrait de jeune héritière, Shirley Keeldar, fortement inspiré par Emily Brontë, la sœur de l’auteur :
Charlotte Brontë. Shirley. Paris : Hachette, 1859. p. 177
Avec le roman Wuthering Heights, traduit en français en 1892 sous le titre L’Amant, la sœur de Charlotte, Emily, heurte également le bon goût de l’époque victorienne, en mettant en scène la violence des passions et la vengeance de Heathcliff, héros masculin construit en-dehors des normes de la moralité :
Théodore de Wyzewa dans Emily Brontë. Un amant. Paris : Perrin, 1892. p. VIII
Dans ce roman sombre, avec pour seul décor le paysage brut et sauvage des landes du Yorkshire, la passion entre Catherine et Heathcliff, qui a été recueilli par son père lorsqu’il était enfant, n’a de cesse de croître et de semer des événements dramatiques autour d’eux. Dans un moment de recueillement, Catherine confesse à la servante Nelly son amour pour Heathcliff, un attachement loin des conventions, une passion qui la lie irrémédiablement à un être qu’elle considère comme un autre soi-même :
Emily Brontë. Un amant. Paris : Perrin, 1892. p. 92
Moins passionnel, le dernier roman de Charlotte Brontë, Villette (1853) retrace les pérégrinations de Lucy Snowe dans une ville inspirée par Bruxelles et questionne la condition féminine dans un monde où les femmes commencent à peine à accéder à l’éducation. Après avoir perdu ses deux sœurs, Emily et Anne, ainsi que son frère Branwell, morts de la tuberculose, Charlotte se marie en 1854 avec le vicaire de son père, Arthur Bell Nicholls et prépare un nouveau roman. Devenue femme de lettres reconnue, après avoir levé le voile sur son identité, elle meurt en 1855 à l’âge de 38 ans. De nombreuses adaptations théâtrales et cinématographiques ont permis au personnage de Jane Eyre, de devenir un archétype féminin nouveau, qui préfigure les combats féministes.
Atelier de Nadar, Jane Eyre, artiste dramatique, 1900, © département des Estampes et de la photographie
Pour aller plus loin :
Manuscrit de Jane Eyre conservé à la British Library
La banque d'images de la Brontë Society
Exposition Charlotte Brontë, 30 septembre 2016 - 2 janvier 2017, New York, The Morgan library
Retrouvez également tous les billets de cette série consacrée aux Femmes de lettres anglaises :
Terreurs gothiques chez Ann Radcliff
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