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Marie Marvingt, championne sportive et pionnière de l'aviation

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1 juillet 2021

Marie Marvingt (1875-1963) n'a jamais eu peur de défier les hommes sur "leur" terrain, celui de l'audace et du courage. Surnommée "la fiancée du danger" par la presse, elle fut à la fois championne multisports, pilote d'avion, infirmière et journaliste de guerre. A sa mort à 88 ans, elle pratiquait encore le cyclisme et préparait son brevet de pilote d'hélicoptère.

Mlle Marvingt est portée en triomphe pour avoir établi le premier record féminin de durée de vol (53 mn) , à Mourmelon, le 27 novembre 1910

La jeune Marie Félicie Elisabeth Marvingt, née à Aurillac le 20 février 1875, commence à nager en même temps qu'elle apprend à marcher. A Nancy où elle vit à partir de 1889, encouragée par son père à expérimenter toute sorte de sports, elle s'initie aux arts du cirque puis au vélo. Elle entame ensuite des études de lettres, de médecine et de droit, et obtient son diplôme d'infirmière de la Croix-Rouge.

Au début des années 1900 commence son palmarès sportif exceptionnel. En juillet 1905, elle réalise la "première" (nouvelle voie d'accès) féminine de la traversée Charmoz-Grépon, dans la chaîne du Mont-Blanc, en escaladant la difficile aiguille du Grépon, ce qui lui vaut de figurer en Une du magazine Fémina de septembre 1911 sur les femmes pionnières en alpinisme. Elle participe à des grandes courses cyclistes sur route : Nancy-Bordeaux en 1904, Nancy-Milan en 1905, Nancy-Toulouse en 1906, comme le relate Le Miroir des sports en 1920. Les femmes n'étant pas autorisées à porter un pantalon et le pédalage s'avérant complexe en jupe, elle adopte lors de ces courses la jupe-culotte, qui améliore encore ses performances et intègrera plus tard le nouveau chic féminin des années 1910. En 1908, elle s'inscrit au Tour de France cycliste mais devant le refus des organisateurs, elle décide de prendre le départ quelques minutes après celui des hommes et serait parvenue à terminer la course. En juillet 1906, elle devient la première Française à parcourir les 12 km de la traversée de Paris à la nage.

Départ de nageuses pour la traversée de Paris à la nage, 1919 (Agence Rol)

On reste confondu, stupéfié, devant les prouesses athlétiques et sportives de cette jeune fille qui, d'année en année, s'exerce à tous les exercices physiques, s'y entraîne avec ardeur et obtient des résultats tels que le mot "record" s'ajoute invariablement à chacun de ses exploits.

écrit le Miroir des sports le 28/10/1920.
Plusieurs journaux publient des articles sur ses exploits et son parcours : L'Univers en 1913, L'Afrique du Nord illustré en 1922, L'Avenir de Luchon en 1927.
Entre 1908 et 1910, elle remporte plus de vingt médailles d'or à Chamonix dans de nombreuses disciplines de sports d'hiver : en ski, luge, patinage artistique, patinage de vitesse, concours de saut, bobsleigh.

Mlle Marvingt à Chamonix, 1913 (Agence Rol

Mlle Marvingt gagne la course de ski pour dames au Lioran, 1911 (Agence Rol) et Mlle Marvingt en luge à Chamonix, 1912 (Agence Rol)

Mais la terre ne lui suffit pas. Dès 1901, elle effectue son premier vol aérien accompagné en ballon libre (ou aérostat), puis en solo en 1907. En 1909 elle est la première femme à piloter seule un ballon au dessus de la mer du Nord et de la Manche, et décide avec son partenaire de vol de pousser en direction de l'Angleterre. Son ballon, "L'étoile filante", touche l'eau à plusieurs reprises au cours des 14 heures de traversée, et passe de justesse les premières falaises anglaises, mais percute des arbres à l'atterrisage en pleine nuit. Marie Marvingt tombe de la nacelle, mais s'en remet dès le lendemain !

En 1910 elle entame son apprentissage du pilotage sur aéroplane monoplan (les premiers avions), et devient officiellement titulaire du brevet de pilote n°281 de l'aéroclub de France le 8 novembre de la même année. Elle devient ainsi la troisième femme au monde à obtenir son brevet de pilote. Le 27 novembre de la même année, elle établit le premier record féminin de durée de vol avec 53 minutes et 15 tours d'une boucle de 3 kilomètres. La revue La vie au grand air la consacre en Une pour cet exploit. Jusqu'en 1913, elle multiplie les vols, en particulier sur les avions monocoque de la société aéronautique Déperdussin. Le 12 décembre 1913, elle subit son seul accident sérieux en plus de 900 vols, elle se retrouve bloquée à terre pendant 35 minutes sous la coque de son avion et parvient à creuser la terre pour respirer un peu d'air jusqu'à l'arrivée des cultivateurs du coin pour la dégager de l'appareil. 

Décollage en ballon au Grand Prix de l'Aéroclub de France, juin 1910 et Dans son aéroplane monoplan de la société aéronautique Antoinette, Mourmelon, 1910 (Agence Meurisse)

En 1910 elle se lance pour la Croix-Rouge dans la conception d'un avion-ambulance. Puis elle organise des conférences partout en France pour promouvoir l'aviation sanitaire et financer la construction de son prototype. La déclaration de la Première guerre mondiale met un terme à son projet mais elle rebondit aussitôt en demandant son intégration dans l'aviation militaire française. Sans réponse de la part de l'armée, elle participe d'elle-même à deux bombardements aériens en Lorraine, pour lesquels elle sera décorée plus tard de la Croix de Guerre 1914-1918. Après le refus officiel des autorités militaires, elle devient infirmière-major auprès d'un chirurgien de Nancy et collabore comme correspondante de guerre avec plusieurs journaux, notamment L'Intransigeant. Mais le terrain lui manque, elle réintègre clandestinement le front, cette fois à terre, dans les tranchées, et déguisée en homme ! Elle est démasquée au bout de 47 jours et doit quitter le front. Mais elle ne renonce toujours pas, on la retrouve secouriste à skis sur le front italien des Dolomites.

A partir de 1920 notre championne toutes catégories s'investit pleinement dans son rôle d'ambassadrice de l'aviation sanitaire française. Elle devient officier de santé des armées au Maroc et déléguée de la Ligue aéronautique de France. Elle organise des conférences en Afrique du Nord, de Dakar à Tunis, dans des écoles ou pour le grand public, avec démonstration de vol en plus. En 1929 elle crée le premier congrès international de l'aviation sanitaire. Elle réalise également deux films documentaires : "Les ailes qui sauvent", tourné en 1934 au Maroc, et plus tard en 1949 "Sauvés par la colombe". Au cours de ses missions en Afrique du Nord, toujours sportive et pionnière dans l'âme, elle trouve aussi le temps d'inventer le ski sur sable !

Article paru dans L'Auto du 16/07/1935, page 7

Pendant la Seconde guerre mondiale, Marie Marvingt est encore et toujours sur le front en tant qu'infirmière de l'air. Elle invente alors un nouveau type de suture chirurgicale, mieux adapté au terrain de guerre car plus résistant aux infections. En 1939 elle fonde en Dordogne un centre de convalescence pour les aviateurs blessés, "Le repos des ailes". Au cours des années d'après-guerre elle recoit de nombreuses médailles en France, dont celle d'officière de la légion d'honneur en 1949, mais ne touche aucune pension de retraite. Elle vit modestement de ses conférences et son métier d'infirmière. En 1959, à 84 ans, elle décide de passer son brevet de pilotage d'hélicoptère et à 86 ans, elle pratique encore le cyclisme  en pédalant de Nancy à Paris.
Elle meurt le 14 décembre 1963 dans un hospice à Laxou, en Meurthe-et-Moselle, dans un relatif anonymat. La revue d'aéronautique Icare publie quand même un vibrant hommage en 1964, à la mesure de son immense talent.


Melle Marvingt, aviatrice :  Agence Meurisse. 1910

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Billet rédigé dans le cadre du Forum Génération Egalité.
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Commentaires

Soumis par Catherine Dhérent le 11/08/2021

Merci pour ce passionnant article sur cette femme d'exception et de tempérament qui excellait dans tous les sports jusqu'à un âge avancé. Un exemple !

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