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La communauté du rail

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4 avril 2017

Au XIXe siècle, le chemin de fer transforme le paysage de la France avec la construction de gares, de voies ferrées, d’ouvrages d’art, d’ateliers et de dépôts. Il accélère les déplacements, désenclave les régions et devient un acteur central de l’économie. La révolution ferroviaire entraîne la création de métiers spécifiques exercés par  les « agents des chemins de fer » selon leur degré de qualification et de responsabilité. Les manuels, les instructions ou les règlements sont des sources essentielles pour connaître l’organisation du travail quotidien des cheminots.

« Débarcadère de Paris »
Voyage en chemin de fer de Paris à Boulogne et à la frontière du nord : Guide…, 1847, p. 5

« Le  chemin de fer est la plus belle conquête que l’homme ait jamais faite sur le temps et l’espace ; par lui il a vaincu la distance et rendu voisines les nations les plus éloignées… L’heure du départ va sonner … Les voitures ont été inspectées, les chefs et les soldats du chemin de fer sont à leurs postes, la locomotive fume… Le signal est enfin donné ! La locomotive frémissante a déployé son aigrette onduleuse ; on part, on dévore l’espace ! » Ces lignes écrites en 1847 montrent combien le nouveau mode de locomotion est porteur d’espoir.

Malgré les craintes de certains détracteurs, un véritable engouement, relayé par les idées des saint-simoniens, accompagne les débuts du chemin de fer.

Loin de cette envolée lyrique, son usage originel est lié à l’exploitation minière et au transport du charbon dans la région stéphanoise, sur la ligne de Saint-Etienne à Andrézieux. Dès 1827, les wagonnets remplis de minerais étaient tractés sur des rails par deux chevaux remplacés ensuite par une locomotive.

Dix ans plus tard, une liaison ferroviaire est établie entre Paris et le Pecq, station située au pied de la colline de Saint-Germain. L’inauguration de cette première ligne conçue pour le transport des voyageurs a lieu le 24 août 1837 et marque le début d’une nouvelle ère. Déjà dotée d’un excellent réseau routier et d’une active batellerie, la France se transforme grâce au train qui écourte les distances et intensifie les échanges.

La loi du 11 juin 1842 fixe alors les grandes directions du futur réseau, toutes convergent vers Paris, selon une disposition en étoile.

L’essor du chemin de fer entraîne le recrutement d’une importante main d’œuvre qui s’adapte aux techniques et aux pratiques déjà expérimentées en Angleterre. Sous le Second-Empire, les lignes antérieurement concédées sont regroupées pour constituer six grandes compagnies : Nord, Est, Ouest, Midi, Paris-Orléans et Paris-Lyon-Méditerranée. Elles organisent les différentes filières et les métiers spécifiques.

Les exigences de l’exploitation imposent alors rigueur et discipline. Certains agents, surtout ceux qui sont en en contact avec le public, adoptent un uniforme de coupe militaire dont le modèle et la teinte varient selon les compagnies.

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Chemins de fer de l'Est. Règlement sur l'uniforme des divers agents de la compagnie, 1850

Pour assurer la régularité du service, l’organisation interne repose sur une forte structure hiérarchique. L’administration des chemins de fer se compose de trois entités : l’exploitation qui se subdivise en mouvement et trafic (organisation des trains, manutention, surveillance du personnel, service commercial), le service de la voie et des bâtiments (gares, réparation et entretien des voies) enfin, le service du matériel et de la traction (locomotives, voitures, wagons, agents des dépôts et ateliers, mécaniciens, chauffeurs). En 1882, les compagnies comptent 237 000 agents. « Aristocrate du rail », le mécanicien assure la conduite de la locomotive ; à ses côtés le chauffeur entretient le foyer de la machine.

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Les Mécaniciens de chemins de fer, Émile Formstecher, 1885

Le nouveau système technique demande des savoir-faire particuliers et mobilise les compétences de chacun, pour la conduite des machines, la gestion des flux (voyageurs et  marchandises), l’entretien des voies ou la maîtrise des signaux.

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Règlement relatif au service des aiguilleurs, Chemins de fer de l'Est, 1896

Les cheminots suivent minutieusement les procédures stipulées dans leur règlement. Ces obligations requièrent, pour les métiers les plus exigeants, un apprentissage ou une solide formation initiale et surtout un perfectionnement tout au long de la vie professionnelle.

A l’observation de la ponctualité s’ajoute l’obsession de la sécurité. Cette préoccupation est permanente, le personnel doit respecter de nombreuses précautions et des consignes strictes comme en témoigne ce dessin. Ce document date de 1937, année du décret-loi qui prévoit la fusion des compagnies en une seule entité, la Société nationale des chemins de fer français (Sncf). Sa création est effective le 1er janvier 1938,  les anciennes compagnies rassemblent alors plus de 500 000 agents en un seul et unique réseau.

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Instruction générale pour la sécurité du travail (I.S.T), Chemins de fer de l'État, 1937

Dès le milieu du XIXe siècle, « faire carrière au chemin de fer » assure une stabilité relative de l’emploi et la garantie d’une protection sociale. De cette situation naît le sentiment légitime d’appartenir à la même corporation ; cette assurance limitée reste néanmoins liée à une soumission aux règlements, aux hiérarchies et aux nécessités de l’exploitation. Les conditions de travail, en fonction des postes, n’écartent pas des formes diverses de pénibilité et de risques. Au prix de ces contraintes, les cheminots et leurs syndicats ont forgé une communauté du rail qui a su s’adapter à l’évolution des pratiques professionnelles et aux inévitables innovations techniques.

                          Marie-Suzanne Vergeade
Comité central du groupe public ferroviaire - Fonds cheminot

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