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Léo Lelée, le peintre des Arlésiennes

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2 septembre 2020

Personne n’a vu l’Arlésienne, mais qui ne connaît son célèbre costume ! C’est l'artiste Léo Lelée qui a fixé à sa façon tant le célèbre vêtement que l’âme arlésienne. Pour mieux connaître ce peintre provençal, illustrateur, dessinateur, affichiste et décorateur, qui se disait modestement « imagier », retraçons son parcours dans le milieu artistique et littéraire entre Paris et Arles.

L'Arlésienne, pièce d'Alphonse Daudet : documents iconographiques, 1885

Commençons par lire sa truculente biographie par le spécialiste des peintres provençaux, Jules Belleudy, dans la Revue du Midi en 1913 ainsi sous-titrée :


La Revue du Midi : religion, littérature, histoire1913, p. 348-365

 

 

Léopold Lelée naît en 1872 en Mayenne. Il se destine d’abord aux Arts appliqués et se spécialise dans les illustrations, affiches, représentations de costumes et décoration. Il illustre des livres scolaires et propose ses dessins anatomiques pour des thèses médicales. Mais c’est à Paris qu’il développe son graphisme caractéristique : inspirées par les femmes, la végétation, la nature, ses arabesques stylisées emplissent ses affiches, ses cartes postales, ses décors, ses tableaux. C’est que, formé à l’École nationale supérieure des Arts décoratifs et à l’École nationale supérieure des Beaux-arts de Paris, son crayon se revendique clairement de l’Art nouveau.
 
Il crée plus de 3000 cartes postales dont une a été sélectionnée dans la « Collection des Cent », une collection de cartes postales vendues à partir de 1901, dessinées par des artistes maîtres en cartes postales tels Jacques Villon ou Alfons Mucha. En parallèle, ses affiches aux lignes épurées connaissent le succès.

Affichée dessinée par Léo Lelée, 1900
 

En 1896, il devient professeur dans un cours de composition décorative à lÉcole des arts industriels de Roubaix. On le décrit alors comme « oubliant souvent l’heure, distrait par l’entrée ou la sortie des ateliers ou le spectacle de la rue… dessinant les silhouettes des mendiants attendant la distribution de soupe dans la rue, des ouvriers et ouvrières se hâtant vers l’atelier … » (Jules Belleudy, Léo Lelée, imagier provençal, 1913). C’est que Lelée s’ennuie et trouve la lumière de Roubaix bien fade.

Lelée retourne à Paris et c’est à l’occasion d’un bal des Quat'z'Arts qu’il va accomplir son destin. Là, un Arlésien, ancien camarade des Beaux-Arts devenu aquarelliste et sculpteur, Gaston de Luppé, lui vante son pays, les costumes des femmes, le soleil et toute la féérie des Alpilles. L’accent provençal de son ami le convainc sans doute. Lelée l’accompagne en Arles, ville magique qui a envoûté Vincent Van Gogh, Paul Gauguin, Pablo Picasso ou aujourd'hui Jean-Claude Quilici. Léo Lelée a trente ans. Il ne quittera plus l’Arlésie. Dès 1902, il réalise de nombreuses aquarelles sur la vie de la cité et ses premières estampes dont Les Lices d’Arles, La Fête VirginaleLes TaureauxLa Procession aux Baux
Pour vivre de son art, ce qui ne sera jamais facile, il ouvre une boutique appelée L’image prouvençau avec des cartes postales ou du papier à lettre orné de profils d’arlésiennes. Le lieu devient le rendez-vous des poètes, des artistes et des voyageurs de passage.
 
Deux collaborations vont faire sa notoriété et lui permettre d’illustrer d’autres auteurs français ou étrangers pour de beaux ouvrages d’art de l’époque. Il fait d’abord la rencontre de Frédéric Mistral, l’écrivain et poète provençal, fondateur du Felibrige et prix Nobel de littérature en 1904 pour son œuvre Mirèio. Mistral veut sauver le patrimoine provençal qui, au début du 20e siècle, est délaissé par les jeunes au profit de la mode parisienne. Il a fondé en 1896 le Museon Arlaten dépositaire de l’ethnographie provençale.

 
Le poète est à l’origine en 1903 de la Fiesto vierginenco, la fête virginale où toutes les jeunes filles de quinze ans, qui jusque-là ne pouvaient porter que le costume dit de Mireille, sont invitées à une prise de rubans et d’habits pour symboliser leur passage à l’âge adulte.

Défilé d'arlésiennes : photographie de presse / Agence Mondial, 1932

 

Mistral demande à Léo Lelée de fixer minutieusement leurs costumes qu’ils soient du quotidien ou de fêtes. Le peintre publie en 1910 un recueil de dessins détaillés de ces costumes d’Arlésiennes, parures, coiffures, parements, attitudes. Il s’agit d’un véritable mode d’emploi pour celles qui veulent s’initier aux coutumes arlésiennes. Ces dessins, d’abord destinés aux novices, ont une valeur esthétique mais aussi technique : ils fixent l’évolution de ces tenues qui se distinguent parmi les plus beaux costumes régionaux français. À partir de ces modèles, Léo Lelée décline des silhouettes d’Arlésiennes en farandole. Il allonge les lignes courbes et les ponctue de jets d’arabesques. Il invente une ligne modernisée du ruban. Parallèlement, il illustre l’ouvrage Le Costume en Provence en deux volumes de Jules Charles Roux.

 
En 1930, il illustre l’ouvrage Douze contes de Paris et de Provence de Paul Arène :
 

P. Arène, Douze contes de Paris et de Provence,
avec cinquante lithographies originales en couleurs et douze lettrines décorées de Léo Lelée, 1930

 
Pour tous, Léo Lelée, l’Angevin, incarne désormais la véritable Provence. Ainsi le journal Comoedia du 16 octobre 1931, fait fi des habituels décors parisianistes et se réjouit de voir comment le théâtre de L'Odéon donne à L'Arlésienne de Georges Bizet un cadre vraiment provençal grâce aux nouveaux décors du peintre Léo Lelée.

 

Son travail ne s’arrête pas aux costumes, il peint et dessine également des scènes de vie des Arlésiens, ainsi que les plus beaux lieux de leur vie : le théâtre antique, les arènes, le marché, les feux de la saint Jean, les bohémiennes aux Saintes-Marie-de-la-mer, le cloître Saint Trophime…
Pendant 45 ans, Léo Lelée a mis tout son talent au service de la culture provençale depuis Arles et Fontvieille, il a sillonné les Alpilles avec ses carnets de croquis, pour garder en mémoire cette Provence qui disparaissait. Celui que se disait humblement imagier provençal meurt en 1947. En Arles.

 
De nombreuses expositions présentent régulièrement le travail de l’artiste qui avait donné dès 1935 son fonds de travail au Musée-École de la Perrine à Laval et au Musée Arlaten d’Arles soit près de mille six cents œuvres. Le Musée Brayer, le Musée Chabaud, ou encore le Musée Réattu exposent également une partie de ses œuvres. Chanceuses sont les familles d’Arlésie et beaucoup bien modestes, qui ont possédé une farandole ou un groupe de ces Arlésiennes stylisées de Lelée, lequel quand les temps étaient durs, payait, disait-il, son percepteur ou son boucher avec ses aquarelles.

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