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Le Psautier dit de Saint Louis et de Blanche de Castille

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4 novembre 2022

Parmi les trésors du musée de la BnF, est exposé le joyau de la bibliothèque de l’Arsenal, le Psautier dit de Saint Louis et de Blanche de Castille. Ce somptueux manuscrit du début du XIIIe siècle, absolument intact et auréolé du prestige de Saint Louis, est un des plus beaux livres du Moyen Âge.
 

La descente de Jésus aux limbes. BnF, Arsenal, ms-1186 rés., f. 25v (détail).

 

Une relique royale

La légende veut que Saint Louis, enfant, ait appris à lire dans le Psautier dit de Saint-Louis et de Blanche de Castille. Rien n’est moins sûr, mais cette légende dit bien le statut particulier de ce manuscrit sur parchemin qui, entré dans le trésor de la Sainte-Chapelle après la canonisation du roi (1297), a très vite été considéré une relique du saint.
Utilisé comme objet processionnel, le livre, fermé, a été enveloppé dans une chemise de satin de soie bleue brodée de fleurs de lys en fils d’or que le roi Charles V a fait confectionner à cet usage. Alors que la plupart des objets de ce genre ont disparu, cette bande de satin de soie brodée est toujours conservée à la bibliothèque de l’Arsenal. Elle est à ce titre une pièce aussi exceptionnelle que le livre :

Chemise du Psautier dit de Saint Louis et de Blanche de Castille, recto et verso. 95 x 98 cm. BnF, Arsenal.
 

La signature du roi Charles VI sur un des feuillets témoigne aussi de la révérence particulière dont jouit ce psautier.

Pourtant, tout porte à croire que ce manuscrit n’a pas été réalisé pour le futur saint.
La qualité de l’exécution, le luxe et la profusion des décors plaident en faveur du rang royal du commanditaire. Mais des descriptions médiévales lient le livre à la mère de Saint Louis, la reine Blanche de Castille. Entre 1368 et 1377, dans l'inventaire du trésor de la Sainte Chapelle, une précision interlinéaire le décrit comme :

« un tres bel Psaltier qui fu a <madame Blanche, mere de> mons. Saint Loys ».

Vers la même époque, une inscription dans le manuscrit parle « du psautier monseigneur Saint Loÿs, lequel fu a sa mere ». Au XIVe siècle on attribue donc ce psautier à la fois à Saint Louis et à sa mère.
Mais le XIVe siècle, c’est plus d’un siècle après la réalisation du manuscrit ! A vrai dire, rien, dans le Psautier, n’infirme cette tradition et plusieurs indices suggèrent que le commanditaire est une femme.
Dans une oraison, les terminaisons des mots de l’expression « me miserrimam peccatricem » (« moi, très misérable pécheresse) sont féminines :

Surtout l’initiale D ouvrant le psaume 101 représente une dame laïque en prière. Certes, cette dame n’est pas couronnée, mais cela pourrait renvoyer au temps où Blanche n’était pas encore reine, entre 1220 et 1223 :

Une dame à genoux devant un autel implore le Seigneur. BnF, Arsenal, ms-1186 rés., f. 122v (détail).

À la Révolution, le manuscrit est confisqué et versé dans le dépôt littéraire des Petits-Augustins, d’où le très avisé Ameilhon, bibliothécaire de l’Arsenal, le fait entrer en 1798 dans les collections de la bibliothèque.

 

Les Psaumes 

Un psautier est un recueil détaché de la Bible contenant le texte du livre des Psaumes. Au XIIIe siècle, fréquemment enluminé, il est utilisé par les laïcs pour suivre les prières qui scandent la journée, ce qu'on appelle la liturgie des heures. Au cœur du livre sont les psaumes distribués en fonction des offices des jours de la semaine, auxquels s'ajoutent un calendrier liturgique, les litanies des saints, des cantiques.
Dans le Psautier dit de Blanche de Castille et de Saint-Louis, le texte des Psaumes occupe les feuillets 30v à 167. Il s'ouvre par une grande initiale historiée pleine page, le B du premier mot du premier psaume (Beatus vir), à l'intérieur duquel sont peintes deux scènes : le roi David, assis sur son trône, dictant les Psaumes à un scribe et, en dessous, David, debout près du trône, donnant ses ordres à quatre sujets :

Les divisions liturgiques sont marquées par neuf autres grandes initiales historiées à fond d'or. Ces initiales indiquent le début des psaumes qui ouvrent l’office de matines de chaque jour de la semaine, ainsi que de deux autres psaumes chantés les matines de mardi et samedi. Ces initiales représentent des épisodes de l’histoire de David, comme au début du psaume 51 où l'initiale Q contient une représentation de l'épisode de David et Goliath :

 

Éclat des couleurs, splendeur des fonds d'or

Avant et après le texte psalmique prennent place deux séries de peintures en pleine page représentant des scènes bibliques. Ces tableaux sont les pages les plus spectaculaires du Psautier.
Les trois cahiers précédant les Psaumes contiennent vingt-et-une peintures pleine page à fond d’or qui, de la chute des anges rebelles au couronnement de la Vierge, présentent les principaux épisodes de l’Ancien et du Nouveau Testament. La somptuosité de ces images justifierait qu’on s’arrête sur chacune, sur la main d’Eve prenant vie dans le foisonnement de la Création, sur l’éclat brûlant des fonds d’or de la Tentation, sur la vigueur narrative de la chaîne des gestes qui unissent Isaac, Abraham, l’Ange et l’Agneau, sur les idoles drôlement chancelantes au passage de la Sainte Famille, sur les larmes des Apôtres à l’ensevelissement de la Vierge :

Apôtres. Ensevelissement de la Vierge. BnF, Arsenal, ms-1186, f. 29v (détail).

Mais arrêtons-nous plutôt, après les Psaumes, sur la dernière des quatre pages peintes qui présentent des scènes eschatologiques.
Insérées dans deux médaillons circulaires qui se croisent verticalement au sein d’un cadre rectangulaire, deux scènes illustrent l’Éternité de la fin des temps :

Les justes dans le sein d'Abraham (en haut), les damnés dans la gueule de l'Enfer (en bas). BnF, Arsenal, ms-1186 rés., f. 171v.

 

En haut, les anges déposent les âmes des justes dans le drap tenu par Abraham. En bas, la gueule de l’Enfer s’ouvre pour accueillir les damnés suppliciés par des diables malicieux ou terribles. La composition géométrique de l’ensemble, l’intensité des aplats de bleu autour des médaillons, les réseaux formés par les encadrements,  l’animation des corps, des drapés et de certains visages ne sont pas sans rapport avec l’art naissant du vitrail et annoncent l’enluminure gothique à venir.

 

L'astronome et le calendrier

Au temps quotidien des prières et au temps historique des peintures se superpose le temps cyclique des douze mois de l’année du calendrier liturgique qui ouvre le manuscrit.
Le calendrier du Psautier dit de Saint-Louis et de Blanche de Castille est à juste titre célèbre. Le chatoiement des pages des mois annonce celui de l’ensemble du manuscrit : quadrichromie de l’écriture, fonds d’or des deux médaillons représentant une allégorie du mois et un signe du zodiaque, alternance des encadrements bleus et rouges :

 

 Le mois d'août. BnF, Arsenal, ms-1186, f. 5v. Le médaillon du haut représente la moisson, celui du bas le signe astrologique de la Vierge.

 
Surtout la grande peinture pleine page au début du calendrier est incomparable. Elle met en valeur un astronome tendant vers le ciel un astrolabe. Le maître se tient sur une estrade. Il est entouré de deux clercs: l’un, à droite, tient un livre ouvert, l’autre à gauche note les observations. Il s’agit d’une scène de mesure du temps pour l’établissement du calendrier.

Cette représentation fait écho à la table pascale qui suit le calendrier et sert de frontispice à l’ensemble du psautier. L’intensité des couleurs et la profusion de l’or donnent le ton de l’ensemble du livre, quand le sujet en donne le sens, car à travers l’exaltation du computiste, ce maître dans la connaissance du temps, c'est l'exaltation du ou de la commanditaire qui s'opère.

Le Psautier dit de Saint Louis et de Blanche de Castille est le manuscrit de tous les superlatifs : commanditaires et possesseurs prestigieux, merveilleux état de conservation, fraîcheur et la richesse des peintures, intérêt esthétique et iconographique. Ces qualités exceptionnelles font de ce livre un des plus grands chefs-d'oeuvre de l'art du XIIIe siècle. Y a-t-il plus bel écrin, pour un tel joyau, que la resplendissante galerie Mazarin du musée de la BnF ?

Pour aller plus loin

Delisle, Léopold, Notice de douze livres royaux du XIIIe et du XIVe siècle, Paris : Imprimerie nationale, 1902, p. 27-35.
Trésors de la Bibliothèque de l'Arsenal [Exposition, Paris, Bibliothèque de l'Arsenal, 1980], [Paris] : BN, 1980, n° 265.
Le Trésor de la Sainte-Chapelle [Exposition, Paris, Musée du Louvre, 2001]. Paris : Réunion des musées nationaux, 2001, notice n°47 [Danielle Muzerelle].

Et ailleurs

L'Art de la lecture au Moyen-Age, exposition virtuelle (Europeana)
 

Commentaires

Soumis par DBeraud le 04/12/2022

le côté gauche avec David représente t-il une tête énorme d'homme ?
l'oeil étant l'arme et la tête de David

est-ce connu comme perception de la lettre Q ?

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