L'octroi face à la fraude
L’octroi était un impôt que les villes percevaient sur l’entrée de certaines denrées mais le terme désigne aussi, par métonymie, le bureau où l’on percevait ces taxes, une administration avec sa législation, ses tarifs et son personnel souvent à l’affut… des fraudeurs.
Dans Paris, ses organes, ses fonctions et sa vie dans la seconde moitié du XIXe siècle (Paris, 1875), Maxime Ducamp décrit l’administration de l’octroi au XIXe siècle à Paris où plus de 2000 agents sont chaque jour sur pied pour remplir leurs rôles à la fois de percepteurs et de gendarmes.
Fraude et fraudeurs de l’octroi
Le chapitre sur les fraudes note que l’octroi a son adversaire spécial qui est : le fraudeur. Au XIXe siècle, à Paris, la fraude est considérable. Elle est punie d'emprisonnement par la loi du 21 juin 1873 pour des durées allant de 6 jours à 6 mois. Mais cette menace a surtout pour but de continuer à collecter l’impôt car quand on s’est fait prendre, il est encore possible d'acquitter le double droit augmenté d’une amende.
Afin de les accompagner dans leur tâche, un Guide pratique pour la rédaction des procès verbaux (Paris, 1861) à l’usage des employés de contribution indirecte, des douanes et des octrois, détaille les éléments qui permettent de verbaliser correctement. Jules Ravier, ancien retraité de l’octroi, use de ce cadre comme d’une contrainte littéraire et compose un procès-verbal en vers sur le cas suspect d’un « Excédant » sur un chargement de fourrage.
S’il faut obéir aux lois et à l’octroi, comme le rappelle un cours d'instruction civique destiné aux enfants, Pierre et Jacques ou l’école de la jeunesse (Paris, 1904), où l’on présente l’exemple du contrebandier fripon qui peut finir en prison, la fraude est commune. C’est une pratique généralisée dont on trouve les aspects burlesques dépeints dans les chansons populaires. Ainsi Gabriel Edant écrit-il : « De là cet article de foi / Qu'il est bon de frauder l'octroi » (!) dans une chanson sur l’ivresse décuplée par le plaisir d’échapper au contrôle des liqueurs à l’entrée des villes.
La popularité de la fraude à l’octroi se manifeste également sous la plume des grands écrivains et autres chroniqueurs de l’époque. Dans L’Education sentimentale, (éd. Charpentier, Paris, 1880) Gustave Flaubert décrit le personnage truculent de monsieur Arnoux, homme d’affaires peu scrupuleux, par la voix de sa maîtresse, Rosanette, qui indique notamment que : « c'était pour lui un devoir de frauder l'octroi ». Alexandre Dumas ridiculise cet impôt dans La Marchande d’esprit, (éd. Coulon-Pineau, Paris, 1854), et la presse satirique s’en donne aussi à cœur joie.
Si les fraudeurs sont malins, l'octroi ne manque pas de malice
Pour savoir comment se pratiquait la fraude à Paris, rien ne vaut une visite virtuelle au Musée des Fraudes de l’octroi où l'on trouvait réunis tous les instruments au moyen desquels les fraudeurs essayaient de tromper la surveillance des employés.
Les produits passés en contrebande étaient, le plus souvent, les vins et spiritueux mais d’autres marchandises taxées étaient aussi concernées (comestible, combustible, fourrage ou autres matériaux). Seuls les produits de première nécessité comme le blé et la farine n’étaient pas soumis à cet impôt.
Voir aussi le billet : Vie et mort de l'octroi : un impôt au profit des villes, publié par Didier Chappet, le 24 juillet 2017
Ajouter un commentaire