Survolez Paris en 1789 !

Voir Paris tel qu’il était en 1789, en couleurs, en survolant ses maisons, ses rues, ses jardins maraîchers, sa rivière industrieuse, c’est ce que permet ce très grand tableau qui nous plonge dans le Paris de Sébastien Mercier, de Beaumarchais et de Restif de la Bretonne…
Le peintre-architecte Fedor Hoffbauer (1839-1922) se fit d’abord connaître pour ses vues de reconstitution de monuments ou de places de Paris qu’il publia dans le grand recueil lithographié Paris à travers les âges (1875-1882). Pour en faire profiter le public de façon plus vivante, il ouvrit en 1885 un diorama sur les Champs-Élysées, exposant 8 immenses toiles représentant Paris à différentes périodes historiques. À la fin de sa vie, il se lança dans la maquette, avec une brillante reconstitution de l’île de la Cité en 1527 (Musée Carnavalet).
La toile exposée dans la salle de lecture de la Bibliothèque historique fut présentée dans l’un des deux pavillons de la Ville de Paris à l’Exposition universelle de 1889 (au milieu du Champ de mars comme le montre ce Plan Conty), dans la section du Service du plan de Paris. Elle faisait pendant à la même vue du quartier de la Bastille en 1889, qui montrait une ville densifiée et industrialisée, peinte par Eugène Bourgeois d’après le dessin d’Émile Hochereau, et décrite dans le Bulletin municipal officiel de Paris du 30 octobre 1889.
L'Exposition coïncidait avec le premier centenaire de la Révolution française. La France, toute jeune République au milieu des monarchies européennes, avait à cœur d'affirmer à cette occasion les valeurs transmises par le Siècle des Lumières, et d'évoquer de façons diverses un passé fraîchement revendiqué. La toile de Hoffbauer, centrée sur la Bastille, participe de cette célébration.
Au premier regard, le tableau déroute – et pour cause : le haut n’est pas le Nord, mais le Sud, tête-bêche. Cette orientation inattendue permet de montrer une large part des 5^e et 13^e arrondissements rive gauche (Jardin des plantes, Salpêtrière). Le grand axe horizontal rive droite est formé par la rue Saint-Antoine à droite, et la rue du faubourg Saint-Antoine à gauche. L’image est bornée à l’ouest au milieu de l’île Saint-Louis.

Plan de Paris, dessiné et gravé, sous les ordres de Messire Michel Etienne Turgot, levé et dessiné par Louis Bretez, gravé par Claude Lucas, et écrit par Aubin, 1739.
 

À l’aide de séances sans doute fréquentes à la Bibliothèque historique, au Département des Estampes de la Bibliothèque nationale et menées peut-être aussi chez son confrère Hippolyte Destailleur, Hoffbauer combinait l’information fournie par les plans anciens, comme celui de Mondhare et surtout celui de Verniquet, avec celle fournie par les dessins anciens, les estampes et le plan de Turgot, précieux quoiqu’un peu daté (1739). Il les complétait sûrement par des relevés sur place, mais il n’a pu disposer de données pour chaque maison… Sa connaissance des vues pittoresques d’Israël Silvestre, des Pérelle, des relevés de Blondel semble avoir été profonde. On retrouve ainsi dans son tableau les moulins près de la Salpêtrière, la silhouette de l’ancienne église Saint-Paul détruite à la Révolution, ou encore l’estacade de l’île Louviers rattachée à la rive droite en 1841. Au bout du compte, sa reconstitution est étonnamment fiable, bien qu’elle ne soit pas dépourvue de quelques erreurs : l’absence de la maison de Beaumarchais, par exemple, à l’entrée du boulevard du même nom, qui manquait au plan de Verniquet.

Moulins de l'hôpital, dessin, Israël Silvestre, XVIIe siècle.
 

Rien ne vaut une visite pour se retrouver tout petit devant l’immense toile ! Récemment restaurée, elle sera visible ainsi que son pendant de 1889 lors de la journée Portes ouvertes : de 10 h à 18 h, retrouvez l’équipe de la Bibliothèque historique pour des présentations des deux chefs d’œuvre !