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Xavier de Montépin (1823-1902)

2
3 novembre 2017

Xavier de Montépin, aujourd’hui ignoré, fut un des feuilletonistes les plus célèbres du XIXe siècle et l’un des promoteur du « roman de la victime » forme prépondérante de la littérature populaire des débuts de la IIIe République, dont son texte le plus célèbre, La Porteuse de pain, est l’archétype.

« — J'ai bien souffert, — dit-elle parfois. — Mais, aujourd'hui, c'est le paradis... — Ah ! Dieu est bon ! ». Cet hommage à la « divine Providence » termine un des livres les plus vendus sous la IIIe République, La Porteuse de pain, histoire d’une innocente persécutée qui ne sera réhabilitée que vingt-trois ans plus tard. Malgré ses souffrances passées et sa vie en partie brisée, elle rend encore grâce au ciel, se contentant de son sort. Cette acceptation de la destinée et ce fatalisme est une des caractéristiques de la littérature populaire de la fin du XIXe siècle. Et ce roman reste encore fameux de par son succès et de ce qu’il dit de son époque. Mais son auteur est complètement oublié de nos jours.

Xavier de Montépin, par Touchatout, Le Trombinoscope, 1875

Xavier-Aymon de Montépin naît le 18 mars 1823 (certaines sources indiquent 1824) à Apremont, dans les Vosges. Fils d’un comte, neveu d’un pair de France, il suit des cours à l’école des Chartes puis des études de droit, mais se tourne très vite vers le journalisme et la littérature. En 1847, il publie, en collaboration avec le marquis de Foudras, son premier livre, Les Chevaliers du Lansquenet, roman à clés relatant des aventures galantes. Durant la révolution de 1848, il se range résolument du côté du camp réactionnaire et dirige deux journaux satiriques, Le Canard, puis Le Lampion (ce dernier avec Hippolyte de Villemessant qui deviendra par la suite un directeur influent du Figaro). Mais ces périodiques ne durent pas, et après quelques autres essais infructueux dans le journalisme, Montépin revient au roman. Il connait un premier succès en 1855 avec les Filles de plâtre : le livre est saisi car jugé contraire aux bonnes mœurs. Évidemment, une partie de la presse en reprend les passages litigieux et son auteur devient une célébrité. Il est alors publié dans de nombreux journaux, et va rester jusqu’à sa mort un des feuilletonistes les plus en vue.
 
Si on trouve dans sa production des romans historiques, comme Le Pendu (1860, sur les guerres de religion), Le Médecin des pauvres (1862, sur la lutte entre francs-comtois et français dans le Jura du XVIIe siècle) ou La Perle du Palais-Royal (1879, intrigue située au temps de Louis XV), la plupart de ses textes sont cependant résolument contemporains. Il est un des feuilletonistes les plus prolifiques, au milieu de confrères qui pourtant publient abondamment. On ne compte pas moins de deux cents livres, la plupart des romans, mais aussi nombre de pièces de théâtre, que ce soit ses propres adaptations à la scène de ses récits, ou des drames écrits en collaboration avec d’autres (comme les deux Dumas ou D’Ennery). Comme beaucoup, il utilise parfois des « nègres littéraires » (comme Marc Mario ou Maurice Jogand). Très conservateur, il a demandé sans succès au Comité de la Société des Gens de Lettres l’expulsion de Victor Hugo comme indigne. Ce bon vivant, amateur de bonne chère, aimant les chiens et les chevaux, se partage entre sa maison de Passy et sa villa de Cabourg. Il meurt à Paris le 30 avril 1902.

La Porteuse de pain, drame nouveau en 5 actes et 9 tableaux. Affiche 1889

Montépin a une facilité à rédiger vite et correctement : « J’écris comme je parle », avait-il coutume de dire. Par contre il ne faut pas chercher chez lui une écriture ciselée ou des constructions narratives ambitieuses. En 1922, un critique littéraire expliquait que « de plan préconçu, il ne se souciait guère. Ça venait comme ça venait. La folle du logis dictait. Il n’avait que la peine d’écrire ».
 
Il manie tous les archétypes de la littérature populaire de son siècle : nombreux retours en arrière, manichéisme, psychologie primaire des personnages reflétée par leurs physiques, coïncidences incessantes qui relancent l’action, importance de « l’honneur » (par exemple dans la Porteuse de pain un homme refuse d’épouser la fille d’un assassin alors qu’il en est amoureux), identités brouillées, fins de chapitres en forme de coup de théâtre (c’est la loi du feuilleton), adresses au lecteur, et multiplication des intrigues secondaires, au point que le célèbre satiriste Touchatout pouvait écrire en 1875 : « Plusieurs fois même, M. de Montépin, qui écrivait ce feuilleton au jour le jour, fut obligé d’en suspendre la publication parce qu’il s’était perdu dans ses dix-neuf intrigues ».
 
Il utilise souvent comme personnages des gens du peuple : La Gitane, Les Filles du saltimbanque ou La Chanteuse des rues. Mais, très conservateur, c’est pour enjoindre à chacun de rester à sa place, et surtout refuser toute revendication sociale. Ainsi fait-il dire à un ouvrier, dans Le Fiacre n.13 : « Mon unique préoccupation, c'est mon travail. — La politique m'agace, je vous l'ai déjà dit, et puis j'ai l'horreur du désordre, des émeutes et tout ce qui s'ensuit... Le tapage dans la rue, ça n'est bon qu'à faire fermer les ateliers... ».

La Marchande de fleurs, grand roman inédit de Xavier de Montépin. Affiche Henri Meyer, 1897

Son grand thème, à l’instar d’Adolphe D’Ennery ou de Jules Mary, est ce qu’on a nommé par la suite « le roman de la victime ». L’histoire d’un individu (généralement une femme, mais pas forcément, cf. L’Homme aux figures de cire), innocent condamné injustement (par la justice ou par l’opinion) avant sa réhabilitation ultime et le châtiment du coupable. Un des livres les plus emblématiques de ce sous-genre, prédominant dans le dernier tiers du XIXe siècle, en est son succès le plus brillant, devenu un livre phare de la littérature populaire de l’époque, La Porteuse de pain. Ce roman, très long (près de 1 200 pages dans l’édition de 1887, la première édition de 1884 comptant six volumes), raconte l’histoire de l’ouvrière Jeanne Fortier, accusée d’avoir tué son patron et enfermée près de vingt ans en prison avant de s’évader. Elle devient porteuse de pain, ce qui lui permet de survivre et de dégager un peu de temps pour rechercher ses enfants qu’on lui avait arraché alors qu’ils étaient encore en bas âge. Grâce au produit de son crime, le véritable assassin part aux États-Unis avant de revenir à Paris vingt ans plus tard, fortune faite, et ce, « coïncidence », au moment même où Jeanne Fortier s’évade. Cette intrigue se redouble par l’histoire des enfants des différents protagonistes. Évidemment à la fin triomphera la Justice. Le succès fut tel que le roman connut, outre ses adaptations théâtrales, une existence durable au cinéma : au moins six adaptations, dont une par Louis Feuillade en 1906 et une autre par Maurice Cloche en 1963 (avec Philippe Noiret et Jean Rochefort), ainsi qu’une série télévisée (par Marcel Camus en 1973).

Montépin n’avait pas bonne presse en son temps. Touchatout, encore lui, en parlait comme d’un « pacotilleur de lettres » et d’un « romancier-bousilleur ». Mais on lit encore de nos jours La Porteuse de pain. Et l’historienne des mentalités Anne-Marie Thiesse (dans Le roman du quotidien : lecteurs et lecteurs à la Belle Epoque, 1984) termine une analyse rigoureuse mais critique de ce livre par ces mots : « Admirable « machine à produire du texte », La Porteuse de pain est aussi productrice de plaisir ».

Commentaires

Soumis par dekeroual le 13/11/2017

"Devant une roulotte, une jeune femme joue du limonaire et un homme de la trompette pendant qu’une petite fille danse. Une jeune femme, la comtesse de Kéroual donne quelque argent à l’enfant. Puis la troupe s’éloigne dans sa roulotte. Peu après, le père, malade, tombe sur le bas côté de la route devant la demeure de la comtesse qui les recueille. Mais la comtesse est courtisée par le baron Julien de Strény. Ce dernier dont la fortune a été engloutie, ne cherche qu’à l’épouser pour son argent. Haineusement inspiré par Pepita, sa maîtresse, Julien va empoisonner la comtesse. Mais Perrine, la fille du saltimbanque se rend compte de l’étrange attitude de Julien auprès de celle qu’il feint d’aimer. Elle en avise le docteur mais trop tard. La comtesse se meurt mais avant de mourir et sachant de quoi elle meurt, Léonie de Keroual, suffoquée de douleur autant que de haine pour l’être qu’elle a tant aimé, lui crie son mépris avant de succomber. Sa mort est cependant vengée car la douce Perrine, un moment soupçonnée, prouve la culpabilité du baron"
http://filmographie.fondation-jeromeseydoux-pathe.com/17298-filles-du-sa...

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