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Damia, la tragédienne de la chanson

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Figure du music-hall et de la vie parisienne de l'entre deux guerres, Damia a laissé un nombre considérable d'enregistrements, principalement chez Odéon puis chez Columbia, en plus d'avoir gravé quelques faces pour Pathé et Perfectaphone. Vedette d'un unique film, Sola, d'Henri Diamant-Berger en 1931, elle fit des apparitions chez Duvivier (La tête d'un homme en 1933) et chez Guitry. Retour sur le parcours d'une artiste qui n'a jamais été totalement oubliée.
 

« La tragédienne de la chanson ». C’est en ces termes qu’invariablement commence  toute présentation de Damia. Et il est vrai qu’avec sa longue robe noire et ses bras découverts, auxquels s’ajoutait un éclairage scénique savamment étudié, elle en imposait. D’autres encore l’avaient baptisée « La Sarah Bernhardt de la chanson » !
Damia s’en amusait et, dans un registre plus léger, aimait à rappeler qu’elle était contemporaine de la Tour Eiffel. C’est qu’elle avait vu le jour à Paris, rue Jeanne d’Arc, dans le 13e arrondissement. Fille d’un sergent de police, Marie-Louise Damien est issue d’une famille sans histoire. Enfance heureuse mais adolescence difficile. La jeune femme rebelle fugue et fréquente les milieux louches dont son répertoire chanté se fera plus tard l’écho. Pour gagner sa vie, elle fait ses débuts sur les planches et est remarquée par l’une des grandes vedettes de l’époque, le comédien Max Dearly. Il la conseille, tout comme Roberty, le mari de Fréhel, qui la fait travailler sa diction et lui fait donner des cours de chant.

Son ascension est finalement rapide. De revues en récitals, elle prend de l’expérience, affine son style et, en 1914, à 25 ans, elle ouvre son propre cabaret, le Concert Damia. Elle devient Damia alors qu'elle a, pendant un temps, officié sous le pseudonyme de Maryse Damia. Les vingt années de l’entre- deux guerres vont constituer sa grande période. « La grande », comme on l’appelle également, passe sur toutes les scènes parisiennes : la Gaité Montparnasse, le Casino de Paris, l’Empire, l’Etoile, l’Européen…Le public fait une fête à celle qui l’électrise de sa voix chaude et un peu rauque.

Une évocation des titres chantés par Damia permet de comprendre les raisons pour lesquelles elle put être qualifiée de « chanteuse réaliste » : La veuve, La garde de nuit, La malédiction, J’ai l’cafard, etc… Deux chansons en particulier restent associées à Damia. Les goélands, tout d’abord, une chanson de Lucien Boyer :
« Les marins qui meurent en mer et que l’on jette au gouffre amer comme une pierre
Avec les chrétiens refroidis ne s’en vont pas au paradis trouver Saint Pierre
[…]
Ne tuez pas le goéland qui plane sur le flot hurlant ou qui l’effleure
Car c’est l’âme d’un matelot qui plane au-dessus d’un tombeau
Et pleure pleure ».
A mi-chemin entre la chanson réaliste et la chanson de marins, il s’agit d’une terrible évocation à laquelle l’interprétation déchirante de Damia donne une dimension de chef d’œuvre. Elle chanta aussi Sombre dimanche, une chanson d’origine hongroise dont une rumeur curieuse murmurait alors qu’elle pouvait pousser au suicide !

Mais Damia n’était pas qu’une chanteuse réaliste et elle sut également se faire l’interprète de chansons plus légères qui apportaient une respiration à son tour de chant : La guinguette a fermé ses volets, Aimez-vous les moules marinières ?...
Elle sut également profiter de l’essor des médias de masse pour accroître sa popularité. Elle apparut dans quelques films, du Napoléon d’Abel Gance en 1927 à Notre-Dame de Paris de Jean Delannoy en 1956 mais, bien évidemment, c’est surtout le développement de l’industrie phonographique qui lui fut favorable. Elle grava ses premiers 78 tours chez Odéon en 1926 puis passa toutes les années 30 comme vedette des disques Columbia – elle était d’ailleurs la compagne de Jean Bérard, le directeur de la firme.

Avec la seconde guerre mondiale s’amorça son déclin. Une concurrente redoutable et détestée la relégua à la seconde place : la jeune Edith Piaf qui, pourtant, admirait tant son aînée. A la Libération, la musique populaire change et Damia n’a plus sa place : sa façon de chanter et ses effets sont maintenant démodés. Elle fait encore une tournée triomphale au Japon en 1953, partage l’affiche à Paris, le temps d’un spectacle ou d’une émission de radio ou de télévision, avec de jeunes talents comme Mouloudji ou Cora Vaucaire. Peu à peu, elle s’éloigne et la maladie d’Alzheimer fait son œuvre. Contemporaine de la Tour Eiffel, Damia meurt à La Celle-Saint-Cloud le 29 janvier 1978.    

Pour aller plus loin :

 

Commentaires

Soumis par Gérald HINAULT le 31/12/2021

bonjour & merci de parler de Damia c' est formidable et moi ( 76 ans ) qui suis amateur d' une certaine époque j' ai énormément de 45 et 78 tours de ces chanteuses que j' adore et j' essaie de trouver des documents sonores de...Berthe SYLVA...introuvables ! donc, merci si vous trouvez quelque chose.
avec mes salutations.

Soumis par Bouschbacher le 18/08/2022

Bonjour Monsieur,
je porte à votre connaissance la présence au château de Darney 88260 du seul musée de France consacré à Damia. Il a été inauguré en 2018 et présente des objets ayant appartenu à l'artiste, de nombreux tableaux l'a représentant , de nombreuses photographies , de la discographie
ce serait un plaisir que de vous faire visiter cet espace
bien amicalement
Jean Marc Bouschbacher, président de l'association "Les Amis du Patrimoine"

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