Paschal Grousset, dit aussi André Laurie (1844-1909)
Découvrez la vie et l'œuvre de Paschal Grousset, alias André Laurie en littérature, romancier populaire du XIXe siècle.
Les naufragés de l'espace par André Laurie
Un tunnel transatlantique (De New-York à Brest en 7 heures), la vie étudiante (Le Tour du monde d’un bachelier), le portrait de différents peuples (la série La Vie partout), la survie des Atlantes,(Atlantis), la pratique sportive comme éveil pédagogique, telles sont quelques-unes des thématiques de la vie et de l’œuvre de Paschal Grousset, en littérature : André Laurie. Sans oublier aussi son action politique.
Fils d’un professeur de mathématiques, il nait le 7 avril 1844 à Corte et passe son enfance dans le Tarn et Garonne avant de devenir lycéen à Paris en 1861. Il abandonne ensuite des études de médecine pour se tourner vers le journalisme. Débutant par des chroniques scientifiques, il se lance très tôt dans la politique. Opposant résolu du Second Empire (« Notre prose à tous sentait la poudre et chacun de nos articles avait pour mot de la fin un appel à l’insurrection », dira-t-il plus tard), il rédige plusieurs pamphlets : Rêve d’un irréconciliable ou encore Le 26 octobre.
Mêlé à l’affaire Victor Noir - ce journaliste tué par le cousin de l’empereur -, il est emprisonné pour des raisons politiques. La chute du régime le libère. Elu le 26 mars 1871 comme membre de la Commune (représentant de la Butte Montmartre), il est nommé Délégué aux Relations extérieures. C’est en tant que tel qu’il rédige une proclamation enfiévrée pour demander de l’aide aux autres grandes villes françaises (Aux grandes villes). Tout en créant plusieurs journaux, il contribue également au décret qui abolit les différences juridiques entre hommes et femmes, mariage officiel et concubinage, enfants reconnus et non reconnus. Après l’écrasement de la Commune et la Semaine sanglante, il est déporté au bagne de Nouvelle Calédonie, dont il s’évade deux ans plus tard (1874). Il relatera cet épisode et les rudes conditions de détention dans Les Condamnés politiques en Nouvelle Calédonie : récit de deux évadés.
Parvenu à Londres, il devient correspondant du journal Le Temps sous le pseudonyme de Philippe Daryl, ce qui était nécessaire car il est un proscrit en fuite aux yeux de la loi française. Votée en 1880, l’amnistie des communards lui permet de retourner en France. Il y poursuit son travail de journaliste, se fait connaitre comme écrivain, et se lance à la fin des années 1880 dans un nouveau combat. Après une grande enquête sur « Les Jeux scolaires et l’éducation physique » , il fonde la Ligue nationale de l’Education physique, et dirige entre 1891 et 1895 une encyclopédie des sports en quatre volumes. Il se bat pour une pratique physique étendue à l’ensemble de la population, hommes et femmes, riches et pauvres. Il appelle à la renaissance des jeux olympiques de l’Antiquité (« Les jeux olympiques, le mot est dit, il faudrait avoir les nôtres ») et plaide pour un idéal de fraternisation sportive et d’éducation populaire, il s’oppose cependant violemment à la vision élitiste du baron de Coubertin. Il a été encore l’un des principaux artisans de l’introduction du football en France.
En 1893, il est élu député du XIIe arrondissement de Paris comme socialiste indépendant. Il conserve son mandat jusqu’à sa mort, le 9 avril 1909. Entretemps il aura proposé, mais souvent en vain, de nombreuses réformes sociales. Il s’est engagé pour le capitaine Dreyfus (L’affaire Dreyfus et ses ressorts secrets : précis historique), mais son nom reste avant tout attaché à la littérature.
Traducteur de romans anglais (il rédige la première version française de L’Ile au trésor de Stevenson, et reste associé, un peu malgré lui, à Jules Verne. Dès les années 1870, il propose à l’éditeur Hetzel deux manuscrits, qui seront presque complètement réécrits par Verne et publiés sous son seul nom : Les 500 millions de la Bégum (1879) et L’Etoile du Sud (1884). Un troisième texte, en revanche, L’Épave du Cynthia, très peu remanié, parait en 1885 sous leurs deux signatures. Car Paschal Grousset a conservé son habitude des pseudonymes : Philippe Daryl comme journaliste, son vrai nom pour ses textes politiques et André Laurie pour ses romans, la plupart édité par Hetzel.
L'épave du Cynthia, par Jules Verne et André Laurie, 1886
Il connait un vrai succès populaire avec son cycle sur les collèges : La Vie de collège, qui décrit, en 14 romans étalés sur 15 ans (1880-1905) le monde lycéen dans de nombreux pays : France, Russie, Angleterre, Suisse ou Japon. Il remonte aussi le temps, en visitant l’Athènes de l’Antiquité ou le Paris de la Renaissance. Il rédige aussi un certain nombre de romans d’aventures : L’Héritier de Robinson (1884), ou Le Capitaine Trafalgar (1886) , avec parfois des inventions romanesques, telle le grand oiseau mécanique du Géant de l’Azur .
Mais ses deux livres les plus remarquables appartiennent à ce qu’on n’appelle pas encore la science-fiction. Dans Les Exilés de la terre (1888) , un groupe de terriens tente de rapprocher notre satellite de la planète (« Il ne faut pas aller à la lune, il faut obliger la lune à venir nous trouver », ). Spiridon le muet (1906-1907) est une fourmi géante qui surpasse en intelligence et en curiosité la race humaine, mais n’éprouve aucune émotion ni empathie. On a affaire, peut-être pour la première fois, à une race non humaine radicalement différente de la nôtre et qui entraîne une totale incompréhension.
Malgré sa diversité, l’œuvre de Laurie / Grousset offre une certaine cohérence : un plaidoyer pour une nouvelle pédagogie, un combat pour l’égalité et le républicanisme. Le drame de Laurie reste son association dans l’esprit de beaucoup avec Jules Verne, même s’ils n’ont jamais vraiment collaboré. On ne s’en rappelle que pour cela, et on ne le juge plus vraiment en tant qu’auteur. Cela est en train de changer grâce à la grande biographie de Xavier Noël (Paschal Grousset : de la Commune de Paris à la Chambre des députés, de Jules Verne à l'olympisme et le numéro spécial de la revue Rocambole de l’été 2010.
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